Husayn ou Hussein
(en arabe Ḥusayn ibn Ṭalāl)
(Amman 1935-Amman 1999), roi de Jordanie (1952-1999), de la dynastie hachémite.
1. La famille hachémite
On donne ce nom à la famille quraychite descendant de Hachim, qui est considéré comme l'ancêtre de Mahomet. Celle-ci a fourni, depuis un millénaire (xe siècle-1924), les émirs chérifs de La Mecque et les gardiens des lieux saints. Husayn ibn Ali, chérif de La Mecque à partir de 1908, se place à la tête du mouvement d'opposition qui s'élève dans les pays arabes contre l'Empire ottoman, après son entrée en guerre aux côtés de l'Allemagne.
Soutenu par les Britanniques, il lance la « révolte arabe » contre l'occupant turc et devient roi du Hedjaz (1916). Ne pouvant s'opposer à la montée de la puissance wahhabite, il est déchu et chassé de La Mecque en 1924.
En 1921, son fils Faysal devient roi d'Iraq et son fils aîné, Abdullah, émir de Transjordanie, qui devient le royaume hachémite de Jordanie en 1949. Le fils aîné d'Abdullah, Talal, qui ne s'entend guère avec son père autant pour des raisons de caractère que pour des raisons politiques, lui succède, au lendemain de son assassinat, le 20 juillet 1951. Contraint d'abdiquer pour instabilité mentale en août 1952, il est remplacé par son fils aîné, Husayn. Après une brève régence, ce dernier est intrônisé le 2 mai 1953.
2. Un début de règne difficile
Le futur roi est éduqué au palais royal, puis dans des collèges britanniques, à Alexandrie et en Angleterre avant d'être élève officier à l'Académie militaire britannique de Sandhurst. Il affiche un goût immodéré pour les voitures de sport et devient un excellent pilote d'avion et d'hélicoptère.
Dès son avènement au trône, Husayn doit faire face à des problèmes difficilement surmontables. La Cisjordanie, récemment annexée, se montre rétive. Ses habitants, qui ont un niveau de scolarité supérieur à celui des Transjordaniens et qui sont pleins d'amertume envers l'Occident, soutiennent les forces progressistes et nationalistes arabes. La ligne d'armistice avec Israël est régulièrement violée par des commandos arabes et des raids israéliens de représailles. La jeunesse transjordanienne instruite, en particulier chez les militaires, ne supporte plus la tutelle des Britanniques. Ces derniers, en plein déclin politique dans la région, tendent à s'appuyer de plus en plus sur les monarchies hachémites d'Iraq et de Jordanie.
En Égypte, Nasser devient le héros du nationalisme arabe, dont l'audience se fait particulièrement forte à l'extérieur des frontières égyptiennes. Partageant les aspirations de sa génération, désireux de manifester son autorité et probablement conscient des risques que court son trône à rester trop lié à la Grande-Bretagne, Husayn renvoie les officiers britanniques et les remplace par des Arabes (mars 1956).
Durant la crise de Suez, la Jordanie se rapproche de l'Égypte. Le roi accepte de désigner un gouvernement nationaliste arabe qui dispose du soutien d'un Parlement élu librement (octobre 1956). Les conflits de compétence se multiplient rapidement, en particulier à propos de l'armée. C'est finalement le roi Husayn qui remporte l'épreuve de force en avril 1957, grâce à son courage personnel et à la fidélité des soldats et des sous-officiers, alors que les cadres supérieurs se laissent tenter par le progressisme et l'aventure personnelle.
3. Face aux révolutions
En février 1958, devant la montée du nationalisme arabe révolutionnaire, la Jordanie se rapproche de l'Iraq pour former une union. Le 14 juillet de la même année, à Bagdad, une révolution sanglante met fin au régime hachémite. Pour éviter le même sort à la Jordanie, la Grande-Bretagne dépêche des parachutistes à Amman, tandis que les Américains apportent une aide financière conséquente. Les protecteurs occidentaux du pays se font peu d'illusions sur l'avenir de la Jordanie soumise au blocus de fait de ses voisins. On envisage à moyen terme la disparition du royaume.
Husayn, avec une extrême habileté, réussit à tenir bon malgré de nombreuses tentatives d'assassinat et des complots préparant son renversement du pouvoir. Il desserre l'étreinte en se rapprochant de l'Arabie saoudite et compose avec la renaissance du mouvement national palestinien en présidant, en 1964, le congrès fondateur de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), à Jérusalem.
Quand cette dernière tente d'établir son autorité en Cisjordanie, Husayn l'interdit dans son royaume, et établit un canal de communication secret avec Israël. Il n'en reste pas moins que la Jordanie, soumise aux violentes attaques verbales de l'Égypte, qui cherche à la détacher de l'Arabie saoudite, est obligée d'adopter une position radicale par rapport à l'État hébreu. Quand la crise éclate, en mai 1967, le roi Husayn s'aligne sur la politique de l'Égypte. Lors de la troisième guerre israélo-arabe (juin 1967), le royaume perd ses territoires cisjordaniens, mais Husayn a conservé son pouvoir.
4. Face aux Palestiniens
Au lendemain de la guerre, le roi Husayn reçoit le soutien de Nasser qui le mandate pour traiter secrètement avec les Américains, voire les Israéliens afin qu'il récupère la Cisjordanie. Les États-Unis lui font des promesses fermes dans ce sens, mais ne les respectent pas.
