Charles Maurras
Écrivain et théoricien politique français (Martigues 1868-Saint-Symphorien 1952).
1. Du félibre provençal au monarchiste antidreyfusard
Venu à Paris, il fréquente, dans les milieux littéraires, Maurice Barrès, Anatole France, Jean Moréas. Ses conceptions philosophiques, politiques et littéraires se précisent entre 1889 et 1900. À cette époque, le jeune Maurras est un félibre provençal, proche de Frédéric Mistral : il se proclame autonomiste et fédéraliste. C'est parce qu'il a la conviction que la monarchie d'avant 1789 ménageait aux provinces et aux communes plus de libertés que les régimes ultérieurs issus de la Révolution qu'il devient royaliste en 1896. Il appelle désormais de ses vœux une « monarchie fédérale » qui restaurerait l'ancien « provincialisme ».
Parallèlement, l'influence de M. Barrès l'amène au nationalisme et à se ranger dans le camp des antidreyfusards. Il mène la lutte contre tout ce qu'il croit engendrer le désordre dans tous les domaines : l'art (il est un fervent admirateur du classicisme grec et un adversaire acharné du romantisme), la philosophie (il adopte le positivisme d'Auguste Comte), la politique : il exalte la monarchie et, pour son rôle social, l'Église catholique, et il hait ceux qu'il considère comme des agents de désagrégation de la France éternelle : les républicains, les francs-maçons, les protestants, les Juifs, les socialistes, les catholiques démocrates.
2. L'idéologue de l'Action française
C'est cette idéologie qu'il communique à la revue l'Action française, née en 1899 et d'abord républicaine. C'est alors qu'il publie son Enquête sur la monarchie (1900-1909). À partir de 1908, C. Maurras dirige avec Léon Daudet l'Action française quotidienne. Il se révèle un journaliste de grand talent en même temps qu'un polémiste violent, marqué par le nationalisme, l'antisémitisme et l'antiparlementarisme. Influencé par le scientisme de la fin du xixe siècle, il recherche les lois de fonctionnement de la société et considère la politique comme une « physique sociale ».
L'influence de Maurras est considérable dès avant 1914 dans les milieux intellectuels (la jeunesse étudiante surtout) et politiques. Le « maurrassisme » renouvelle la pensée royaliste française, imprègne largement les milieux catholiques et conservateurs et prépare les esprits à la revanche contre l'Allemagne. Avant 1914 comme durant la Première Guerre mondiale, Maurras dénonce les pacifistes (Jaurès par exemple, puis Caillaux) comme autant de défaitistes et d'agents de l'Allemagne.
En raison de sa germanophobie vigilante, son rôle politique se maintient jusqu'à la fin de la guerre. Mais il décline à la fin des années 1920 surtout lorsque le Saint-Siège, reprochant à Maurras de ne voir dans l'Église qu'un instrument de l'Ordre et non le véhicule de l'Évangile, condamne l'Action française en 1926 (Pie XII reviendra sur cette condamnation en 1939).
En 1937, le prétendant au trône désavoue à son tour Maurras, qui, pour la violence de ses écrits, a été condamné en justice à trois reprises en 1912, en 1929 et en 1936. S'il est peu favorable à Hitler et au national-socialisme en raison de son anti-germanisme, Maurras s'enthousiasme pour Mussolini, qui se reconnaît redevable envers lui au plan doctrinal, et à partir de 1936 pour Franco, tandis que ses idées inspirent au Portugal le mouvement de Salazar. L'arrivée au pouvoir de Pétain en juillet 1940 est pour lui une « divine surprise », et il est vrai que beaucoup de ses idées passent alors dans le programme de la « Révolution nationale ».
Durant l'Occupation, s'il est hostile aux ultracollaborateurs de Paris, Maurras n'en continue pas moins à écrire dans son journal contre ses ennemis de toujours (Juifs, francs-maçons, marxistes), soutenant le gouvernement de Vichy. Arrêté en septembre 1944, il est condamné le 27 janvier 1945 à la réclusion perpétuelle et à la dégradation civique. Détenu à Riom puis à Clairvaux, il est placé en avril 1952 en résidence surveillée dans une clinique de la banlieue de Tours, où il meurt.
3. Une œuvre abondante
L'œuvre de Maurras, très abondante, peut être classée en : ouvrages politiques (Enquête sur la monarchie, 1900-1909 ; l'Avenir de l'intelligence, 1905 ; le Dilemme de Marc Sangnier, 1906 ; la Politique religieuse, 1912 ; l'Action française et la religion catholique, 1913 ; le Mauvais Traité : de la victoire à Locarno, 1928 ; Nos raisons, 1933 ; Dictionnaire politique et critique, 1934 ; Mes idées politiques, 1937 ; la Seule France, 1941 ; De la colère à la justice, 1942 ; Pour un réveil français, 1943 ; l'Ordre et le Désordre, 1948 ; Au grand juge de France, 1949 ; Pascal puni, 1950) ; souvenirs (Au signe de Flore, 1931 ; les Vergers sur la mer, 1937 ; Mon jardin qui s'est souvenu, 1949 ; le Beau Jeu des reviviscences, 1952) ; ouvrages sur sa Provence natale (l'Étang de Berre, 1915 ; la Sagesse de Mistral, 1926 ; Mar et Lono, 1930 ; Quatre Nuits de Provence, 1931) ; ouvrages philosophiques et littéraires (le Chemin de Paradis, 1895 ; Anthinea, d'Athènes à Florence, 1901 ; les Amants de Venise, 1902). [Acad. fr., 1938 ; exclu en 1945.]
Pour en savoir plus, voir l'article l'Action française.