journalisme
Ensemble des activités se rapportant à la rédaction d'un journal ou à tout autre organe de presse écrite ou audiovisuelle (collecte, sélection, mise en forme de l'information) ; profession du journaliste.
HISTOIRE
La façon de concevoir et de rédiger un journal aujourd'hui s'inscrit dans des traditions d'écriture propres à chaque culture. Ainsi, la presse française a la réputation d'être plus littéraire que la presse anglo-saxonne : elle serait moins marquée par l'obligation de séparer l'information du commentaire, et priserait davantage l'art de la polémique, l'habileté de l'interprétation, le bon mot « qui tue ». Les canons du journalisme britannique s'illustrent par cette formule d'un rédacteur en chef du Manchester Guardian : « Les commentaires sont libres ; les faits, eux, sont sacrés. » Avec The Times – entreprise créée en 1785 –, la presse de Londres a développé l'archétype du journal de qualité et de référence, dont l'indépendance financière garantit la liberté d'expression.
La tradition américaine
Les journalistes américains, pour leur part, se réclament d'une tradition de liberté absolue de la presse, véritable « quatrième pouvoir ». Dès 1791, en effet, la jeune démocratie américaine a adopté, comme premier amendement à sa Constitution, une formule interdisant au Congrès de voter toute loi restreignant la liberté de parole ou de presse. Aujourd'hui, ce texte est toujours invoqué par les journalistes dits « d'investigation » et par les éditorialistes qui, ne mâchant pas leurs mots, critiquent le pouvoir exécutif ou toute autre autorité.
Aux États-Unis se développe, au xixe s., dans les villes nouvelles où arrivent des immigrés de toute l'Europe, une presse à sensation, un journalisme populaire, friand de « coups », au sein desquels des mégalomanes et des hommes d'affaires côtoient des directeurs de journaux respectés. Le quatrième pouvoir incite par exemple l'opinion à faire pression sur le président McKinley pour qu'il déclare la guerre à l'Espagne, puissance coloniale à Cuba, en 1898. Le magnat de la presse William Randolph Hearst (1863-1951) aurait tenu ces propos à un photographe qu'il envoyait dans l'île : « Vous, vous me fournissez en photos, moi, je vous fournis la guerre. » La puissance et les excès de cette presse ont été dépeints et mythifiés dans le film d'Orson Welles, Citizen Kane (1941), dont Hearst fournit le modèle.
Cette tradition d’un journalisme d'investigation « sans peur et sans reproche » se perpétue dans les décennies suivantes. De 1972 à 1974, une enquête menée par Carl Bernstein et Robert Woodward, du Washington Post, avec le soutien du directeur de la rédaction, Ben Bradlee, et de la propriétaire du journal, Katharine Graham, démontre les abus de pouvoir commis par le président en exercice, Richard Nixon, lequel finit par démissionner en août 1974. Le rôle de la presse dans le scandale du Watergate sera célébré dans le film d'Alan J. Pakula (1928 -1998), les Hommes du président, en 1976.
La tradition française
Les journalistes français célèbrent également le reportage, les faits observés de visu et in situ avant d'être analysés et commentés. Ils se réclament d'une tradition de l'observateur engagé qui remonte au Victor Hugo des Choses vues, voire aux chroniqueurs du Moyen Âge. Cette tradition du reportage à la française, conciliant la plume de l'écrivain et le professionnalisme du dénicheur d'information, s'est véritablement constituée au début du xxe s., avec Gaston Leroux (1868-1927) et Albert Londres (1884-1932). Le premier, entré comme chroniqueur judiciaire au Matin vers 1894, fait des reportages remarqués en Russie, en Chine et en Tunisie, avant de devenir auteur de romans feuilletons pour l'Illustration ; il publie ainsi Chéri-Bibi, le Fantôme de l'Opéra et créa le personnage de Rouletabille, reporter globe-trotter, héros populaire de plusieurs de ses feuilletons. Albert Londres pratique quant à lui une forme de reportage subjectif, mêlant observations et notations très personnelles, n'hésitant pas à prendre parti. Accusé d'avoir introduit au Matin « le microbe de la littérature », il affirme : « Notre métier n'est pas de faire plaisir, non plus que de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » Baptisé « prince des reporters », il connut une grande notoriété, et chaque année un prix Albert-Londres, la plus haute distinction professionnelle, est décerné à un journaliste français.
De nos jours, le journalisme d'investigation – ou d'enquête – a également ses praticiens distingués en France. En 1985, deux journalistes du Monde démontrent les insuffisances du rapport officiel – minimisant le rôle des forces françaises – dans l'affaire du Rainbow Warrior : le bateau des écologistes de Greenpeace « aurait été coulé par une troisième équipe de militaires français ». L'un de ces journalistes sera même mis sur écoutes par les services de l'Élysée. La France connaît périodiquement des affaires analogues, mais de résonance plus réduite, à celle du Watergate, déclenchées le plus souvent par l'hebdomadaire satirique le Canard enchaîné.
Tendances contemporaines
Les frais que nécessitent les enquêtes approfondies rebutent souvent les rédactions, au point que certains journalistes américains affirment qu'il serait aujourd'hui impossible à un journal de financer une enquête aussi lourde que celle du Watergate. Les médias généralistes tendent à lui préférer l'« information divertissement » (infotainment), l'« information service » ou l'« information faire-valoir ». Les journalistes des médias grand public sont pris dans la contradiction de souhaiter garder une distanciation critique et de devoir suivre la tendance privilégiant l'« info spectacle ».
