Mohandas Karamchand Gandhi
surnommé le Mahatma (« la Grande Âme »)
Apôtre national et religieux de l'Inde (Porbandar 1869-Delhi 1948).
Avocat de formation, Gandhi exerce pendant vingt ans en Afrique du Sud, période pendant laquelle il expérimente la résistance passive et non violente pour lutter contre les autorités. Revenu en Inde en 1915, il s’engage dans la lutte contre la domination britannique et devient l’autorité morale du parti du Congrès. Son attachement aux traditions, sa vie de pauvreté et ses multiples emprisonnements lui valent une grande popularité. À partir de 1930 surtout, il mobilise les Indiens dans la désobéissance civile. Il joue un grand rôle dans l’accession à l’indépendance en 1947, mais la partition entre l’Inde et le Pakistan est pour lui un échec cuisant. Il est assassiné en 1948 par un fanatique hindou.
Gandhi jusqu’à son retour en Inde (1869-1915)
Issu d’une famille de marchands aisés, profondément religieux, hostile au matérialisme occidental mais ouvert à certaines de ses influences philosophiques, Gandhi étudie le droit en Grande-Bretagne et devient avocat. De 1893 à 1914, il exerce en Afrique du Sud, où il défend les nombreux immigrés indiens contre la ségrégation. C’est là qu’il recourt avec succès à la non-violence (ahimsa) et à la résistance passive (satyagraha) pour parvenir à ses fins. Il va les appliquer à la cause du nationalisme en Inde, où son retour en 1915 est triomphal.
Les débuts de la lutte en Inde (1915-1928)
Gandhi ne sépare pas la lutte politique de la lutte sociale, mais il alterne les périodes de militantisme avec de longues retraites dans des ashrams, ce qui déconcerte même ses collaborateurs. Rapidement devenu la principale autorité morale au sein du parti du Congrès, il recourt au jeûne et au boycott comme moyens de pression sur les autorités coloniales à travers plusieurs campagnes de désobéissance civile pour la revendication du shvadesi (nationalisme économique) et du svaraj (self-government). Mais il interrompt brutalement le mouvement en 1922, dès le premier incident sanglant, pour rester fidèle à son éthique de non-violence.
La longue marche à l’indépendance (1928-1948)
La radicalisation du Congrès avec Nehru le relance dans l’arène politique. Il entame un nouveau cycle de campagnes : la marche du sel (1930) contre le monopole de l’Angleterre et après le refus de celle-ci d’accorder à l’Inde le statut du dominion, la lutte contre le statut des intouchables (1932). Mais, en 1934, des divergences avec les dirigeants du Congrès le renvoient à la retraite.
La Seconde Guerre mondiale l’en fait sortir, mais pour le renvoyer en prison après avoir enjoint les Britanniques de partir par la motion Quit India (1942). L’indépendance devient inéluctable après la guerre, mais aussi la partition entre hindous et musulmans dans deux États distincts, perspective contre laquelle Gandhi s’insurge désespérément. Pourtant, en 1947, l’Union indienne et le Pakistan accèdent séparément à l’indépendance, ce que le Mahatma vit comme un échec personnel. Mal compris par nombre de ses compatriotes, il est assassiné en 1948 par un fanatique hindou.
Même s’il n’a pu radicalement changer les mentalités indiennes comme il l’ambitionnait, son message de non-violence et de résistance passive a connu une immense postérité.
1. Gandhi jusqu’à son retour en Inde (1869-1915)
1.1. Les débuts (1869-1893)
L’influence familiale (1869-1888)
Né dans une famille de notables locaux, Gandhi appartenait à la sous-caste des modh, du groupe des vaishya, ou marchands (gandhi signifie « épicier »). Élevé par sa mère Putlibaï, très pieuse, dans les convictions hindoues, mais aussi dans la tolérance à l'égard de l'islam, le jeune Mohandas est également influencé par le jaïnisme. Répandue au Gujerat, cette religion dérivée de l'hindouisme professe la non-violence radicale – l'ahimsa (« absence de violence ») – qui conduit à la préservation de toute vie humaine et animale ; elle fut l'une des grandes sources d'inspiration de Gandhi. Celui-ci fait des études primaires et secondaires moyennes, bien que consciencieuses, et il se marie à treize ans avec une fillette du même âge, Kasturbaï Makanji.
Le séjour en Grande-Bretagne (1888-1891)
Après la mort de son père en 1885, Gandhi obtient, non sans peine, l'autorisation d'aller en Angleterre faire son droit, mais seulement après avoir fait le triple serment de ne toucher ni viande, ni alcool, ni femme et non sans avoir été exclu de sa caste pour oser quitter le territoire sacré de sa patrie. Il s'embarque pour l'Angleterre en septembre 1888 ; pendant trois ans, il y étudie le droit avec zèle, ce qui lui permet, en juin 1891, d'être admis au barreau et inscrit à la cour d'appel. Sa période « britannique » se signale par l'intérêt croissant qu'il porte alors à la religion. Il rencontre divers intellectuels en rupture avec la rigidité de l'ère victorienne, comme la théosophe britannique Annie Besant, fondatrice de la Indian Home Rule League (Ligue pour l'autonomie indienne).