Dès 1968, la résistance palestinienne devient une force majeure en Jordanie, qu'elle utilise comme base d'opérations contre Israël. L'armée, régulièrement insultée par les combattants palestiniens, reste fidèle au roi. Durant l'été 1970, Husayn se range derrière Nasser qui a accepté formellement un plan de paix américain. Les Palestiniens essayent de s'opposer à ce projet par la force. Ils sont pris en échec lors des événements sanglants de septembre 1970 (septembre noir). Dans les premiers mois de 1971, les dernières bases de la résistance palestinienne sont détruites.
Husayn est de nouveau isolé et les tentatives d'assassinat se multiplient contre lui et son entourage politique. En octobre 1973, un contingent jordanien se bat aux côtés des Syriens dans le Golan mais c'est la seule intervention du royaume dans la guerre. Le roi tente ensuite de participer au processus de paix, mais il est obligé de reconnaître l'OLP comme seul et légitime représentant du peuple palestinien (octobre 1974). Dès lors, il se tient ostensiblement à l'écart du processus de paix et refuse de se joindre aux négociations entamées par l'Égypte d'Anouar el-Sadate.
5. La réintégration dans le cadre arabe
Les années 1980 vont être plus fructueuses. Le roi Husayn prend le parti de l'Iraq lors de la guerre Iran-Iraq. Ses relations avec la Syrie sont une suite de brouilles et de réconciliations spectaculaires. Des nouveaux liens politiques privilégiés sont établis avec l'OLP d'Arafat (1983) et l'Égypte de Moubarak.
La Jordanie redevient un partenaire essentiel du processus de paix, puisque la représentation palestinienne doit passer par son entremise (formation d'une délégation conjointe jordano-palestinienne). En juillet 1988, Husayn prend acte des conséquences politiques du soulèvement palestinien et rompt tous les liens économiques, administratifs et politiques avec les territoires occupés. Lors de l'invasion du Koweït par l'Iraq, en août 1990 → guerre du Golfe), l'enthousiasme populaire en Jordanie se tourne vers Saddam Husayn, et le roi lui-même semble avoir des velléités de récupération des territoires perdus par sa famille au Hedjaz, ce qui lui vaudra l'animosité durable de l'Arabie saoudite. Le pays reste en dehors de la guerre, mais apparaît comme engagé aux côtés de l'Iraq. Plusieurs centaines de milliers de Palestiniens expulsés du Koweït viennent se réfugier en Jordanie.
À l'issue de cette dernière crise, la Jordanie apparaît de nouveau comme totalement isolée, mais elle demeure un atout essentiel dans le jeu américain. Husayn, atteint par la maladie, offre son entremise diplomatique pour la conférence de Madrid (délégation jordano-palestinienne). Se sentant trahi par l'accord d'Oslo, il se précipite pour conclure un traité de paix avec Israël (octobre 1994). Il se pose ensuite comme médiateur entre Israël et les Palestiniens. Il meurt le 7 février 1999. Ses funérailles impressionnantes sont diffusées en direct dans le monde entier par les réseaux télévisés.
6. Le type de gouvernement
Le roi Husayn a été incontestablement un chef d'État autoritaire, très soucieux de son pouvoir. Face aux défections continues des cadres de l'État, conquis par le nationalisme arabe radical, il a établi tout un réseau d'allégeances personnelles avec les représentants des différents groupes de la société jordanienne. Ses qualités humaines ont incontestablement joué en sa faveur. Il a accordé sa grâce à de très nombreuses reprises, allant jusqu'à rétablir dans leurs fonctions des personnes accusées d'avoir comploté contre lui, et même d'avoir préparé son assassinat. Ostensiblement, il a refusé tout signe d'un culte de la personnalité, cherchant à s'identifier à un système de valeurs hérité de la culture bédouine, et fondé notamment sur l'hospitalité et la générosité. Cependant, le régime politique est resté très policier, même après le rétablissement d'un système électoral dans les années 1990 ; la population a rapidement perdu tout espoir de changement politique par la voie électorale.
Le roi a centré son discours politique sur le rôle historique des Hachémites comme défenseurs de l'islam et de l'arabisme depuis 1916. Sa vision de la société est restée profondément conservatrice, ce qui lui a permis de s'appuyer à certains moments sur les Frères musulmans, contre les progressistes arabes. En même temps, il a entretenu des relations privilégiées avec l'Occident. Il a même reçu un financement direct de la CIA durant plusieurs années.
Pendant longtemps, l'héritier du trône a été son frère Hasan. Ce dernier devait être suivi dans la ligne de succession par les fils de Husayn. Durant les dernières années, Hasan a exercé la gestion quotidienne des affaires, le roi vivant surtout aux États-Unis où il suivait un traitement médical. Juste avant sa mort, Husayn a modifié l'ordre successoral, faisant de son fils aîné, Abd Allah, issu d'un mariage avec une Anglaise, son premier successeur et de Hamza, issu d'un mariage avec une Arabo-Américaine, son second successeur.
L'œuvre de Husayn, à l'intérieur, est considérable. Il a achevé la construction de l'État jordanien. En termes de développement humain, la réussite est incontestable, en particulier dans le domaine de l'éducation. Il n'en demeure pas moins que l'économie jordanienne reste fragile, dépendant en permanence d'aides extérieures et basée sur l'endettement, et que les écarts sociaux sont immenses. La politique de rapprochement avec Israël est restée extrêmement impopulaire. Les manifestations de deuil à la mort du roi ont montré sa réelle popularité ou, à tout le moins, l'admiration portée à sa personnalité et à son rôle historique.
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