Bhimrao Ram-ji Ambedkar

Homme politique et juriste indien (Mhow, près d'Indore, actuel Madhya Pradesh, 1891-New Delhi 1956).

Né dans une famille de hors-castes, Bhimrao Ram-ji Ambedkar se fit remarquer de ses professeurs par ses qualités intellectuelles. Il eut la possibilité de mener des études à Bombay, malgré son origine de caste, puis, grâce au soutien financier de maharajas hostiles aux brahmanes, il put poursuivre ses études d'économie à New York (université Columbia, dont il devint, en 1952, docteur honoris causa) et à Londres (London School of Economics). En 1917, il rentra en Inde, où il fonda divers journaux (Mook Nayak, en 1920), puis termina ses études à Londres en passant une thèse sur « le problème de la roupie » en 1921. Dans les années 1920-1930, il devint le principal dirigeant des hors-castes – il était alors le seul parmi eux à avoir un tel niveau d'études –, et mena plusieurs campagnes pour leur ouvrir l'accès à des temples ou des points d'eau qui leur étaient défendus, tout en contestant à Gandhi le droit de s'exprimer en leur nom.

Le problème des castes

La question du quota de sièges devant être attribué aux hors-castes dans les Assemblées élues divisa les deux dirigeants. Gandhi y était hostile au nom de l'unité de l'hindouisme, mais Ambedkar se prononça d'abord en faveur d'un quota – attribution de sièges réservés aux hors-castes, l'élection à ces sièges étant le fait à la fois des hindous de castes et des hors-castes –, avant de demander un électorat séparé – les hors-castes auraient alors voté seuls pour leurs propres députés. En 1932, en accord avec cette dernière proposition, le gouvernement britannique entreprit d'instituer des circonscriptions séparées, mais Gandhi s'y opposa et entreprit alors un jeûne à mort. Ambedkar finit par céder, non sans critiquer la méthode politique de Gandhi fondée sur le chantage ; les deux dirigeants signèrent le pacte de Poona, qui demandait au gouvernement britannique de ne pas instituer un électorat séparé pour les « classes très basses » – « depressed classes » selon la terminologie officielle. Les Britanniques suivirent cet avis et réservèrent un quota de sièges aux hors-castes dans les différentes Assemblées.

Le père de la Constitution indienne

Les Britanniques nommèrent Ambedkar ministre du Travail en 1942, l'année même où il fonda la Scheduled Castes Federation (« fédération des hors-castes », SCF), qui connut plusieurs défaites électorales qu'Ambedkar attribuait notamment au système électoral – il se trouvait presque toujours un candidat hors-castes modéré qui recevait le soutien des électeurs de castes hautes et empêchait qu'un candidat de la SCF ne fût élu.

Lors de l'indépendance, en 1947, Ambedkar devint ministre de la Justice de l'Union indienne et présida le comité qui rédigea la Constitution ; il fut le principal artisan des articles concernant notamment l'intouchabilité et de ceux organisant l'attribution de quotas dans les Assemblées élues, l'administration, les universités… De son étude des Constitutions européennes et nord-américaine, Ambedkar avait tiré une conception de l'individu qui s'opposait nettement à celle de Gandhi, qui voyait dans le village la base de l'unité indienne. Pour Ambedkar, le village est « un cloaque de localisme, un haut lieu d'ignorance, d'étroitesse d'esprit et de communalisme » (idéologie fondée sur l'exaltation des différences entre les diverses communautés religieuses, au détriment de l'ensemble indien, ce qui présentait le risque d'affrontements entre les communautés). La Constitution indienne, adoptée en 1950, est donc marquée par le respect des droits de l'individu, notamment en ce qui concerne la question des castes – l'intouchabilité, bien que non définie, fut abolie.

Il démissionna du gouvernement en 1951, mécontent de l'attentisme de Nehru qui, selon lui, cédait aux exigences des hindouistes – amoindrissement de la portée du Hindu Code Bill, qui organisait notamment le droit de la famille en Inde – et risquait donc de favoriser une politique « castéiste » (fondée sur les castes) et communaliste.

La conversion au bouddhisme

Très tôt, Ambedkar pensa que la conversion en masse permettrait aux hors-castes d'échapper à un système profondément inégalitaire. Il hésita entre diverses religions, encourageant notamment des hors-castes à se convertir au sikhisme. En 1956, déçu par le peu d'effets concrets que les lois de l'Union indienne avaient eu sur la situation réelle des hors-castes, Ambedkar choisit de se convertir au bouddhisme, tout en étant conscient que la conversion ne suffirait pas à échapper au système des castes. Il entraîna avec lui des centaines de milliers de hors-castes.

Quelques mois avant sa mort, il fonda le parti républicain indien.

Il a publié de nombreux ouvrages sur les castes – Castes in India ; Annihilation of Caste ; Who where the Shudras ? (« qui furent les sudra ? », œuvre dans laquelle il défend l'idée que le plus bas des quatre varna regroupe en réalité les descendants des bouddhistes vaincus par des conquérants dont la religion était le védisme) –, ainsi que sur le bouddhisme – The Buddha and his Dhamma (« le Bouddha et sa doctrine »). Ses discours et autres œuvres politiques ont été publiés par le gouvernement du Maharashtra à partir des années 1980, et occupent plusieurs tomes (Dr Babasaheb Ambedkar. Writing and speeches).