Les désillusions d’un retour (1891-1893)
Son retour en Inde est assez pénible : il y apprend la mort de sa mère, et ses débuts d'avocat, tant à Rajkot qu'à Bombay, ne sont pas glorieux. Dans ces conditions, l'Afrique du Sud lui sera un asile et un champ d’expérimentation pour son idéologie en formation.
1.2. Les fondements de l'idéologie de Gandhi
On ne comprendrait pas les buts et les méthodes des combats de Gandhi si l'on n'essayait pas d'abord de dégager ses bases idéologiques et les moyens d'action qui en découlent.
Les influences traditionnelles
L'esprit religieux de la mère de Gandhi fut certainement la première et non la moindre des influences qui s'exercèrent sur le futur Mahatma. Plus tard, d'une façon moins instinctive, plus intellectuelle pourrait-on presque dire, un joaillier de Bombay, Raychand-bhaï, jouera le même rôle.
Pour le reste, les bases doctrinales de Gandhi sont à la fois hétérogènes par leurs sources et convergentes dans leurs recherches et leurs buts. On peut citer la Bible – surtout le Nouveau Testament et plus particulièrement le Sermon sur la montagne – et la Bhagavad-Gita (fragment d'une vaste épopée, le Mahabharata, écrit vers le iiie siècle avant J.-C.), dont on peut dire qu'elle constituera jusqu'à la mort de Gandhi son véritable guide de conscience.
Les influences modernes
Parmi les influences modernes, on peut citer : John Ruskin, auteur de Jusqu'au dernier (Unto This Last), ouvrage dont il retient l'apologie du travail sous toutes ses formes et de la communauté, indispensable condition du plein épanouissement de l'individu ; l'Américain Henry David Thoreau et son livre la Désobéissance civile (Civil Disobedience), dont Gandhi devait tirer l'une des armes essentielles de son combat politique en Afrique du Sud et, plus tard, en Inde.
Léon Tolstoï et son ouvrage Le salut est en vous auront un double rôle : renforcer la résistance spirituelle de Gandhi face aux tentatives de conversion de ses amis et sa conviction intime en la toute-puissance de la non-violence. Il entretient dans les années 1909-1910 une correspondance avec Tolstoï (qui meurt en 1910), au sujet des moyens de lutte non violents qu'il préconise, et sur ce que ces nouvelles formes de lutte peuvent apporter à l'humanité dans le processus de son émancipation.
Le rejet du matérialisme occidental
De toutes ces influences, de sa réflexion et de ses expériences personnelles devait sortir en 1909 un livre que l'on peut considérer comme la quintessence de la pensée gandhienne : Hind Svaraj (Autonomie ou Indépendance de l'Inde), plus connu sous le titre Leur civilisation et notre délivrance et qui, par bien des aspects, est un véritable réquisitoire contre la civilisation matérialiste de l'Occident.
Cette remise en cause systématique des valeurs occidentales ne fut pas du goût de tous, et le prestigieux leader politique Gopal Krishna Gokhale (1866-1915) lui reprocha par exemple d'être beaucoup trop catégorique dans ses condamnations.
Moyens d’action : non-violence et non-coopération
C'est sur ces bases, pourtant, que Gandhi devait élaborer des moyens d'action originaux, axés autour de deux grands principes : la non-violence et la non-coopération, incluant le boycott commercial et administratif.
Satyagraha peut se traduire étymologiquement par « force de la vérité ». Dans un sens plus large, Gandhi considérait le satyagraha comme une défense de la vérité visant à « vaincre l'adversaire en prenant sur soi la souffrance ». L'habitude a fait souvent employer l'expression résistance passive, mais cette dernière n'était guère prisée de Gandhi, qui lui préférait résistance de la non-violence, car le satyagraha est inséparable de la notion d'ahimsa (absence de violence), avec laquelle le Mahatma avait été très tôt familiarisé par les relations que son père avait avec les jaïns.
Sous le vocable non-coopération, on doit comprendre les multiples notions allant du refus de se soumettre à la loi jusqu'aux formes de boycott les plus variées.
C'est selon ces principes que Gandhi va mener son combat politique et moral en Afrique du Sud.
1.3. La période sud-africaine (1893-1914)
Un banal contentieux entre deux compagnies commerciales indiennes va être le point de départ de la carrière du Mahatma en Afrique du Sud. Peu connu du grand public, ce long séjour revêt pourtant une importance primordiale. L'action de Gandhi peut s'y ramener à un double combat : contre la structure politico-sociale du pays dans ce qu'elle a d'hostile aux minorités raciales et contre les faiblesses organiques de la communauté indienne.
