architecture et patrimoine de Paris
Paris résume, à maints égards, l'histoire artistique de la France. Sa position privilégiée dans un pays centralisé de longue date fait qu'il n'est pas toujours aisé de séparer l'art parisien d'un art français auquel il a souvent donné le ton, surtout depuis le xviie siècle. Cette difficulté est particulièrement sensible en ce qui concerne la peinture et la sculpture ; aussi n'en sera-t-il ici question que dans leurs rapports avec le cadre monumental. Par ailleurs, s'agissant donc surtout ici du patrimoine architectural, il conviendra de rapporter cette présentation à l'histoire de Paris, qui offre une mise en perspective complémentaire, notamment des grands chantiers et de l'urbanisme.
1. Antiquité et Moyen Âge
L'héritage du Ier millénaire est peu important. Les thermes de Cluny et les vestiges de l'amphithéâtre sont les principaux témoins d'une ville gallo-romaine qui n'a pas l'éclat de celles du Midi. Il ne reste guère que le souvenir des grands établissements mérovingiens de la rive gauche : l'abbaye des Saints-Apôtres (Sainte-Geneviève), fondée par Clovis, celle de Sainte-Croix-et-Saint-Vincent, fondée par Childebert et consacrée en 558.
Paris est délaissé à l'époque carolingienne, abaissé par les invasions normandes. Un timide réveil marque le début de l'époque romane, comme l'atteste à Saint-Germain-des-Prés l'église rebâtie de 990 à 1014 et dont subsistent, dénaturés, la nef, le transept et le clocher occidental.
1.1. Naissance et progrès de l'art gothique
La suprématie artistique de Paris ne s'affirme qu'avec l'essor de la monarchie capétienne, sous le signe du jeune art gothique dont les expériences occupent le xiie s. et le premier tiers du xiiie s. La croisée d'ogives apparaît vers 1135 dans le chœur de l'église bénédictine de Saint-Martin-des-Champs, vers 1150 à Saint-Pierre de Montmartre, mais l'esthétique romane y règne encore.
Le triomphe du nouveau style est marqué par la construction de la cathédrale Notre-Dame, fondée en 1163 par l'évêque Maurice de Sully. Le plan comporte un transept non débordant à l'origine, des bas-côtés doubles, un double déambulatoire avec une couronne de chapelles rayonnantes. Couvert de voûtes sexpartites, le vaisseau principal offrait une ordonnance à quatre étages, dont celui des tribunes, réduite à trois étages au xiiie s. Élevée dans la première moitié du xiiie s., la façade accuse une influence normande avec son dessin en H, ses divisions nettes, son équilibre robuste. On remarque au portail de droite le remploi de morceaux plus anciens (vers 1170). Comme le précédent, les portails de gauche (1210-1220) et du centre (1220-1230) ont perdu les statues de leurs pieds-droits, mais conservé leurs bas-reliefs à thèmes encyclopédiques, leurs tympans représentant au centre le Jugement dernier, très mutilé, à gauche la Dormition et le Couronnement de la Vierge, un des chefs-d'œuvre de la sculpture gothique.
À Saint-Germain-des-Près, le chœur de l'abbatiale, reconstruit à partir de 1163, a des voûtes sexpartites et trois étages d'ouvertures ; sous le clocher-porche, un portail à statues-colonnes rappelle ceux de Saint-Denis et de Chartres. Entrepris vers 1190 comme ouvrage de l'enceinte de Philippe Auguste, le château du Louvre est de plan carré, avec des tours d'angles et un énorme donjon cylindrique au milieu de la cour.
1.2. L'art gothique à l'âge de l'élégance
À partir du milieu du xiiie s., et au cours du siècle suivant, Paris devient le foyer d'un art gothique qui évolue vers l'allégement, une certaine préciosité, parfois un luxe favorisé par l'initiative royale.
Le modèle est la Sainte-Chapelle, élevée au cœur du palais capétien par Saint Louis, de 1241 à 1248, sans doute sur les plans de Pierre de Montreuil. Il s'agit de deux chapelles superposées. Le vaisseau unique de la chapelle haute ressemble à une châsse avec son armature légère enserrant des vitraux dont les médaillons aux couleurs saturées illustrent les deux Testaments.
