Jacques Chirac
Homme d'État français (Paris 1932-Paris 2019).
1. Une ascension ministérielle exemplaire
De racines provinciales (sa famille est implantée en Corrèze depuis près de trois siècles) et républicaines (ses deux grands-pères sont instituteurs), Jacques Chirac prend goût à la politique lors de ses études à Sciences-Po. Après avoir intégré l'ENA, il accomplit son service militaire pendant la guerre d'Algérie comme officier de réserve dans une unité combattante (1956-1958). Il est profondément marqué par cette expérience, au cours de laquelle il découvre son ascendant sur les hommes, au point qu'il envisage d'embrasser la carrière militaire.
Sorti dixième de l'ENA, il entre à la Cour des comptes en 1959, mais dès 1962 opte très vite pour la politique en devenant membre du cabinet du Premier ministre Georges Pompidou, dont il devient l’un des principaux collaborateurs. Son premier engagement électoral en Corrèze en mars 1967 – où il s'empare du fief radical-socialiste d'Henri Queuille et où il sera constamment réélu – lui vaut le secrétariat d'État aux Affaires sociales (1967), puis le secrétariat d'État à l'Économie et aux Finances (1968-1971). Il joue un rôle important lors des accords de Grenelle pendant les événements de mai 1968 et, au lendemain de l'élection de Georges Pompidou à la présidence de la République (1969), il est nommé ministre des Relations avec le Parlement (1971), puis ministre de l'Agriculture (1972) : il se taille alors une réputation auprès du monde paysan par sa pugnacité lors des négociations relatives à la politique agricole commune de la CEE.
Ministre de l'Intérieur en mars 1974, il soutient, après la mort de Georges Pompidou, la candidature du centriste libéral Valéry Giscard d'Estaing à la présidence de la République contre celle du « gaulliste historique » Jacques Chaban-Delmas et devient Premier ministre en 1974. Mais les caractères des deux hommes sont très différents, ce qui rend leur collaboration de plus en plus difficile, et Jacques Chirac démissionne en 1976.
Parallèlement, il joue un rôle de premier plan au sein de l'Union des démocrates pour la République (UDR), qu'il transforme en Rassemblement pour la République (RPR), et dont il devient président (1976).
2. Le leader du RPR à la mairie de Paris
L'année suivante, Jacques Chirac est élu maire de Paris, contre le candidat giscardien, Michel d'Ornano. Pendant dix-huit ans – puisqu'il est réélu en 1983 et en 1989 – il va faire de l'hôtel de ville de la capitale une véritable « machine de guerre » au service de son parti et de son ambition. Il se présente sans succès à l'élection présidentielle de 1981 contre François Mitterrand et s'affirme comme un opposant résolu du pouvoir socialiste.
Après la victoire du RPR aux élections législatives de mars 1986, il devient Premier ministre du gouvernement de « cohabitation ».
Il s'emploie à redresser les comptes publics et mène une politique d'inspiration libérale, mais sa popularité s'amenuise à l'épreuve du pouvoir. Il est contraint de démissionner en mai 1988, à la suite de sa défaite face à François Mitterrand lors du second tour de l'élection présidentielle. Il retrouve cependant dès le mois de juin suivant son siège de député de la Corrèze (qu'il conservera en 1993) et redevient, malgré quelques contestations internes vite avortées, le leader naturel de l'opposition au gouvernement socialiste.
Soucieux de ne pas répéter l'erreur de 1986, il laisse son fidèle allié Édouard Balladur former le deuxième gouvernement de cohabitation issu des élections législatives de 1993. Mais les liens entre les deux hommes se distendent à mesure que la popularité d’Édouard Balladur croît et flatte des ambitions présidentielles. Dans la perspective du scrutin de 1995, celui-ci rallie autour de sa personne nombre de ténors de la majorité législative, contraignant son « ami de trente ans » à un isolement forcé.