Le combat contre le racisme
Les années 1890 voient les autorités des républiques boers du Natal et du Transvaal tenter d'instituer un racisme légal, sorte de préfiguration de l'apartheid : projet de loi tendant à supprimer le droit de vote pour les Indiens du Natal ; « ordonnance » asiatique qui contraint les Indiens à se faire enregistrer et à posséder une carte d'identité spéciale ; restriction de l'immigration, principalement tamoule, en Afrique du Sud ; projet visant à considérer comme nuls et non avenus du point de vue juridique tous les mariages non chrétiens.
Face à un tel programme, la lutte ne peut être que de longue haleine : passages illicites, par les Indiens, de la frontière entre le Transvaal et le Natal, autodafés des cartes d'identité spéciales dont ils sont dotés, refus de se faire enregistrer, etc. Mais ce n'est que le 18 décembre 1913 qu'est signé entre le chef du gouvernement sud-africain Jan Christiaan Smuts et Gandhi le pacte Smuts-Gandhi, qui abolit les injustices les plus criantes.
L’émancipation de la communauté indienne
Plus importante à ses yeux est l'émancipation de la communauté indienne, à laquelle Gandhi fait perdre dans une large mesure ses traditionnels réflexes de crainte vis-à-vis des Blancs.
Il s'y emploie de deux façons : l'une destinée à la grande masse et visant à lui inculquer des principes de vie plus moraux, voire simplement plus hygiéniques ; l'autre consistant à donner l'exemple, avec quelques disciples, d'une vie simple, morale et religieuse.
C'est dans cet esprit qu'il fonde une première ferme collective près de Durban en 1904, puis, en 1910, une nouvelle ferme, qu'il baptise « Ferme Tolstoï », près de Johannesburg ; là, il impose l'ascétisme et le jeûne. Rompant avec les pratiques orthodoxes de l'hindouisme, il se coupe les cheveux lui-même – cette partie du corps est considérée comme impure par l'hindouisme –, nettoie ses latrines – travail strictement réservé aux intouchables –, et oblige son entourage à faire de même.
Un tremplin pour l’action en Inde
C'est cette capacité assez rare de faire accéder la communauté indienne à une véritable prise de conscience politique (1894, fondation du Natal Indian Congress Party sur le modèle du Congrès national indien ; 1904, lancement d'un journal, Indian Opinion, véritable catalyseur des aspirations de ses compatriotes) en même temps que son souci constant de perfectionnement moral qui expliquent le caractère triomphal de l'arrivée de Gandhi à Bombay le 9 janvier 1915 : triomphe apparemment paradoxal si l'on songe que, depuis 1893, il a vécu en Afrique du Sud, à l'exception des périodes 1896-1897 et 1901-1902, où il est revenu en Inde et y a rencontré les leaders nationalistes du Congrès, Bal Gangadhar Tilak (1856-1920) et G. K. Gokhale.
2. Les débuts de la lutte en Inde (1915-1928)
Pendant trente ans (1918-1948), sauf quelques périodes consacrées à la seule action sociale, Gandhi demeure, pour les Britanniques, pour l'opinion mondiale et pour l'immense majorité de ses compatriotes, le symbole du nationalisme indien, dont il fait un phénomène de masse à travers un certain nombre d'expérimentaions.
2.1. L'esprit de la lutte
Une attitude déconcertante
De 1919 à 1948, la vie de Gandhi est une alternance de périodes d'intense activité politique et de véritables retraites dans un de ses deux ashrams de Sabarmati ou de Sevagram.
Dans le même temps, il fait succéder rapidement – trop rapidement même au gré de certains de ses partisans – à des périodes d'extrême tension un relâchement que les assurances reçues éventuellement des Britanniques ne justifient pas toujours. Pourquoi ? La plupart du temps parce que Gandhi estime que le peuple indien n'est pas encore mûr pour la non-violence et la désobéissance civile généralisées. Le seul lien entre toutes ces périodes reste l'action sociale, dont Gandhi se préoccupera constamment.
Le social avant le politique
D'une façon globale, Gandhi déteste la politique, où le calcul, l'hypocrisie, la violence et l'esprit de lucre lui semblent tenir une place trop grande. C'est presque à son corps défendant qu'il est amené à participer à la vie politique. Mais il le fera toujours selon les critères moraux et religieux qu'il juge essentiels. D'où l'originalité de celui dont on a dit qu'il était« un saint parmi les politiques, un politique parmi les saints ».
Le domaine favori de Gandhi est celui des réformes sociales. Là est sa vraie vocation, l'action politique ne devant être considérée que comme un épiphénomène et les injustices sociales ne manquaient pas en Inde.