Si l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés a perdu la chapelle de la Vierge dont l'avait embellie Pierre de Montreuil, celle de Saint-Martin-des-Champs (aujourd'hui Conservatoire national des arts et métiers) montre encore son beau réfectoire à deux nefs, attribué à ce maître.
Notre-Dame est remaniée dans la seconde moitié du xiiie s. par Jean de Chelles, puis Pierre de Montreuil ; dans la première moitié du xive s., par Pierre de Chelles, Jean Ravy et Jean Le Bouteiller. L'adjonction de chapelles entre les contreforts imposa l'allongement du transept, qu'ajoure à chaque extrémité une immense rose. Le portail nord, où subsiste une statue de la Vierge à l'Enfant, le portail sud, consacré à l'histoire de saint Étienne qu'accompagnent des scènes de la vie universitaire, la petite « porte Rouge », les bas-reliefs ornant le chevet, enfin les hauts-reliefs de la clôture du chœur, aux sujets tirés du Nouveau Testament, illustrent l'évolution de la sculpture gothique vers une élégance de plus en plus précieuse.
Saint-Séverin et Saint-Germain-l'Auxerrois datent partiellement du milieu du xiiie s. Il faudrait aussi tenir compte des couvents démolis : Cordeliers, Grands-Augustins, Carmes (place Maubert), etc. La croissance de l'université exigea la construction de nombreux collèges ; il n'en reste guère que la chapelle du collège de Beauvais (xive s.).
1.3. Commandes et bâtiments royaux
Les bâtiments royaux témoignent de la même évolution. Le palais de la Cité (aujourd'hui Palais de justice) est amplifié sous le règne de Philippe le Bel. La Conciergerie garde ses tours, ses cuisines, ses deux superbes salles basses à nefs voûtées.
Du Louvre de Philippe Auguste, Charles V fait une résidence ornée ; mais il laisse le caractère d'une forteresse à la Bastille, élevée comme ouvrage de l'enceinte dont il entreprend en 1367 d'entourer les quartiers de la rive droite.
La tour dite « de Jean sans Peur » et l'entrée fortifiée de l'hôtel de Clisson (Archives nationales) sont les témoins de la construction privée de cette époque.
Le raffinement du style parisien est non moins sensible dans les rares témoignages d'une école de peinture liée au gothique international dans l'enluminure des manuscrits (Jean Pucelle) ; dans l'orfèvrerie (Vierge de Jeanne d'Évreux, musée du Louvre) ; enfin, dans la sculpture des ivoires, en ronde bosse ou en bas relief (Couronnement de la Vierge, Louvre).
1.4. Gothique flamboyant
Après l'éclipse provoquée par la guerre de Cent Ans, l'activité reprend, au milieu du xve s., sous la forme du gothique flamboyant, qui reste en honneur très avant dans le xvie s., souvent plus sobre qu'ailleurs.
Une élévation intérieure réduite à deux étages signale les églises construites au cours de cette période, en partie ou en totalité : Saint-Germain-l'Auxerrois, Saint-Merri, Saint-Gervais-Saint-Protais, Saint-Nicolas-des-Champs, Saint-Séverin, plus richement orné, comme Saint-Jacques-de-la-Boucherie, dont il ne reste que le clocher, dit « tour Saint-Jacques » (située sur les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle en France, la tour Saint-Jacques est inscrite à ce titre sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1998). Il faut y ajouter des édifices entièrement disparus : Saint-Jean-en-Grève, le Saint-Sépulcre, Saint-Victor.
L'architecture civile de ce temps est représentée par deux anciennes résidences de dignitaires ecclésiastiques : l'hôtel des archevêques de Sens (1474-1519) et l'hôtel des abbés de Cluny (1485-1498), où la décoration flamboyante prête son luxe à une nouvelle conception de la demeure urbaine.
