Jean-Baptiste Say
Économiste français (Lyon 1767-Paris 1832).
Lecteur d’Adam Smith, et vulgarisateur de sa pensée, Jean-Baptiste Say fut le fondateur de l’école classique française en économie. Auteur fécond, il formula la loi dite « des débouchés » selon laquelle, en situation de libre concurrence, l’offre crée sa propre demande.
Un homme aux multiples carrières
Descendant d’une famille protestante émigrée à Genève après la révocation de l’édit de Nantes, puis revenue s’installer à Lyon, Jean-Baptiste Say est le fils d’un négociant en soie. Lors d’un séjour en Grande-Bretagne (1785-1787), il découvre avec enthousiasme la révolution industrielle et, en même temps, la pensée d’Adam Smith, qui va faire de lui un apôtre du libéralisme économique. Auteur d’un libelle publié en 1789, la Liberté de la presse, il se lance lui-même dans le journalisme et met sa plume au service des idées nouvelles. Remarqué par Bonaparte, qu’il avait soutenu lors du 18 brumaire, il siège au Tribunat, mais, ses convictions libérales heurtent le Premier consul, partisan du dirigisme. Quittant la politique, il devient en 1807 entrepreneur dans le Pas-de-Calais, où il fonde une filature de coton, qui emploie 400 ouvriers.
Parallèlement, Say mène à bien son œuvre théorique pour adapter à la mentalité française les idées d’Adam Smith – malgré certains désaccords. En 1803, il publie son Traité d’économie politique, qui sera réédité trois fois du vivant de l’auteur, puis, en 1815, son Catéchisme d’économie politique ou d’instruction familière. Correspondant de David Ricardo, il rédige d’importantes notes pour la traduction française des Principes de l’économie politique et de l’impôt, parue en 1819. Sous la Restauration, Say est nommé professeur au Conservatoire des arts et métiers (1821) et, en 1831, le Collège de France crée pour lui la chaire d’économie politique, qu’il occupera jusqu’à sa mort. Trois ans plus tôt a paru son Cours complet d’économie politique pratique, destiné à promouvoir le capitalisme en France.
Libéralisme et optimisme
Jean-Baptiste Say dit de l’économie qu’elle est encore « une science expérimentale ». Son originalité est de développer les fonctions qui s’attachent à la personne de l’entrepreneur, libre de prendre des risques. L’entrepreneur réunit les facteurs de production (les agents naturels comme la terre, le travail humain et le capital technique), puis il préside à la réalisation du produit en dirigeant le travail des agents salariés qui entrent dans le processus de production. Or, la production ne se limite pas à la fabrication des seuls biens matériels, dans la mesure où les services contribuent aussi à la richesse des nations.
Say est surtout célèbre pour sa « loi des débouchés », dont la formule est : « Les produits s’échangent contre des produits. » Le prix d’un produit vendu sur le marché dépend des différents coûts qui se sont ajoutés lors de sa fabrication et qui sont eux-mêmes majorés du bénéfice de l’entrepreneur – car c’est ce dernier qui a dû se procurer les matières premières, payer les salaires et financer l’achat des machines. Le processus de production donne lieu à une distribution de revenus. Les agents bénéficiaires des revenus distribués achètent alors les produits présents sur le marché. Dans cette vision « optimiste » d’une économie en développement, une crise de surproduction ne saurait s’expliquer par le fonctionnement du marché, car les entreprises sont sûres d’écouler leur production.
Tout comme Adam Smith, Say insiste sur l’importance de la production des biens réels par rapport à la détention de réserves métalliques. La monnaie n’est qu’« un voile dans les échanges », parce que, selon lui, elle n’est pas thésaurisée. Elle apparaît neutre dans ce cercle vertueux qui est orchestré par la spécialisation des tâches. Si un bien est moins demandé, et que son prix baisse, un autre bien sera davantage demandé, et son prix augmentera, attirant de nouveaux producteurs. Keynes s’inscrira en faux contre la loi des débouchés, en affirmant que tous les revenus n’ont pas vocation à être réinvestis dans le circuit économique.
L'homme de théâtre et le journaliste
Jean-Baptiste Say n’est pas seulement l’auteur des ouvrages qui firent de lui le plus grand économiste français de son époque. Il fut aussi tenté par l’écriture dramatique. Tout juste âgé de 13 ans, il écrivit sa première pièce, le Tabac narcotique, en transposant un fait divers. Il récidiva en 1789 avec la Tante et le prétendu, puis en 1790 avec une pièce, qui, cette fois, fut jouée, le Curé amoureux.
C’est surtout dans le journalisme que Jean-Baptiste Say aurait pu faire carrière. Dès les débuts de la Révolution française, il fut l’employé de Mirabeau au Courrier de Provence, puis il eut l’idée d’un journal qui aurait été l’organe d’expression des intellectuels. Ce projet ne vit pas le jour, mais Say put apporter sa contribution au débat d’idées en jouant un rôle déterminant dans une revue dont le nom était tout un programme : la Décade philosophique, littéraire et politique (1794-1807).