2.2. Les premières interventions de Gandhi (1915-1919)
La phase d’observation (1915-1916)
En 1915, Gandhi est, à bien des égards, un étranger en Inde. Pendant un an, comme le lui a demandé G. K. Gokhale, il se contente d'observer, de voyager et de rencontrer des personnalités marquantes : ainsi le poète Rabindranath Tagore. C'est également pendant cette période qu'il fonde l'ashram de Sabarmati, près d'Ahmadabad. Plus tard, il en créera un autre à Sevagram, près de Wardha, en Inde centrale.
C'est peu à peu, en partant d'actions très localisées, que Gandhi va s'imposer comme le leader moral du Congrès, après la mort de G. K. Gokhale en 1915 et celle de B. G. Tilak en 1920.
Le Champaran : première désobéissance civile (1917)
En 1917, Gandhi agit en faveur des cultivateurs d'indigo du Champaran (région du nord de l'Inde, au pied de l'Himalaya). Ces paysans sont des métayers travaillant pour le compte de grands propriétaires anglais ; par contrat, ils sont tenus de consacrer à l'indigo 15 % de leurs tenures et de céder la totalité de la production à leurs propriétaires. Mais, au lendemain de la Première Guerre mondiale, les chimistes allemands ayant réalisé de l'indigo synthétique, la culture de l'indigo devient sans intérêt. Dès lors, les propriétaires s'efforcent de supprimer cette obligation faite aux paysans, à condition que ces derniers leur paient une compensation financière. Bon nombre de paysans, que cette suppression arrange, s'exécutent, sauf un petit noyau de récalcitrants, dont l'un, Rajkumar Chukla, fait appel à Gandhi.
Celui-ci, en butte à l'hostilité des autorités politiques et judiciaires, va, pour la première fois en Inde, recourir à la désobéissance civile. Après bien des palabres, un compromis est trouvé. Mais le plus important reste finalement ce que Gandhi résume dans cette formule :« Je déclarai que les Britanniques ne pouvaient pas me donner d'ordres dans mon propre pays. »
Ahmadabad : premier jeûne (1918)
Peu après, éclate la grève des ouvriers du textile d'Ahmadabad. Il s'agit d'une action typiquement gandhienne dans l'esprit et dans la forme. À l'origine, le conflit n'a rien d'original ; sous-payés, vivant dans des conditions lamentables, les ouvriers ont de nombreuses revendications ; mais, à celles-ci, le magnat de l'industrie textile, A. Sarabhaï, ami personnel de Gandhi, oppose une fin de non-recevoir, de même qu'il récuse toute procédure d'arbitrage. Gandhi incite les ouvriers à faire la grève. Au fur et à mesure que celle-ci dure, la volonté et le mordant de certains ouvriers s'émoussent. C'est alors que Gandhi a recours au jeûne pour renforcer les ouvriers dans leur détermination en même temps qu'il s'adresse au cœur et à la conscience des patrons. Finalement, ces derniers acceptent la procédure d'arbitrage.
À la fin de 1918, fort de ces premiers succès, Gandhi entre de plain-pied dans la vie nationale indienne.
Le massacre d’Amritsar : premier échec (1919)
Jusqu'en avril 1919, Gandhi reste tout à fait loyal envers l'Empire britannique ; il participe à l'effort de guerre des Anglais durant la guerre des Boers (1899-1902), la révolte des Zoulous (1906) et la Première Guerre mondiale. Mais le lancement le 6 avril 1919 du premier grand hartal, grève totale et silence dans tout le pays, se solde par le massacre d'Amritsar (Pendjab) le 13 avril : le général britannique Dyer fait tirer sans sommation, « pour l'exemple », sur la foule pacifique. Le bilan est terrible : plus de 379 morts, près d'un millier de blessés. Gandhi considère alors« avoir commis une erreur grosse comme les montagnes de l'Himalaya », et suspend le mouvement de satyagraha.
2.3. Le mouvement shvadeshi et le khadi
C’est le moment où, après la mort de Tilak, Gandhi prend la direction morale du parti du Congrès (1920), par lequel il fait adopter un programme de non-coopération, c’est-à-dire de boycott des institutions coloniales et des produits européens. Lui-même l'a écrit dans sa publication mensuelle Navajivan : « Le rouet (chakra) est la plus importante de mes activités. » Il énonce ainsi le rôle crucial à ses yeux du mouvement khadi (« pièce de coton filée »), qui doit être intégré dans l'ensemble beaucoup plus vaste du shvadeshi (shva, soi-même, et desh, pays, région).
L’expression du nationalisme économique
Si l'on s'en tient à l'étymologie, le mouvement shvadeshi peut être défini comme une manifestation de nationalisme économique, le slogan « achetez indien » pouvant assez sommairement le définir. Ce souci de valoriser la production indigène explique d'ailleurs, dans une large mesure, le soutien que les magnats de l'industrie indienne ne ménagent pas au Mahatma, le nationalisme économique ouvrant à leurs produits un marché pauvre, mais comptant 300 millions de consommateurs.