2. La Renaissance
2.1. Autour du Louvre
En décidant, dès 1527, de se fixer en Île-de-France et à Paris, François Ier y introduisait le nouveau style. La Renaissance parisienne sacrifie peu au style fleuri qui prévaut dans le Val de Loire, en dehors de l'Hôtel de Ville, commencé en 1533 (et détruit en 1871) ; elle connaît d'emblée la maturité, avec un italianisme mieux compris, une inspiration plus savante.
François Ier fait d'abord bâtir et décorer par Girolamo Della Robbia, en bordure du bois de Boulogne, un château de chasse (aujourd'hui disparu) nommé Madrid en souvenir de sa captivité. En 1546, le roi charge Pierre Lescot de transformer le Louvre en résidence moderne. La façade sur cour de l'aile ouest, construite en premier, allie à l'équilibre des ordres superposés un faste que lui apporte sa décoration sculptée, œuvre de Jean Goujon et de son atelier, comme les caryatides de la grande salle basse et les caissons du grand escalier à l'italienne ; sous les successeurs de François Ier, l'aile sud est élevée sur les plans de Lescot.
À l'ouest du Louvre, à partir de 1564, Catherine de Médicis fait bâtir par Philibert Delorme, puis Jean Bullant le palais des Tuileries, de style plus sobre, mais plus grandiose. Souhaitant relier le Louvre aux Tuileries, la reine mère fit commencer la Petite Galerie, perpendiculaire à l'aile sud du Louvre, et planter les fondations de la Grande Galerie du Bord-de-l'Eau. Puis elle chargea Bullant de lui élever une nouvelle résidence, qui devait s'appeler plus tard hôtel de Soissons et dont subsiste (contre la Bourse de commerce, qui en occupe l'emplacement) une curieuse colonne astrologique.
2.2. Commandes privées, sculptures
Pour ce qui est de l'architecture privée, elle reste représentée par l'exemple presque unique de l'hôtel Carnavalet, construit vers 1545. Sa précieuse décoration sculptée est due à l'atelier de Goujon. Celui-ci a laissé son ouvrage le plus célèbre avec les bas-reliefs de la fontaine des Innocents, élevée à la même époque sur les dessins de Lescot.
Dans l'art religieux, le répertoire des formes italianisantes s'adapte sans peine aux structures du gothique flamboyant. Ce compromis est illustré avec éclat par la grande église Saint-Eustache, commencée en 1532 sur un plan inspiré de Notre-Dame. Le jubé hardi et léger de Saint-Étienne-du-Mont et le portail latéral de Saint-Nicolas-des-Champs sont les témoins d'un style plus avancé, comme l'était aussi le beau cloître des Célestins. La sculpture religieuse est l'un des titres de gloire de la Renaissance parisienne. Pierre Lescot et Jean Goujon avaient collaboré au jubé de Saint-Germain-l'Auxerrois, dont le musée du Louvre conserve les bas-reliefs. Germain Pilon est le grand nom de la sculpture funéraire, grâce à la statue de bronze du cardinal de Birague et au monument du cœur d'Henri II (1561), provenant du couvent des Célestins (Louvre). Enfin, Saint-Gervais, Saint-Germain-l'Auxerrois, Saint-Étienne-du-Mont conservent des vitraux éclatants de la même période.
3. De l'avènement d'Henri IV à la mort de Mazarin
3.1. Urbanisme
Après les désordres des guerres de Religion, le règne d'Henri IV offre le spectacle d'une vive activité. Les travaux de l'Hôtel de Ville et du Pont-Neuf sont menés à terme. Le roi, grand bâtisseur, apporte ses soins au Louvre (construction de la Grande Galerie) et aux Tuileries. L'accroissement des palais royaux continue l'œuvre de la Renaissance ; d'autres grands chantiers ouverts par Henri IV commencent à modeler le Paris moderne. En 1607 est entrepris le vaste quadrilatère de l'hôpital Saint-Louis.
