revenu
Total des sommes perçues, en nature ou en monnaie, comme fruit du capital que quelqu'un a placé (intérêt sur un capital prêté, dividende sur un capital engagé), ou comme rémunération d'une activité (profit) ou d'un travail (salaire).
ÉCONOMIE
Chacun sait par expérience ce qu'est un revenu : le salaire d'un ouvrier ou d'un employé, le traitement d'un fonctionnaire, les honoraires d'un médecin ou les intérêts touchés par un épargnant sont des revenus. Dans tous ces cas, il s'agit d'une somme d'argent versée en contrepartie d'un travail, d'un service, d'un prêt ; c'est donc par définition quelque chose qui circule, qui passe d'une personne ou d'une entreprise à une autre. À l'origine de tous les revenus, il y a l'activité économique, la création de richesses ; ceux qui y contribuent d'une manière ou d'une autre sont rémunérés pour cela. Mais le schéma de circulation des revenus est un peu plus compliqué parce que, du fait de l'intervention de la puissance publique (l’État), les revenus primaires ne restent pas complètement à la disposition de leurs bénéficiaires ; ils subissent des prélèvements, notamment sous forme d'impôts et de cotisations sociales, qui permettent de financer la création d'autres revenus ne constituant pas la contrepartie directe d'une activité de production. Ceux-ci sont alloués aux individus ou aux familles en vertu de droits reconnus par la société au nom de la solidarité : prestations familiales, allocations de Sécurité sociale, pensions de retraite, revenu minimal, indemnités de chômage. Ces revenus secondaires, dits aussi de transfert, résultent donc d'une redistribution, qui, avec le développement de l'État providence, bouleverse profondément la répartition primaire.
Les inégalités de revenus
Certaines inégalités de salaires sont communément admises par tous : il est clair que les travailleurs ont des capacités productives et des niveaux de qualification très différents et que les inconvénients propres à certains métiers justifient leur prix élevé. Ces critères ne sont cependant qu'un cas particulier de l’inégalité des salaires, qui ne saurait, à son tour, rendre compte à elle seule de l’inégalité générale des revenus.
Revenus et ménages
Quand on s'en tient aux seuls revenus d'activité, on constate aisément que, dans nombre de cas, celui d'un individu, rapporté à sa situation familiale, s'en trouve modifié. Si l'on considère donc, non plus les personnes isolées, mais les ménages et le degré de qualification et de rémunération de chacun de leurs membres – ce qui est plus conforme à une bonne appréciation des inégalités réelles –, les résultats révèlent une inégalité sensiblement différente. Pour comparer les niveaux de vie, on doit tenir compte du nombre de personnes à charge ou d'unités de consommation au sein de chaque foyer.
Les revenus de la propriété
Les revenus de la propriété sont beaucoup plus inégalitairement distribués que les autres. Dans les économies développées, les ressources matérielles (par opposition aux ressources humaines) peuvent prendre la forme d'actifs physiques (terres, bâtiments, logements…) ou financiers (monnaie liquide, bons d'épargne, actions et obligations, stock-options…). L'épargne accumulée au cours de l'existence est une source importante de la création des patrimoines, mais ceux-ci peuvent aussi provenir de donations ou d'héritages, de gains en capital, de collections…
Les revenus du patrimoine
La possession d'un patrimoine ou d'une fortune donne la possibilité non seulement d'utiliser directement les biens qui les composent, mais aussi d'en tirer un revenu. Il existe généralement une nette corrélation entre le montant du revenu et celui du patrimoine : un revenu élevé facilite la constitution d'un patrimoine et, inversement, un patrimoine important procure de hauts revenus ; en outre, le patrimoine, du fait de son accumulation dans le temps et de sa transmission héréditaire, est plus inégalement réparti que le revenu, contribuant à une augmentation des inégalités. C'est pourquoi les revenus du patrimoine sont la source principale de l'inégalité, notamment dans les tranches de revenu les plus élevées, ce qui favorise leurs détenteurs au détriment des salariés qui n'en bénéficient pas.
Pourquoi redistribuer les revenus ?
La plupart des sociétés poursuivent parallèlement deux objectifs principaux : l'efficacité économique et l'équité sociale. Ces objectifs concernent directement la répartition des revenus : l'utilisation des facteurs de production et la formation de leurs prix sur les marchés peuvent aboutir à une répartition des revenus entre ménages jugée non satisfaisante – d'où le recours à des mesures de redistribution des revenus primaires visant à plus d'équité.
L’équité : un instrument de la redistribution
C'est la notion d'équité qui a fait du revenu un instrument de redistribution dans l'espoir d'une société juste.