Toutefois, en ce domaine, les motivations de Gandhi sont infiniment plus complexes : valoriser la production indienne, certes, mais aussi et surtout revivifier un artisanat villageois autrefois florissant et dont la conquête britannique avait grandement accéléré la décadence, quand elle ne l'a pas provoquée. Certes, l'idée d'un tel boycott n'est pas neuve – Tilak en avait fait une de ses armes –, mais avec Gandhi elle acquiert vite une tout autre dimension, la promotion du khadi devenant avec lui partie intégrante du nationalisme indien.
Un moyen de renforcer la cohésion nationale
En donnant à une paysannerie pléthorique une source annexe de revenus, Gandhi veut recréer l'ancienne autarcie économique des villages indiens. Mais le khadi a, à ses yeux, bien d'autres avantages. Il valorise le travail manuel à tous les niveaux de la société indienne. C'est aussi un acte de justice : les citadins, en achetant le khadi, contribuent à améliorer le niveau de vie des ruraux. Or, comme il pense que la croissance urbaine et les fortunes citadines n'ont pu se faire qu'au détriment des campagnes, Gandhi voit dans ces échanges un précieux facteur de renforcement de la cohésion nationale.
Un travail de sape contre la puissance anglaise
Comme Napoléon, il a compris le point faible du colosse anglais : le rôle fondamental que jouent le crédit et le commerce extérieur. Dans ces conditions, priver les cotonniers de Manchester du débouché commercial indien est le meilleur des atouts pour une négociation politique importante. De plus, le David indien sapant les bases de la puissance du Goliath britannique, n'est-ce pas la démonstration des possibilités d'action d'un pays faible ? Le khadi est enfin un excellent moyen de préparer l'indépendance économique de l'Inde, faute de quoi la future indépendance politique risquerait de n'être qu'un leurre.
De cette « guerre » économique, il est difficile de donner des résultats objectifs, ne serait-ce qu'à cause de la forte implantation du khadi dans les campagnes, où il échappe à tout effort de comptabilisation sérieuse. Néanmoins, la gêne ou plutôt le manque à gagner est certain pour les industriels britanniques. Sinon, pourquoi, lors de son séjour en Grande-Bretagne en 1931, Gandhi se serait-il donné la peine d'aller expliquer aux ouvriers du Lancashire les raisons d'un boycott qui réduisait certains d'entre eux au chômage ?
2.4. Gandhi et le svaraj, « gouvernement par soi-même »
À partir de 1918-1919, Gandhi, jusque-là fidèle à l'Empire britannique, va devenir pour lui un opposant de plus en plus irréductible.
Les raisons d’un revirement
Les raisons de ce changement sont multiples. Les décrets Rowlatt, après le retour de la paix, maintiennent l'Inde, sans aucune raison valable, sous la coupe d'une véritable loi martiale. Les Indiens y voient une curieuse récompense de leur effort de guerre et une bien discutable application des Quatorze points du président Wilson. Une vague de protestations déferle sur l'Inde, hindous et musulmans étant pour une fois unis dans une même réprobation. Le fossé se creuse définitivement entre Indiens et Britanniques à la suite du massacre d'Amritsar.
La campagne de revendication du svaraj (1920-1922)
Enfin, craignant que des conditions de paix trop dures ne soient imposées à l'Empire ottoman, dont le chef était jusqu'alors la plus haute autorité religieuse de l'islam, les musulmans indiens tentent d'intervenir auprès du gouvernement britannique. Gandhi voit là une occasion unique de réaliser cette unité entre hindous et musulmans à laquelle il tient tant. Pour donner plus de poids à cette action unitaire, il décide, à partir de 1920, de lancer une campagne du satyagraha à propos de la question du califat.
Le Congrès national indien, à sa session de Nagpur, étend ce mouvement à la revendication du svaraj. Pendant deux ans, on assiste à des boycotts de plus en plus généralisés, à la démission d'hommes de loi indiens qui refusent de collaborer avec l'administration britannique et même à de véritables autodafés de tissus étrangers.
Le coup d’arrêt de 1922
Mais des manifestants ayant, en 1922, brûlé un poste de police à Chauri Chaura et causé la mort de plusieurs policiers, Gandhi arrête brutalement la campagne du satyagraha. Il considère que cet incident montre le manque d'éducation non violente du peuple indien et relève plutôt de ce qu'il appelle la mobocratie (en anglais, mob veut dire « populace »). Ce brutal revirement n'est pas du goût de tous. Nombre de ses amis le critiquent en axant leur argumentation autour de deux thèmes : cet incident, si regrettable soit-il, ne doit pas être un frein au développement d'une campagne qui promettait beaucoup ; par ailleurs, comme lui fait remarquer son ami et biographe Romain Rolland, il est dangereux de jouer ainsi avec les nerfs d'un peuple en le poussant à l'action pour ensuite arrêter tout.