3. À la présidence de la République
3.1. Un septennat affaibli par la cohabitation et les « affaires »
Se portant, dès novembre 1994, candidat à l'élection présidentielle de 1995, Jacques Chirac engage une longue campagne sur le thème de la réduction de la fracture sociale (thème de ses essais Une Nouvelle France, 1994, et la France pour tous, 1995). Donné perdant au départ, il mène une campagne dynamique dénonçant « la pensée unique » et proposant « une autre politique ».
Il parvient à devancer Édouard Balladur au premier tour et l'emporte sur le candidat de la gauche unie Lionel Jospin au second (7 mai 1995) avec 52,64 % des suffrages exprimés. Il nomme au poste de Premier ministre, Alain Juppé, dont la politique de rigueur très éloignée des thèmes de la campagne vaut à celui-ci une grande impopularité (grandes grèves de décembre 1995 sur la réforme des régimes spéciaux de la Sécurité sociale, de fait repoussée).
À la surprise générale, le Président procède à la dissolution de l'Assemblée nationale (avril 1997), mais perd son pari : la gauche remporte les élections législatives, et Jacques Chirac est contraint d'appeler son ancien rival, Lionel Jospin, à la tête du gouvernement. Cette cohabitation – la plus longue de l'histoire de la Ve République – affaiblit la fonction présidentielle et dégrade l'image personnelle de Jacques Chirac.
Le Premier ministre apparaît comme le véritable chef de l'exécutif et les « affaires » de la mairie de Paris (liées notamment à des emplois fictifs et des détournements de fonds au profit du RPR), dont la justice s'est saisie, compliquent la situation politique.
Tenu à une stricte fonction présidentielle, Jacques Chirac sillonne le monde en se faisant l'avocat des performances industrielles françaises et le garant de la francophonie – il est à l'origine de la fondation de l'Organisation internationale pour la francophonie (OIF). Sur le territoire national, il assiste, impuissant, aux crises qui secouent les différents partis d'opposition et se pose en observateur, parfois caustique, des réformes du gouvernement de gauche plurielle en place (notamment sur l'adoption des 35 heures). Il se garde cependant de contrecarrer trop visiblement la politique du gouvernement et d'envenimer la cohabitation, et bénéficie toujours d'une forte popularité.
3.2. Un quinquennat contrasté
Candidat à sa réélection en 2002, Jacques Chirac n'obtient que 19,85 % des voix à l'issue d'un premier tour marqué par une très forte abstention, et doit affronter au second tour Jean-Marie Le Pen, dont les suffrages acquis au premier tour ont été supérieurs à ceux du candidat socialiste Lionel Jospin. Face au président du Front national, il bénéficie d'un remarquable élan républicain contre l’extrême droite et du report massif des voix de gauche. Il est réélu le 5 mai 2002 avec le score historique de 82,22 % des suffrages.
Au début de son second mandat, Jacques Chirac marque sa volonté de peser sur la conduite des affaires intérieures en fixant les orientations que doit mettre en œuvre son Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, et en parachevant l'établissement de l'UMP, grand parti politique de la droite et du centre.
Par ailleurs, il s'implique fortement sur la scène diplomatique internationale en s'opposant à la logique de guerre et à l'ultimatum des États-Unis à l'encontre de l'Iraq de Saddam Husayn, et, au-delà du cas irakien, en refusant l'ordre unipolaire et unilatéral imposé par Washington.
Mais alors que cette initiative lui vaut le soutien de l'opinion publique nationale, voire internationale, il doit faire face à l’échec du référendum sur l'approbation du traité constitutionnel européen (29 mai 2005). Le chef de l'État est alors conduit à remplacer à Matignon Jean-Pierre Raffarin par Dominique de Villepin, et à réintégrer dans l'équipe de ce dernier Nicolas Sarkozy – écarté un an plus tôt des responsabilités ministérielles en raison des ambitions présidentielles qu’il affiche à la tête de l'UMP. En mars 2007, Jacques Chirac annonce sa décision de ne pas briguer un troisième mandat.
Pour en savoir plus, voir l'article France : vie politique depuis 1958.