la collaboration
Politique de coopération avec l'Allemagne pratiquée par le gouvernement de Vichy et certains milieux politiques français sous l'Occupation (1940-1944), pendant la Seconde Guerre mondiale.
HISTOIRE
1. Les conséquences de l'armistice
Découlant de l'armistice du 22 juin 1940 (→ armistice de Rethondes), la politique de la collaboration est au départ librement consentie par le gouvernement de Vichy qui espère ainsi pérenniser son régime, adoucir le sort des Français et négocier sa place dans une Europe dominée par l'Allemagne nazie.
Les conditions de l'armistice sont drastiques : la « zone libre » – au sud de la ligne de démarcation qui s'étire de Bayonne à la Suisse en passant au nord de Vichy – sur laquelle le gouvernement français aura toute souveraineté est réduite aux deux cinquièmes du territoire. L'article 3 prévoit une « collaboration » des fonctionnaires français avec les autorités allemandes, mais il ne s'agit pas là cependant d'une collaboration entre les gouvernements.
Dans la « zone occupée », les Allemands mettent en place les réseaux de renseignements et de police, dont la Gestapo, et organisent la Propaganda Abteilung, le service qui relève du commandement militaire allemand à Paris (créé le 18 juillet 1940) ; tous ces instruments serviront bientôt la politique de collaboration.
À Vichy, le gouvernement est partagé entre les idées du général Weygand, pour lequel les Britanniques restent des alliés, et celles du vice-président du Conseil Pierre Laval qui, en 1940, loue la rupture des nazis avec le monde bourgeois qu'il abhorre.
La première victoire est remportée par Laval qui pousse le maréchal Pétain à rencontrer Hitler à Montoire le 24 octobre 1940. Hitler souhaite que la France participe à l'effort de guerre allemand, seule façon pour elle de ne pas supporter les frais de la guerre, qui retomberaient alors sur la Grande-Bretagne une fois vaincue. Pétain répond en évoquant la question des deux millions de prisonniers, question qu'Hitler promet habilement d'étudier, ce qui décide Pétain à lancer à la radio un appel à la collaboration de la France avec l'Allemagne.
À cette date, la Grande-Bretagne est seule dans la guerre ; l'Union soviétique a été l'alliée de l'Allemagne lors de l'invasion de la Pologne (→ pacte germano-soviétique), et la victoire de Hitler ne fait aucun doute pour les dirigeants de Vichy. Cependant, Laval, que Pétain juge trop proche des Allemands, est renvoyé le 13 décembre 1940. Aussitôt, ces derniers, par l'intermédiaire d'Otto Abetz, ambassadeur d’Allemagne à Paris, font pression sur Pétain, qui charge finalement Darlan, alors ministre des Marines marchande et militaire, de former le nouveau gouvernement.
2. La collaboration militaire de la France
François Darlan engage dès avril 1941 la France sur la voie de la collaboration militaire avec le Reich. Pour Darlan, cependant, il s'agissait d'aider le Reich à gagner la guerre, alors que, pour Laval – qui revient au pouvoir en avril 1942 – la collaboration est une fin en soi. Dès juillet 1941, est fondée à Paris la Légion des volontaires français contre le bolchevisme (LVF), dirigée notamment par Fernand de Brinon et l'ex-communiste Jacques Doriot.
3. La mise à disposition des richesses nationales
La collaboration se traduit dans les faits par :
– une exploitation intensive des richesses nationales (fourniture de produits agricoles et industriels ;
– le transfert de main-d'œuvre en Allemagne (instauration le 16 février 1943 du Service du travail obligatoire [STO] en Allemagne pour tous les hommes de 18 à 50 ans et les femmes célibataires de 21 à 35 ans) ;
– une aide militaire effective (facilités aéroportuaires et navales dans l'Empire colonial français) ;
– une collaboration des polices française et allemande (accords Bousquet-Oberg, 1942) dans la traque des Juifs (loi instituant le port de l’étoile jaune, rafle du Vél'd'hiv [16-17 juillet 1942]), des communistes et des résistants, dans laquelle la Milice créée par Joseph Darnand (janvier 1943) jouera un rôle important.
Les concessions offertes par l'Allemagne en contrepartie sont dérisoires (libération de 100 000 prisonniers de guerre, réduction en 1941 des frais d'occupation).
4. Les acteurs de la collaboration
Rejetée par l'opinion publique, la collaboration associe réalistes (misant sur la victoire allemande) et idéologues (fascinés par le national-socialisme). Ces derniers, venus souvent de la droite extrême (→ Marcel Bucard, Drieu La Rochelle, Philippe Henriot, Robert Brasillach, Lucien Rebatet) mais parfois de la gauche (→ Marcel Déat, créateur du Rassemblement national populaire ; Jacques Doriot qui dirige le parti populaire français) s'alignent sur l'Allemagne hitlérienne par pacifisme, anticommunisme, antisémitisme, espérant construire un fascisme français.
Ils défendent ces thèses par la presse (Je suis partout, La Gerbe, Au pilon) et la radio (P. Henriot, Jean Hérold-Paquis).
Malgré la défiance de Philippe Pétain, ils finissent sous la pression allemande par accéder au pouvoir à l'hiver 1943-1944 (M. Déat, P. Henriot, J. Darnand). Quelques chefs formeront en août 1944 une éphémère Commission gouvernementale française. Certains seront arrêtés, jugés et parfois exécutés à la fin de la guerre.
Dans le pays, la colère de la population s'exprime localement par des règlements de compte parfois sanglants entre résistants, authentiques ou de la dernière heure, et « collabos » réels ou supposés.
Pour en savoir plus, voir les articles épuration, Seconde Guerre mondiale.