La question du califat devait être réglée par le maître de la Turquie Mustapha Kemal, qui le supprima en 1924, mais le combat national indien, lui, continuait.
La pause des années 1922-1928
Arrêté en mars 1922, Gandhi est condamné à six ans de prison. Libéré pour raison de santé en 1924, il ne relancera la désobéissance civile qu'en 1930. Il estime, en effet, qu'il ne serait pas loyal de profiter d'une mesure de grâce des Britanniques et ne pense pas que le peuple indien ait complètement tiré les leçons de Chauri Chaura. Plus que jamais le rouet devient le symbole de son programme.
3. La longue marche à l’indépendance (1928-1948)
La radicalisation du Congrès avec Nehru, à partir de 1928, relance Gandhi dans l’arène politique. De 1930 à 1939, l'action de Gandhi suit une véritable sinusoïde où alternent des phases très dures et des replis plus ou moins stratégiques.
3.1. La marche du sel (1930)
Ainsi, en 1930, c'est la célèbre « marche du sel », par laquelle Gandhi appelle ses compatriotes à violer la loi sur le monopole du sel en l'extrayant eux-mêmes de l'eau de mer. Cette troisième campagne de désobéissance civile, après celles de 1917 et 1920, est décidée suite au refus anglais d’accorder à l’Inde le statut de dominion pour le 1er janvier 1930.
Le 12 mars 1930, Gandhi entreprend donc avec une poignée de disciples une longue marche destinée à marquer le refus de la taxation anglaise sur le sel. Pendant vingt-quatre jours et au long de 350 km, la « marche du sel » est suivie par une foule toujours plus nombreuse de villageois, de journalistes et d'intellectuels. Au bout, la mer : Gandhi, imité par des milliers de personnes, ramasse une poignée de sel. L'arrestation du Mahatma le 5 mai ne fait qu'aggraver la situation.
3.2. La tournée anglaise (1931)
Mais, alors que la tension est extrême et que nul compromis ne paraît possible, le 5 mars 1931 est signé entre le vice-roi lord Irwin et le Mahatma le pacte Irwin-Gandhi. Cet accord, peu apprécié par beaucoup d'Indiens, prévoit que, moyennant la libération de prisonniers politiques, la désobéissance civile sera supprimée et que Gandhi ira à Londres participer à la deuxième conférence de la Table ronde. Vêtu d'un simple pagne et d'un châle, il séduit le petit peuple de la capitale anglaise, mais agace Churchill. La conférence échoue à cause des divisions, sans doute entretenues par les Britanniques mais qui correspondent également à des divergences réelles, entre les communautés religieuses indiennes. Pendant ce temps, la situation s'est à nouveau détériorée en Inde. Une semaine après son retour en Inde en 1932, Gandhi retourne en prison, ce qui ne l’empêche pas d’y entamer une nouvelle campagne, cette fois contre l’intouchabilité. En 1934, il démissionne du Congrès, ne pouvant trouver un terrain d'accord complet avec ses principaux dirigeants. Jusqu'en 1937, il va se préoccuper des problèmes économiques et sociaux.
3.3. De la campagne contre l’intouchabilité à la retraite (1932-1939)
Motivations et moyens d’action
Gandhi, pour aussi étonnant que cela puisse paraître, ne condamne pas le système des castes, dans lequel il voit plutôt une organisation harmonieuse de la société ; mais il est sans pitié pour les perversions du système et, en premier lieu, pour la plus grave d'entre elles : l'intouchabilité . Il considère même qu'aussi longtemps que les hindous de caste mépriseront les intouchables ils ne devront pas se plaindre si les Britanniques agissent de même avec eux. Dans ces conditions, il ne croit pas à la possibilité du svaraj pour l'Inde tant que 50 à 60 millions d'intouchables seront maintenus dans une telle infériorité.
Les modalités de la lutte font toutes appel au satyagraha pour obtenir des hindous de caste qu'ils lèvent volontairement les nombreux interdits frappant les intouchables : ségrégation dans les écoles, les hôtels, les temples, voire l'interdiction qui leur est faite d'emprunter certaines routes passant devant des temples particulièrement vénérés, etc.
Pour en savoir plus, voir l'article caste.
L’opposition à la réforme électorale de 1932
Au début de 1932, des rumeurs circulent selon lesquelles le gouvernement britannique accordera, dans le cadre d'une réforme constitutionnelle, des collèges électoraux séparés pour les intouchables. Cette mesure vise à donner à ceux-ci de meilleures garanties aux assemblées provinciales.