Des opérations d'urbanisme apportent un ordre qu'ignorait la topographie confuse de la ville médiévale. On leur doit principalement les deux ensembles réguliers de la place Dauphine, triangle s'ouvrant à la pointe de la Cité sur le Pont-Neuf, et de la place Royale (aujourd'hui place des Vosges), l'une et l'autre bordées d'habitations uniformes. La seconde, la mieux conservée, dessine un grand carré avec une galerie régnant au bas de ses pavillons aux toits discontinus. Elle est terminée au début du règne de Louis XIII et reçoit en son centre la statue équestre de ce roi (remplacée au xixe s.). Le succès de la place Royale devait profiter au Marais. Ces ensembles consacraient la vogue de la construction en brique et pierre, adoptée aussi au palais abbatial de Saint-Germain-des-Prés.
3.2. Les fastes de la Régence
Devenue régente, Marie de Médicis fait établir par Salomon de Brosse (vers 1571-1626) les plans de son palais dit « du Luxembourg », dont la cour rectangulaire est fermée sur le devant par une aile basse au milieu de laquelle un pavillon à dôme abrite l'entrée. Pour l'une des galeries latérales, Rubens peint, à partir de 1622, la suite fameuse des tableaux célébrant la vie de Marie de Médicis (aujourd'hui au Louvre).
Pour Louis XIII, Jacques Lemercier entreprend en 1624 le quadruplement de l'ancienne cour Carrée du Louvre. Au nord et dans l'alignement de l'aile François-Ier, il élève une aile d'ordonnance analogue et, pour les relier l'une à l'autre, le pavillon dit « de l'Horloge ». À peu de distance du Louvre, le même architecte édifie pour Richelieu, de 1633 à 1639, le vaste édifice appelé alors Palais-Cardinal (plus tard Palais-Royal). Il n'en reste, dans les bâtiments actuels, que la galerie dite « des Proues ». Philippe de Champaigne, peintre officiel de la Cour, travaille à la décoration intérieure.
3.3. La grande époque des hôtels particuliers
Cette époque connaît un grand essor de la construction privée. L'hôtel parisien a généralement son corps principal entre cour et jardin, la cour étant fermée sur les côtés par des ailes, sur le devant par un mur plus bas au milieu duquel s'ouvre le portail. Les pièces sont encore mal différenciées, à l'exception des galeries, dont la vogue est grande ; mais leurs lambris, leurs plafonds peints, sculptés et dorés composent souvent un décor somptueux.
Beaucoup d'hôtels sont élevés dans le voisinage du Louvre et du Palais-Royal. S'il ne reste rien des hôtels de Rambouillet, de Chevreuse, rien de l'hôtel de Bullion, où Simon Vouet s'était mesuré avec Jacques Blanchard, l'hôtel de Chevry (dit aussi Tubeuf), élevé en 1633 par Pierre Le Muet, subsiste avec l'aile que Mazarin fait ajouter en 1645 par François Mansart et qui contient deux galeries superposées, peintes par Giovan Francesco Grimaldi et Gian Francesco Romanelli.
Mais deux quartiers restent particulièrement riches en demeures de cette époque : le Marais et l'île Saint-Louis. Dans le Marais, il faut citer : l'hôtel de Sully, élevé à partir de 1624 par Jean Ier Androuet Du Cerceau (1585-1649), avec une opulente décoration de bas-reliefs ; l'hôtel d'Avaux (1640), œuvre de Pierre Le Muet ; l'hôtel Carnavalet, tel que le remanie vers 1655 F. Mansart, qui bâtit en même temps l'hôtel de Guénégaud et achève l'hôtel d'Aumont, commencé par Le Vau ; l'hôtel Aubert de Fontenay (1656), au magnifique escalier ; l'hôtel Amelot de Bisseuil (vers 1657) dont la galerie est peinte par Michel II ou Jean-Baptiste Corneille. Œuvre d'Antoine Lepautre, l'hôtel de Beauvais (1655) fait exception par son corps de logis sur rue et la forme mouvementée de sa cour. Dans l'île Saint-Louis, aménagée par l'entrepreneur Jean-Christophe Marie à partir de 1614, on déplore la disparition de l'hôtel de Bretonvilliers, dont la galerie était peinte par Sébastien Bourdon ; mais deux hôtels bâtis par Le Vau à partir de 1640 sont à remarquer : l'hôtel Lambert, de plan original, avec son jardin en terrasse le long de la galerie où des stucs de Gerard Van Obstal accompagnent les peintures de Le Brun et de Le Sueur ; l'hôtel de Lauzun, avec ses somptueux lambris dorés et polychromes.
