gouvernement de Vichy
Gouvernement de l'État français, installé à Vichy (10 juillet 1940-20 août 1944) et qui, sous l'autorité du maréchal Pétain, dirigea la France pendant l'occupation allemande.
1. Après l'armistice du 22 juin 1940
La France, quelques heures après la Grande-Bretagne, se déclare en guerre avec l'Allemagne, le 3 septembre 1939, à la suite de l'invasion de la Pologne par l'armée allemande, le 1er septembre. La « drôle de guerre » se termine par le désastre de mai-juin 1940 et l'occupation allemande.
Face à la gravité de la situation, les dissensions au sein du gouvernement français replié à Bordeaux s'accentuent entre partisans et adversaires de l'armistice. Le président du Conseil, Paul Reynaud, au nombre de ces derniers, démissionne le 16 juin : le maréchal Pétain, qui le remplace aussitôt, quitte Bordeaux après l'armistice et se rend à Vichy (en zone libre) avec son gouvernement. Appuyé par Pierre Laval, il obtient de l'Assemblée nationale (à l'exception de 80 députés) les pleins pouvoirs « à l'effet de promulguer une nouvelle Constitution de l'État français », mettant ainsi fin à la IIIe République (10 juillet).
Le maréchal, qui devient chef de l'État français et s'attribue la totalité du pouvoir exécutif et législatif, ajourne les assemblées parlementaires et confie à Laval la vice-présidence du Conseil.
2. La « Révolution nationale »
Pétain – le « héros de Verdun » – bénéficie alors d'une grande popularité (qui se traduit par un véritable culte autour de sa personne), proclame l'instauration d'un « ordre nouveau » et la mise en œuvre de la « Révolution nationale », transformation radicale des institutions et des mœurs, fondée sur les notions de « travail, famille, patrie ».
Le 13 août 1940, les « sociétés secrètes » (et notamment la franc-maçonnerie) sont dissoutes, cette mesure visant les francs-maçons, très présents parmi la haute administration et le personnel politique de la IIIe république ; les centrales patronales et syndicales supprimées (novembre). Promulgué le 3 octobre, un statut discriminatoire des Juifs de nationalité française, imitant les lois raciales allemandes de 1935 (dites lois de Nuremberg), marque le début d'une persécution qui prendra une dimension tragique à partir de 1942, avec les rafles et les déportations massives.
Réactionnaire plutôt que révolutionnaire, cette doctrine de la « Révolution nationale », fortement influencée par l'idéologie de Maurras et de l'Action française, prône un retour aux valeurs traditionnelles et nationales, que le régime précédent est accusé d'avoir perdues. Ce nationalisme, cette profonde hostilité envers la République, la démocratie et le parlementarisme, ainsi qu'une conception autoritaire de l'État apparentent le régime de Vichy au fascisme.
3. Les juridictions exceptionnelles de Vichy
De fait, le gouvernement s'engage aussitôt dans une politique répressive et prend des mesures d'exception qui restreignent les libertés publiques. Le rétablissement des « délits d'opinions et d'appartenance » dans la législation et l'institution de juridictions exceptionnelles lui permettent d'éliminer les opposants : communistes, socialistes, gaullistes, francs-maçons.
La Cour suprême de justice (30 juilllet 1940) juge un certain nombre de ministres de la IIIe République (→ Daladier, Blum) et le général Gamelin jugés responsables de la défaite (→ procès de Riom, avril 1942).
La cour martiale, siégeant à Gannat (septembre 1940), condamne à mort par contumace un certain nombre d'officiers et de soldats de la France libre, dont le général de Gaulle. Surtout, la loi du 23 août 1941 crée, auprès des tribunaux militaires et des cours d'appel, des sections spéciales, « chargées de réprimer l'activité communiste ou anarchiste ». Elles prononceront, jusqu'à la Libération, de nombreuses condamnations, exécutoires immédiatement, sans pourvoi ni appel, de résistants, pour la plupart communistes. Certaines condamnations sont prononcées sur ordre des autorités occupantes ; la loi ayant effet rétroactif, sont punis de mort des accusés qui n'encouraient au jour de leur arrestation qu'une peine légère.
À partir de 1944, à la suite d'un décret chargeant Joseph Darnand d'« assurer la sécurité publique », sont institués des « cours martiales », puis des « cours criminelles extraordinaires », enfin des « tribunaux du maintien de l'ordre », organismes de répression échappant à toutes les règles de la procédure judiciaire habituelle.
4. Les instruments au service de Vichy
Pour mener la répression, le régime s'appuie sur la police, la Légion française des combattants (août 1940), le Service d'ordre légionnaire (1942) et, plus tard, sur la Milice (janvier 1943). À partir de 1941, les fonctionnaires, l'armée et la magistrature doivent prêter serment au maréchal.
La propagande vichyste privilégie les thèmes de la famille et de la jeunesse. L'État favorise l'école libre, supprime les écoles normales d'instituteurs, développe les mouvements de jeunes (création des Chantiers de la Jeunesse, juillet 1940), met en place un système corporatif contrôlé par l'État (Charte du travail, 1941) et encourage le retour à la terre.
Pour en savoir plus, voir l'article corporatisme.
4.1. Vichy et l'occupant allemand
L'action du régime, en principe souverain, est conditionnée par la présence des Allemands qui occupent les deux tiers de la France, ont annexé l'Alsace-Lorraine et contrôlent l'essentiel de l'économie. Leur ingérence dans la vie politique française ira croissant. À partir d'octobre 1940, la collaboration avec l'Allemagne, dont Laval est le principal artisan, est officialisée lors de l'entrevue de Montoire entre Pétain et Hitler. Mal acceptée par l'entourage du maréchal, dont les ministres obtiennent le renvoi de Laval en décembre, cette politique ne cessera cependant de se développer sous le ministère de Darlan, vice-président du Conseil de février 1941 à avril 1942, puis à nouveau sous celui de Laval, dont les Allemands imposent le retour comme président du Conseil (avril 1942-août 1944).
4.2. La collaboration
Après l'invasion de la zone libre (novembre 1942), les Allemands contrôlent totalement le régime, qui s'aligne désormais sur l'Allemagne. Les collaborateurs ultra (→ Joseph Darnand, Marcel Déat) accèdent au gouvernement. Les prélèvements de main-d'œuvre s'accentuent (relève des prisonniers, Service du travail obligatoire [février 1943]) ; les effectifs policiers sont renforcés (création en janvier 1943, par Darnand, de la Milice française, police supplétive de la Gestapo). Les excès de la collaboration (renforcement de la répression, pillage de l'économie française par l'Allemagne) vont discréditer définitivement le régime de Vichy.
5. La fin du régime de Vichy
Le régime de Vichy s'effondre avec la défaite allemande de l'été 1944. En août, les Allemands contraignent Laval et Pétain à gagner Belfort, puis Sigmaringen. Rejoints par Déat, Doriot et Darnand, ils cessent désormais toute activité gouvernementale, tandis qu'une Commission gouvernementale française, organisée par Fernand de Brinon, tente en vain de se substituer au gouvernement de Vichy.
L'arrivée des troupes alliées (avril-mai 1945) met fin à cette tentative. Dès août 1944, le Gouvernement provisoire de la République française, présidé par le général de Gaulle, a succédé à Paris au gouvernement de Vichy, dont la législation est supprimée en septembre.
Pour en savoir plus, voir les articles collaboration, Occupation, Seconde Guerre mondiale.