Or, à la surprise de beaucoup, Gandhi s'oppose catégoriquement à une telle mesure. Pour lui, constituer un collège électoral réservé pour les intouchables revient à institutionnaliser leur condition.
De la prison de Yeravda où il est détenu, Gandhi écrit à sir Samuel Hoare, secrétaire d'État pour l'Inde, et à James Ramsay MacDonald, Premier ministre travailliste, pour protester contre ce projet et annoncer qu'au cas où il ne serait pas abrogé il entamera un « jeûne à mort ».
Le « jeûne épique » de Gandhi (1932)
De MacDonald à Nehru, la surprise, l'incompréhension ou la critique sont quasi générales. Passant outre, le Mahatma annonce, le 13 septembre, qu'il commencera son jeûne le 20. Une émotion énorme et sans précédent secoue l'Inde tout entière. Les plus hautes instances politiques, religieuses et sociales vont tenter, dans un effort désespéré, de trouver une solution permettant au Mahatma d'interrompre son jeûne.
Dès le 20 septembre se tient à Bombay une conférence des principaux leaders indiens, dont Bhimrao Ram-ji Ambedkar. Après de longues discussions, on parvient à un accord le 24 septembre, Gandhi ayant fait des concessions qu'Ambedkar lui-même n'osait pas espérer. Accepté le 26 par le gouvernement britannique, cet accord, signé à la prison de Yeravda et plus connu sous le nom de pacte de Poona, permet au Mahatma de cesser son jeûne, que son état de santé rendait très dangereux.
Une action décisive
Par ce pacte, Gandhi accepte des sièges électoraux séparés pour les intouchables deux fois plus nombreux que ceux qui étaient initialement prévus. Mais une « normalisation » de ce régime électoral est prévue au bout de dix ans.
Les résultats obtenus au prix d'un jeûne si dur semblent bien minces. Toutefois, pour Gandhi, l'essentiel, l'unité indienne, est sauvegardé. De plus, l'émotion soulevée par ce que les historiens britanniques appelleront the epic fast (« le jeûne épique ») est si grande qu'elle entraîne un vigoureux mouvement en faveur de l'amélioration du sort des intouchables, qui n'aurait sans doute pas eu lieu sans cela.
Nouvelle retraite (1934-1939)
En 1934, ne pouvant trouver un terrain d'accord complet avec ses principaux dirigeants, Gandhi démissionne du Congrès. Jusqu'en 1939, il va de nouveau se préoccuper pour l’essentiel des problèmes économiques et sociaux.
3.4. La relance du nationalisme indien et l’indépendance (1939-1948)
La Seconde Guerre mondiale replace le nationalisme indien au premier plan. Le 3 septembre 1939, le vice-roi lord Linlithgow (1887-1952) déclare l'Inde en état de belligérance avec le IIIe Reich sans aucune consultation d'Indiens représentatifs.
Les opportunités de la guerre (1939-1942)
Un double clivage s'opère alors : entre le vice-roi et les nationalistes indiens, qui, tout en affirmant leur hostilité fondamentale au nazisme, déclarent ne vouloir combattre aux côtés des Britanniques que si l'Inde obtient son indépendance ; mais aussi entre Gandhi et le Congrès, qui, pour la première fois, renonce à la non-violence, jusqu'alors érigée en principe.
L'attitude négative du vice-roi amène Gandhi à relancer la désobéissance civile, d'abord en la réservant à quelques personnes soigneusement choisies, puis en l'élargissant de plus en plus de 1940 à 1941. La menace japonaise conduit les Britanniques à faire une ultime tentative de conciliation : la mission de sir Stafford Cripps (mars-avril 1942), dont les propositions (l’octroi du statut de dominion en échange de la participation de l’Inde à sa propre défense) auraient été acceptées avec enthousiasme dix ans plus tôt, mais qui échoue en partie sur le problème des États princiers. Dès lors, les antagonistes ne cessent de durcir leur position.
Quit India et retour en prison (1942-1944)
En juillet-août 1942, Gandhi lance son célèbre quit India (« quittez l'Inde… en tant que maîtres »), tout en admettant – concession pour lui capitale – qu'une Inde libre pourra participer à la lutte contre les puissances de l'Axe. Les Britanniques réagissent durement : le 9 août 1942, arrestation de Gandhi (libéré seulement en 1944), répression contre les foules qui manifestent, arrestations massives, etc.
Les dernières années de sa vie vont être un véritable calvaire pour le Mahatma. Tout ce pour quoi depuis trente ans il a lutté semble plus éloigné que jamais.
La lutte contre la partition de l’Inde (1945-1947)
L'antagonisme hindo-musulman, sinon créé, du moins aggravé par la politique britannique, s'exacerbe. Si, dès 1945, le gouvernement Attlee a fini par se résigner à l'indépendance de l'Inde, le chef de la Ligue musulmane – Muhammad Ali Jinnah – demande la création d'un Pakistan, c'est-à-dire la partition des Indes britanniques, sur des bases uniquement confessionnelles, en une Union indienne hindoue et un Pakistan musulman. Pour Gandhi, cette « vivisection » de l'Inde est inacceptable.