Hubert Beuve-Méry, ancien directeur du Monde, affirmait : « La radio annonce l'événement, la télévision le montre, la presse l'explique. » Depuis longtemps, en effet, la fonction d'éditorialiste-commentateur est davantage prisée dans certaines rédactions de la presse écrite que celle de reporter. Les écoles de journalisme et les agences de presse luttent cependant pour que les journalistes débutants apprennent d'abord les rudiments du métier qui touchent aux procédés de collecte et de mise en forme de l'information dite « de fait brut » (hard news). Quant aux journalistes multimédias, formés depuis que les moyens audiovisuels d'information se sont banalisés et ont proliféré, ils apprennent avant tout à « faire court » : il leur faut savoir identifier et exprimer l'essentiel.
Histoire du photojournalisme
Premiers « scoops »
Les photographies documentaires de l'Anglais Roger Fenton pendant la guerre de Crimée (1854-1856), de Mathew Brady et de son équipe au cours de la guerre de Sécession (1861-1865) comptent parmi les premières tentatives d'enregistrement photographique d'événements historiques. Par la suite, grâce à un procédé de gravure manuelle, on put restituer une image approchée des photos et les reproduire en série dans des journaux : les magazines américains, notamment, firent un usage intensif de clichés spectaculaires, montrant des catastrophes naturelles ou des pays exotiques. En 1880 parut dans le New York Graphic la première reproduction d'une photographie au moyen d'une trame mécanique. La première rotative en héliogravure devint opérationnelle en Grande-Bretagne en 1890. En France, l'Excelsior – quotidien lancé en 1910 par Pierre Lafitte – s'efforça d'adapter une formule illustrée qui réussissait alors en Angleterre (Daily Mirror, 1903) et en Allemagne ; il ne parvint pas, toutefois, à atteindre une clientèle populaire. En revanche, le Petit Parisien, quotidien à grand tirage, commença à publier des photos-portraits de coureurs cyclistes à l'époque du premier Tour de France (1903).
Devenues dans la presse un passage obligé à partir des premières années du siècle – notamment dans les suppléments dominicaux –, les photographies restaient, dans une large mesure, figées et statiques. Les photographes étaient exclus des champs de bataille de la Première Guerre mondiale. Cependant, lorsque l'envoyé spécial Albert Londres rendit compte en 1914 du bombardement de la cathédrale de Reims par les Allemands, il était accompagné d'un photographe. Londres commenta ainsi son reportage : « Les photographies ne vous diront pas son état. Les photographies ne donnent pas le teint du mort. »
Au milieu des années 1920, de petits appareils portables, comme le Leica 33 mm, arrivèrent sur le marché. Dotés d'un objectif qui permettait des temps de pose très courts, ces appareils se prêtèrent ensuite à l'utilisation de films à développement rapide. À partir de 1925, le bélinographe permit la transmission des photos à distance ; le recours à ce procédé de transmission télégraphique et téléphonique – mis au point par le Français Édouard Belin (1876-1963) – donna l'occasion à Paris-Soir de réaliser un « scoop » resté célèbre : le 9 octobre 1934 le quotidien parvint à sortir une édition spéciale où figurait la photo, prise à Marseille à peine une heure plus tôt, du roi Alexandre de Yougoslavie et du ministre français des Affaires étrangères assassinés. Dès lors, le photographe put faire office de reporter, et présenter des récits imagés si éloquents que le texte en devenait presque superflu, les mots ne servant plus qu'à mettre un nom sur des personnes ou des lieux.
Essor du photojournalisme
Le photojournalisme prit son essor. En France, en 1928, Lucien Vogel lança Vu, un hebdomadaire d'information entièrement illustré de photographies. Les quotidiens eux-mêmes, tel Paris-Soir, furent bientôt conçus pour être vus autant que lus, avec une mise en pages aguicheuse. Certains des photographes européens qui s'étaient distingués dans cette nouvelle presse périodique – Erich Salomon, Alfred Eisenstaedt, André Kertész, parmi d'autres – émigrèrent aux États-Unis, où ils entrèrent à Life et à Look, magazines illustrés fondés respectivement en 1936 et en 1937. Ces titres – tout comme Picture Post en Angleterre – connurent des tirages élevés, avant de péricliter après que la télévision eut banalisé les images d'actualité. D'autres surent se moderniser : ainsi, Paris-Match, hebdomadaire fondé en 1949 par Jean Prouvost (qui avait racheté Paris-Soir en 1930), retrouva le succès sous le contrôle de Daniel Filipacchi, avec pour devise : « Le poids des mots, le choc des photos. »
Au cours des années 1930, les photos de la guerre civile espagnole prises par le Hongrois Robert Capa et le Français Henri Cartier-Bresson marquèrent les esprits. « La photo est une petite arme pour changer le monde », déclara Cartier-Bresson. Ces deux photographes novateurs fondèrent, avec d'autres, l'agence Magnum en 1947. Avec la Seconde Guerre mondiale, puis avec la guerre froide, on prit pleinement conscience du fait que le photojournalisme permettait tout à la fois d'enregistrer, de mettre en scène, de démontrer – et aussi de manipuler – l'information. En France, ce fut l'image de Pétain serrant la main de Hitler à Montoire, en octobre 1940, qui marqua les esprits, bien plus que les commentaires qui l'accompagnèrent.
Après 1945, le photojournalisme s'internationalisa encore davantage, à la mesure des conflits qu'il eut à couvrir, en Afrique, au Viêt-nam ou ailleurs. Dans les années 1960 et 1970, des agences spécialisées dans la photographie d'actualité se créèrent, à Paris essentiellement (Gamma, Sipa, Sygma). En trois ans et sept reportages chocs, Gilles Caron lança l'agence Gamma, couvrit la guerre israélo-arabe des Six-Jours (1967), immortalisa les événements de mai 1968, étonna ses confrères par sa prescience et son ubiquité… avant de disparaître au Cambodge en 1970.