David Ricardo
Économiste britannique (Londres 1772-Gatcomb Park, Gloucestershire, 1823).
Autodidacte de la pensée économique au siècle du libéralisme triomphant, qui proclamait la prééminence du marché sur l’État, David Ricardo devint le chef de file de l’école classique anglaise. Sa réflexion le conduisit à formuler les lois qui régissent la répartition des revenus entre les classes sociales.
L’œuvre de pionnier
Né dans une famille d’immigrants juifs, dont le nom est d’origine portugaise, David Ricardo est le troisième de dix-sept enfants. Rompu aux rouages de la Bourse de Londres, où il travaille dès l’âge de 14 ans, il fonde en 1793 sa propre affaire d’agent de change, qui lui apporte la fortune. Il découvre alors l’économie politique. Formé à la pensée d’Adam Smith et à celle de Jean-Baptiste Say (qu’il rencontrera en 1814), il décide à son tour de publier. En 1809-1810, il rédige une série d’articles qui seront repris dans un essai consacré au prix trop élevé des lingots d’or. De la réflexion monétaire il passe à l’analyse économique et, dans l’Essai sur l’influence des bas prix du blé sur les profits du capital (1815), il procède à une attaque en règle du protectionnisme. Puis, en 1817 paraît son ouvrage fondamental (traduit en français et publié avec des notes de Say en 1819), Des principes de l’économie politique et de l’impôt, qu’il ne cessera pas de remanier. Également membre du club de réflexion fondé par Malthus, il entame en 1819 une carrière politique en occupant aux Communes le siège d’une pairie d’Irlande. Jusqu’à sa démission, l’année de sa mort, il y propagera sa profession de foi libre-échangiste.
La valeur et la répartition
Ricardo est à l'origine de la théorie de la valeur fondée sur le travail. Allant plus loin que Smith, il montre que la valeur d'un bien est fonction du « travail incorporé », qui réunit à la fois le travail direct – c'est-à-dire le temps de travail et l'habileté de l'ouvrier – et le « travail indirect » – contenu dans les machines, les outils, les bâtiments indispensables à la production.
Ricardo élabore aussi une théorie de la répartition en relation avec l'équilibre économique global. Les salaires sont déterminés par le « prix naturel » du travail, qui correspond à l'achat des biens nécessaires à la survie du travailleur : c'est le « salaire de subsistance ». Lorsque la production agricole chute, le prix des denrées alimentaires augmente. Il sera alors nécessaire d'augmenter les salaires des ouvriers de l'industrie, étant donné que ces salaires sont déterminés par la quantité de biens – notamment alimentaires – indispensables à la reproduction de la force de travail. Les profits de l'industrie étant par nature résiduels – puisqu’on retranche les coûts de production de la valeur des ventes –, toute augmentation des salaires se traduit par une diminution des profits. Cette diminution a pour conséquence le recul des investissements et du développement industriel. Ainsi apparaît l'« état stationnaire ».
Les « avantages comparatifs »
Par la loi dite « des avantages comparatifs », Ricardo montre les bienfaits du libre-échange, c'est-à-dire de la circulation des produits sans entraves douanières. Un pays a intérêt à se spécialiser dans la production des biens où il détient un avantage comparatif par rapport à ses partenaires. Grâce au commerce international, chaque pays peut disposer d'une plus grande quantité de biens. Le libre-échange apparaît comme l'un des facteurs de la croissance économique. Il peut générer une croissance de la demande par l'achat de produits étrangers à des prix inférieurs à ceux de la production domestique. Les prix modérés des biens de consommation importés entraînent une stagnation (voire une baisse) des salaires, une augmentation des profits et l'accroissement du capital. Les idées de Ricardo dominent la pensée économique jusqu’au milieu du xixe s. Elles connaîtront un regain d’intérêt au xxe s., sous l’impulsion d’économistes dits « néoricardiens ».
Le coup de pouce du destin
Dans l’Angleterre en pleine révolution industrielle, David Ricardo fut un prototype de self-made-man. Une affaire de cœur fut à l’origine de sa réussite. Il aurait pu se contenter de marcher sur les traces de son père, courtier en valeurs et marchandises, mais, à 21 ans, il s’éprit de Priscilla Ann Wilkinson, qui était quaker, et renia le judaïsme de ses pères. Désormais en rupture de ban avec sa famille, il se mit à son compte, en faisant jouer les relations qu’il avait nouées à la Bourse, et fit des placements avisés grâce aux emprunts d’État qui servaient alors à financer la guerre contre la France révolutionnaire puis napoléonienne. Rentier avant d’avoir atteint les 40 ans, il tomba par hasard sur l’ouvrage d’Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations. Sa nouvelle vocation était née. Paradoxalement, c’est d’un esprit pragmatique comme le sien qu’est issue l’œuvre la plus formelle de la pensée économique classique.