Alan Mathison Turing
Mathématicien britannique (Londres 1912-Wilmslow, Cheshire, 1954).
Il fut un brillant logicien (→ logique) et l'un des pionniers de l'informatique et de l'intelligence artificielle.
1. De la logique mathématique à l'informatique
Fils d'un officier de l'armée des Indes, Alan Turing, âgé d'à peine 1 an, est confié à un couple de retraités qui va l'élever, ainsi que son frère John. Sa mère part, en effet, rejoindre son père, administrateur colonial à Madras. Ses parents ne regagneront définitivement l'Angleterre qu'en 1926 (mais reverront leurs enfants chaque année lors des vacances).
Réfractaire à la scolarité, le jeune Alan manifeste un désintérêt total pour les matières littéraires, mais un goût prononcé pour les disciplines scientifiques, en particulier pour la chimie, et de réelles dispositions pour les mathématiques. En 1931, il est admis au King's College de Cambridge pour y poursuivre des études de mathématiques ; il y obtient sa licence en 1934. Ses lectures ainsi que les cours du mathématicien Max Newman (1897-1984) et de l'astrophysicien Arthur Eddington lui font découvrir les grandes questions de la science moderne.
Les travaux de David Hilbert sur la recherche des fondements des mathématiques et ceux de Johann von Neumann sur les fondements mathématiques de la mécanique quantique stimulent son intérêt pour l'étude du déterminisme en physique et en mathématiques. Chargé de cours au King's College en 1935, il part l'année suivante à Princeton, aux États-Unis, préparer un doctorat de logique mathématique sous la direction d'Alonzo Church (1903-1995). Après avoir soutenu sa thèse, il regagne Cambridge, en juillet 1938.
L'un des problèmes qu' étudie Turing est celui, posé par Hilbert, de la possibilité pour une proposition mathématique d'être validée comme vraie ou fausse par un algorithme. Un article rédigé avant son départ aux États-Unis, mais publié seulement en janvier 1937, On Computable Numbers, with an Application to the Entscheidungsproblem (Sur les nombres calculables, avec une application au problème de la décision), constitue l'une de ses plus importantes contributions à la logique mathématique. L'auteur y élabore le concept d'une machine à calculer « universelle » (machine de Turing), qui est à la base de toutes les théories sur les automates et ouvre la voie à de nombreux développements de la théorie des algorithmes. Une opération n'est exécutable sur ordinateur que s'il existe une machine de Turing équivalente. Tous les ordinateurs étant des réalisations matérielles de cette machine universelle, Turing peut être considéré comme le fondateur de l'informatique.
2. Cryptologie, ordinateurs, intelligence artificielle
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Turing contribue à l'effort allié, au sein du service britannique du chiffre, en mettant au point des machines et des méthodes qui lui permettent de percer les codes secrets de la machine Enigma utilisée par la marine allemande pour communiquer avec ses sous-marins (→ cryptographie). Envoyé secrètement aux États-Unis, il travaille aux Laboratoires Bell de New York (1943), où il rencontre régulièrement Claude Elwood Shannon, l'un des fondateurs de la théorie de l'information, avec qui il évoque des projets de machines qui imiteraient le fonctionnement du cerveau humain. Après son retour en Angleterre, il conçoit et réalise une machine électronique capable de crypter la voix humaine.
En 1945, il reprend ses recherches sur la conception des machines à calculer au Laboratoire national de physique britannique. Le projet de construction d'un calculateur électronique qu'il présente en 1946 marque, avec celui proposé quelques mois auparavant aux États-Unis par John von Neumann, l'acte de naissance de l'ordinateur. En 1947, Turing retourne au King's College et prend une année sabbatique pour suivre des cours de physiologie et de neurologie. Son intérêt pour les phénomènes de croissance animale ou végétale se développe ; ils deviendront son champ de recherche à partir de 1951. À l'automne 1948, il rejoint l'équipe d'informatique de l'université de Manchester et, durant les deux années suivantes, se consacre à des travaux de programmation électronique, tout en s'intéressant à l'intelligence artificielle.
En 1951, il est élu membre de la Royal Society. Cependant, la révélation de son homosexualité va bientôt briser sa carrière. Arrêté et inculpé en 1952 à la suite d'une aventure avec un jeune homme, il évite la prison en acceptant de subir un traitement de castration chimique, mais il est écarté des grands projets gouvernementaux. Le 7 juin 1954, sa femme de ménage le trouve mort, dans son lit, et remarque une pomme à moitié mangée posée sur sa table de chevet. L'enquête établit que le fruit a macéré dans du cyanure et conclut à un suicide par empoisonnement. La mère d'Alan Turing écartera pourtant cette thèse et soutiendra celle de l'accident, en arguant que son fils avait l'habitude d'entreposer chez lui des produits chimiques sans aucune précaution.
Suite aux nombreuses pétitions réclamant la réhabilitation de Turing, la reine Elizabeth II le gracie en 2013. Le gouvernement britannique considère aujourd'hui sa condamnation comme injuste et discriminatoire et salue son génie qui a contribué à sauver des milliers de vie. Depuis 1966, le prix Turing récompense chaque année une personne ayant apporté une contribution significative au monde de l'informatique. En 2015, la biographie d'Alan Turing est portée à l'écran dans le film Imitation Game.