Roland Barthes

Roland Barthes
Roland Barthes

Sémiologue et écrivain français (Cherbourg 1915-Paris 1980).

Grande figure de la sémiologie et du structuralisme français des années 1950 à 1970, attaché aux avant-gardes littéraires de son temps comme aux classiques, Roland Barthes concilia l'approche savante et le plaisir esthétique. Son rayonnement reste considérable sur la critique et les pratiques littéraires contemporaines.

Le sémiologue de la société

Né dans une famille bourgeoise et protestante, orphelin de père à un an, Roland Barthes passe son enfance à Bayonne puis à Paris. Après une licence de lettres classiques en Sorbonne, il renonce à l'agrégation pour cause de tuberculose. Ses longs séjours en sanatorium (1941-1946) seront pour lui l'occasion d'une vie intellectuelle intense : il lit et annote tout Michelet, découvre Sartre, Marx, Lénine et Trotski ; il y donne ses premières conférences (sur Baudelaire, Whitman, Michaux, Valéry). C'est aussi dans la revue du sanatorium, Existences, qu'il publiera ses premiers textes (sur Gide, en 1942, et sur l'Étranger, de Camus, en 1944). Sociologue au C.N.R.S. à partir de 1955, Barthes s'impose auprès d'un large public avec les Mythologies (1957). Chroniqueur rigoureux à l'acuité subtile, il y analyse quelques-uns des symboles de la société de l'époque (de la DS Citroën à Greta Garbo, du péplum à Paris-Match, des Guides bleus aux produits détergents), révélant derrière des évidences trop lisses un système de valeurs petit-bourgeois analysable scientifiquement.

Tel est l'objet de la méthode qu'il théorise dans les Éléments de sémiologie (1965) : science générale des signes, la sémiologie élargit le modèle linguistique de Ferdinand de Saussure et le structuralisme de l'anthropologue Claude Lévi-Strauss à toutes les pratiques symboliques d'une société. Le sémiologue, affirmant que le sens d'un signe quel qu'il soit tient toujours au rapport qu'il entretient avec les autres signes, s'attache aux réseaux de relations entre les signes pour dégager leur signification. Barthes, nommé entre-temps directeur d'études à l'École pratique des hautes études (1962), appliquera la sémiologie au vêtement (Système de la mode, 1967) et poursuivra l'aventure dans l'Empire des signes (1970), à propos du Japon.

Le théoricien de l'écriture

Mais c'est au texte littéraire, lieu par excellence des significations plurielles, que Barthes consacrera la plus grande partie de ses analyses. Dès 1953, le Degré zéro de l'écriture pose les principes d'une nouvelle critique attachée à l'organisation immanente du texte, par opposition à une critique plus académique qui prétend expliquer l'œuvre par ses sources, la biographie de l'auteur et le contexte historique. Après les Essais critiques (1964), l'application proposée sur un classique de la littérature française (Sur Racine, 1963) vaut à Barthes les attaques virulentes de l'universitaire Raymond Picard (Nouvelle Critique et Nouvelle Imposture, 1965), auxquelles il répond par Critique et Vérité (1966). Suivent, outre les articles rassemblés dans les Nouveaux Essais critiques (1972), S/Z (1970) et Sade, Fourier, Loyola (1971). Collaborateur des grandes revues de sciences humaines et de littérature de l'époque (Communications, Tel Quel, Critique), ami d'Algirdas Julien Greimas, de Philippe Sollers et de Julia Kristeva, Barthes se situe au carrefour du marxisme, de la psychanalyse et de la linguistique, mais sa démarche ne dissocie jamais la pensée rigoureuse de l'imagination et de l'affect, et d'un Plaisir du texte (1973) hautement revendiqué comme rapport charnel au langage (Fragments d'un discours amoureux, 1977). Le même souci d'ouvrir l'œuvre à la pluralité inattendue de ses sens marque son travail sur la peinture (l'Obvie et l'Obtus, recueil d'articles posthume, 1982).

L'écrivain par lui-même

Quel que soit son objet, la pensée de Barthes ne fait qu'une avec son écriture : élégante, inventive, toujours à rebours des automatismes de langage (« j'écris parce que je ne veux pas des mots qui me viennent ») ; elle s'attache au corps du signifiant et au Grain de la voix (recueil d'entretiens posthume, 1981). Si bien que l'œuvre de Barthes peut se lire comme un acheminement progressif, trop tôt interrompu, vers l'écriture littéraire. Une écriture qui s'assume comme telle dès 1975, dans Roland Barthes par Roland Barthes, une autobiographie où il déconstruit les présupposés du genre. Procédant par juxtaposition de fragments où alternent le je et le il, Barthes n'offre « ni un texte de vanité, ni un texte de lucidité, mais un texte aux guillemets incertains, aux parenthèses flottantes ». Cinq ans après, la Chambre claire, plus qu'un essai sur la trace photographique comme lieu paradoxal de la présence et de la perte (le fameux « ça a été »), se révèle une méditation sur la mort d'Henriette Barthes, la mère qu'il a tant chérie. Enfin, dans son dernier cours au Collège de France (où il occupe la chaire de sémiologie depuis 1977), Barthes évoque son projet d'un roman, Vita nova, qu'il laisse à l'état d'ébauche au moment de sa disparition brutale : renversé par une camionnette devant le Collège de France le 25 février 1980, il décède peu après.

Roland Barthes
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  • 1953 Le Degré zéro de l'écriture, ouvrage de R. Barthes.