Redistribution et normes sociales
Il faut rappeler ici que la notion d'équité est essentiellement normative : elle résulte de jugements de valeur d'ordre éthique ou politique. Certains mettent l'accent sur le critère de la récompense : les plus hauts revenus doivent aller à ceux qui, par leur travail ou leur apport productif, contribuent le plus à la fourniture de biens ou de services ; d'autres pensent que ces biens et services doivent être répartis sur la base des besoins, dont la satisfaction, variable dans le temps et selon le niveau de vie, conditionne les performances économiques. Ainsi, pour John Maynard Keynes, l'excès d'épargne est un risque inhérent à une répartition résultant des seuls revenus primaires ; les politiques de redistribution ont alors pour fonction de réactiver la demande, et donc l'investissement, débouchant, à terme, sur de nouveaux emplois.
Équité, égalité, revenu
La notion d'équité ne doit pas être confondue avec celle d'égalité. L'égalisation suppose que tous les individus ont les mêmes aspirations et sont capables de tirer la même satisfaction d'un montant donné de revenu. Elle ignore l'objectif d'efficacité dans la production : si les revenus sont tous égaux, personne n'est incité à travailler et à produire, et il faut réinstaurer une rémunération au mérite. Autrement dit, il y a des limites aux politiques de redistribution.
Équité, efficacité, revenu
Il peut exister des conflits entre l'objectif d'équité et celui d'efficacité. Si l'on s'en tient à l'histoire récente des pays développés, on s'aperçoit que les politiques de redistribution mal contrôlées engendrent des déséquilibres macroéconomiques, telle l'influence négative exercée par l'accroissement excessif des prélèvements sur l'incitation au travail et à l'épargne, et sur l'activité économique elle-même, à tel point que le rendement de l'impôt en est, lui aussi, affecté – phénomène exprimé par la « courbe de Laffer ». Tout le problème consiste à trouver un compromis acceptable entre équité et efficacité.
Redistribution des revenus et biens collectifs
Une première forme de redistribution vise à fournir en quantité suffisante à la collectivité certains biens ou services que les marchés ne produiraient pas spontanément.
Revenus primaires et biens publics
Un exemple caractéristique en est celui des biens publics, qui présentent deux particularités : la consommation d'un individu ne réduit pas la quantité disponible pour les autres (l'éclairage des rues, par exemple) ; il est impossible d'empêcher ceux qui ne le paient pas d'en profiter (la protection de l'environnement, par exemple). L'offre privée de tels services se ferait donc à perte, et il revient à l'État de les produire, de les fournir gratuitement et de les financer par l'impôt. Dans la mesure où ce dernier comporte une certaine progressivité, comme c'est le cas en France, la redistribution qui en résulte conduit à une réduction de l'éventail des revenus primaires.
Transferts de revenus et biens tutélaires
Le développement de l'État providence a également mis en évidence la notion de biens tutélaires, qui ne sont pas des biens publics au sens strict, comme la Défense nationale ou le maintien de la sécurité. Par exemple, l'éducation ou les soins médicaux peuvent être partiellement fournis par le marché (il existe des écoles privées et une médecine libérale). Mais les avantages économiques et sociaux d'une population bien instruite et en bonne santé dépassent le simple cadre individuel ; ils ont des retombées collectives positives qui justifient l'intervention de la puissance publique. Dans cette optique, il appartient donc à l'État de faire en sorte que la fourniture des services considérés soit portée au niveau optimal – d'où le versement d'allocations, qui constituent des transferts de revenus, aux intéressés.
La redistribution des revenus par les transferts
La redistribution par les transferts s'est beaucoup développée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Les différents transferts de revenus
Ils prennent des formes très diverses qui se sont notamment concrétisées dans les régimes de sécurité sociale et dans l'aide sociale, que financent les cotisations salariales et patronales. Ces régimes combinent les principes de l'assurance et de l'assistance ; ils sont destinés à couvrir certains risques (maladie, accident, chômage) ou certains besoins (charges familiales, logement) et à payer les pensions de retraite. L'expérience a souvent montré qu'ils ne répondaient pas à toutes les situations de détresse, et notamment à l'apparition des nouvelles formes de pauvreté, comme le chômage de longue durée, provoqué par les orientations récentes de la production et des échanges. D'où la nécessité d'assurer un revenu minimal (en France, le RMI, puis le RMA et le RSA) à tous ceux qui, compte tenu des diverses allocations existantes, restent au-dessous de la « ligne de pauvreté » (définie en Europe comme égale à la moitié du revenu moyen).
L'efficience des transferts de revenus
L'inconvénient de ces régimes tient surtout à leur complexité et, parfois, à leur manque de cohérence, entraînant des doubles emplois, des gaspillages et des frais de gestion trop lourds. On a d'ailleurs observé que ces politiques de redistribution ne s'effectuaient pas prioritairement dans le sens des hauts revenus vers les bas revenus, c'est-à-dire d'une réduction des inégalités, mais plutôt des actifs vers les inactifs, des célibataires vers les familles ; de plus, en France, l'augmentation des cotisations sociales et des impôts indirects (T.V.A.) accroît surtout, dans le financement de la redistribution, la part des salariés. On admet donc couramment que le transfert des riches aux pauvres, motivé par la solidarité, demeure relativement modeste par rapport à la masse redistribuée, malgré la logique qui confère à l'État la mission de réduire les inégalités.