En 1946, la discussion devient impossible : Jinnah refuse de participer au gouvernement intérimaire dirigé par Nehru et lance une journée d'action directe, le 16 août 1946, qui se solde par 5 000 morts à Calcutta. À soixante-quinze ans, Gandhi reprend son bâton de pèlerin, habite alternativement chez des hindous et chez des musulmans, tente de les réconcilier sur le terrain même de leurs violences. La partition est néanmoins réalisée le 15 août 1947.
Les derniers combats pour la réconciliation (1947-1948)
Pis encore, la non-violence, dont Gandhi fait son credo, ne va pas résister à la séparation. Le plus grand exode de tous les temps commence alors, qui met en mouvement 12 millions de réfugiés – musulmans quittant l'Inde pour rejoindre le Pakistan, hindous et sikhs empruntant le chemin inverse. Des atrocités sont commises de part et d'autre, et le bilan s'établit entre 1 et 2 millions de morts.
Les dernières tâches du Mahatma consisteront à réconcilier les deux communautés. Le dernier vice-roi de l'Inde, lord Mountbatten of Burma, sera stupéfait de voir ce vieil homme apaiser par sa seule présence des foules déchaînées. Partout Gandhi demande à la majorité hindoue de larges concessions en faveur de la minorité musulmane.
Cette générosité, ce sens bien compris des intérêts de l'Inde causeront sa perte. Les ultras du Hindu Mahasabha et du Rashtriyasvayam Sevak Sangh l'accuseront de trahison envers l'hindouisme. Plusieurs tentatives d'assassinat seront préparées, et, le 30 janvier 1948 à Delhi, le Mahatma Gandhi tombera sous les balles d'un extrémiste hindou, Nathuram Godse.
L’assassinat de Gandhi (30 janvier 1948)
Cette générosité, ce sens bien compris des intérêts de l'Inde vont causer sa perte. Les ultras du Hindu Mahasabha et du Rashtriyasvayam Sevak Sangh l'accuseront de trahison envers l'hindouisme. Plusieurs tentatives d'assassinat sont fomentées, et, le 30 janvier 1948 à Delhi, le Mahatma Gandhi tombe sous les balles d'un fanatique, Nathuram Godse.
Dans le monde, l'émotion causée par la mort de Gandhi est considérable. En Inde, c'est une tragédie nationale. Véritable chef charismatique, Gandhi était le type même du leader à l'autorité morale incontestée. Son impact sur les masses était énorme, et des centaines de millions d'êtres se reconnaissaient en cet homme qui se référait aux valeurs traditionnelles de l'hindouisme. Parce qu'il parlait leur langage et usait d'arguments qui avaient une profonde résonance chez eux, Gandhi fut compris et respecté des Indiens, même s'il serait vain de croire que le Mahatma n'ait pas rencontré d'oppositions. Elles furent, au contraire, multiples.
4. Le rayonnement
Profondément religieux, au sens le plus large du terme, Gandhi tenta de faire de sa vie un message vécu. Qu'en reste-t-il ?
4.1. Un héritage discuté
Une philosophie de la non-violence ? C'est sans doute l'aspect le plus connu du gandhisme. La désobéissance civile et le boycott ? Le pasteur Martin Luther King, parmi bien d'autres, en a fait usage. Une nouvelle conception de l'organisation sociale et économique de l'Inde ? C'est sans doute là le point le plus controversé : pour les uns, Gandhi eut le mérite de proposer un schéma d'évolution adapté aux réalités indiennes. Pour les autres, ses conceptions en ce domaine furent marquées au sceau du conservatisme le plus étroit ou, à tout le moins, d'une méconnaissance grave des impératifs du développement économique.
4.2. Une grande figure mal comprise
Il est bien difficile de trancher. Objectivement, le Mahatma n'a pu obtenir le changement radical de mentalité qui seul aurait permis l'évolution sociale et économique de ses rêves. Par ailleurs, la campagne de son disciple le plus authentique, Vinoba Bhave (1895-1982), pour persuader les propriétaires de distribuer leurs surplus éventuels de terres n'a guère changé les structures foncières de l'Inde. Certains auteurs ont même affirmé que l'Inde aurait accédé plus tôt à l'indépendance et aurait connu un meilleur développement économique si Gandhi n'avait pas été là. Est-ce suffisant pour trancher ? Certes pas. Le refus de tout compromis, l'affirmation inlassable de la supériorité de l'esprit sur la force brutale, en un mot une certaine idée de l'homme font de Gandhi l'une des grandes figures de l'histoire indienne et de l'histoire tout court.