relativité
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Formé sur relatif au début du xixe s. 1905 pour le sens en physique.
Physique
1. Principe de relativité : énoncé selon lequel la forme des lois physiques reste invariable à travers un certain nombre de transformations de systèmes de coordonnées. – 2. Théorie de la relativité : théorie incorporant un principe de relativité parmi ses postulats. Cette dénomination est traditionnellement réservée à la théorie de la relativité restreinte et à la théorie de la relativité générale, formulées par Einstein en 1905 et 1915. Mais elle peut également être appliquée rétrospectivement à la mécanique galiléo-newtonienne, et elle a été reprise pour des théories ultérieures mettant en jeu de nouveaux principes de relativité (comme la relativité d'échelle de L. Nottale).
La définition du principe de relativité, inspirée de celle d'Einstein en 1905, semble receler un paradoxe. N'équivaut-elle pas à une proclamation de validité absolue (celle des lois physiques) plutôt qu'à un constat de relativité de quoi que ce soit ? Pour réaliser qu'il n'y a là aucune contradiction, il faut distinguer entre clauses d'invariance et clauses de covariance. Une clause d'invariance affirme la constance de certaines structures quel que soit le référentiel choisi. Une clause de covariance affirme la variabilité collectivement ordonnée d'un ensemble de déterminations lors du passage d'un référentiel à l'autre, de telle sorte qu'un certain nombre de relations entre déterminations restent indépendantes du référentiel. Les principes de relativité consistent au premier regard en une clause d'invariance, parce qu'ils affirment la constance de la forme des lois indépendamment du référentiel choisi pour les exprimer. Mais ils supposent aussi une clause de covariance, c'est-à-dire un mode de variation ordonnée des déterminations capable de garantir la constance de la structure relationnelle qui les unit.
Ainsi le principe de relativité galiléenne énonce-t-il l'invariabilité des lois de la mécanique par passage d'un référentiel d'inertie à un autre. Mais il suppose la covariance (et donc le caractère relatif au référentiel) de déterminations comme le « lieu » ou la vitesse, qui étaient traitées comme absolues par la physique aristotélicienne. Le principe de relativité restreinte d'Einstein énonce quant à lui l'invariabilité des lois de la mécanique et de l'électromagnétisme par changement de repère inertiel. Mais il est associé à la covariance (et donc au caractère relatif au référentiel) de déterminations comme la longueur, la masse, le temps écoulé, et la simultanéité d'événements distants, qui étaient traités comme invariants en physique classique. Il rend de surcroît superflue l'hypothèse d'un milieu fixe de propagation des ondes électromagnétiques comme l'éther.
La dualité de la covariance et de l'invariance est traduite formellement par celle des groupes de symétrie (comme ceux de Galilée ou de Poincaré-Lorentz) et de leurs invariants propres.
Le respect d'un principe de relativité est, pour les théories physiques, une contrainte supplémentaire génératrice de prédictions nouvelles. L'imposition d'une condition de covariance de la loi d'évolution de la mécanique quantique sous le groupe de Poincaré-Lorentz a par exemple permis à Dirac de rendre raison du spin de l'électron et de prévoir la détection d'une nouvelle particule : le « positron », ou anti-électron.
La mise en œuvre de principes de relativité dans les théories physiques comporte un enseignement important pour la philosophie des sciences. Elle signifie que, à son héritage d'absolus ontologiques, la physique substitue progressivement des invariants vis-à-vis d'une variété de présentations épistémiques. Sans toujours s'en rendre compte, les physiciens s'appuient de moins en moins sur la croyance en une objectivité préconstituée dans la nature, et déploient de plus en plus ouvertement des procédés d'objectivation à travers l'emploi de groupes de symétrie.
Michel Bitbol
Notes bibliographiques
- Balibar, F., Galilée et Newton lus par Einstein : espace et relativité, PUF, Paris, 2000.
- Einstein, A., Œuvres choisies 2 et 3, Relativités I et II, Seuil, Paris, 1993.
- Friedman, M., Foundations of Space-Time Theories, Princeton University Press, New Jersey, 1983.
- Tonnelat, M.-A., Histoire du principe de relativité, Flammarion, Paris, 1973.
→ antimatière, espace-temps, invariance, objectivation, simultanéité, symétrie