3.4. Monuments de piété
L'art de cette époque traduit aussi un grand élan religieux. Il y a beaucoup de fondations d'églises, de couvents, d'hôpitaux. L'architecture hésite entre la grandeur du baroque romain, l'opulence du style flamand et une sévérité plus particulièrement française. Saint-Étienne-du-Mont s'achève entre 1610 et 1626 par une façade mouvementée et pittoresque, tandis que celle de Saint-Gervais-Saint Protais, élevée de 1616 à 1621, superpose les trois ordres dans un esprit de pureté classique. On retrouve le même parti, sous une ornementation plus généreuse, à la façade des Jésuites (aujourd'hui Saint-Paul-Saint-Louis). L'austérité, par contre, caractérise Sainte-Élisabeth, Notre-Dame-des-Victoires, Saint-Jacques-du-Haut-Pas, Saint-Nicolas-du-Chardonnet, églises commencées à cette époque. Jacques Lemercier, auteur des plans de l'Oratoire et de Saint-Roch, reconstruit pour Richelieu l'église de la Sorbonne (1635), dont la coupole est habilement intégrée au dessin de la façade et qui abrite depuis 1694 le tombeau du cardinal par François Girardon.
Promoteur du style classique, François Mansart dessine en 1632 le beau volume arrondi de la Visitation (temple Sainte-Marie), au Marais. Il commence en 1645 l'église du vaste monastère du Val-de-Grâce, fondation d'Anne d'Autriche : avec plus d'élancement et plus d'opulence à la fois, c'est un nouvel exemple d'intégration de la coupole à la façade. Divers architectes collaboreront à Saint-Sulpice, construite à partir de 1646 dans un genre sobre et grandiose. Enfin, Antoine Lepautre élève en 1648 le monastère parisien de Port-Royal.
Dans ces églises, la sculpture, surtout funéraire, tient – ou tenait – une place non négligeable. Plus importante est cependant celle de la peinture, grâce à d'innombrables tableaux d'autels, panneaux de lambris, décorations murales, souvent dispersés ou perdus depuis la Révolution et qui ont pour auteurs Claude Vignon, Simon Vouet, Philippe de Champaigne, Laurent de La Hire, Eustache Le Sueur, Le Nain, Charles Le Brun, etc. Il faut ajouter d'autres aspects des arts de la couleur : vitraux à Saint-Eustache et à Saint-Étienne-du-Mont, tapisseries tissées par les ateliers parisiens pour Notre-Dame et pour Saint-Gervais.
4. Paris sous le règne personnel de Louis XIV
4.1. Palais royaux et grands monuments civils
Malgré la prédilection du roi pour Versailles, Paris doit à son initiative, et à celle des serviteurs de la monarchie, un ensemble monumental qu'inspire le sens de la grandeur. Un nouveau Louvre prend forme. De 1645 à 1664, Le Vau achève le quadruplement de la cour Carrée. Divers projets et controverses pour la façade extérieure est aboutissent à la colonnade de Perrault. Incendiée en 1661, la Petite Galerie est refaite par Le Vau ; elle devient la galerie d'Apollon, au plafond peint sous la direction de Charles Le Brun. Mais le Louvre perdra bientôt sa fonction de résidence royale.
Le palais des Tuileries est remanié en 1664 par Le Vau, en harmonie avec son jardin refait par André Le Nôtre. En exécution du testament de Mazarin, Le Vau élève face au Louvre, à partir de 1663, le collège des Quatre-Nations (aujourd'hui Institut de France), avec ses deux pavillons à ordre colossal, ses deux ailes incurvées, sa chapelle centrale à coupole où prend place le tombeau du cardinal, sculpté par Antoine Coysevox et Jean-Baptiste Tubi.
La gloire du règne s'exprime aussi dans de grandes entreprises publiques. L'Observatoire est commencé en 1668 sur les dessins de Claude Perrault. Le Vau et Le Muet collaborent à l'hôpital de la Salpêtrière, dont Libéral Bruant élève en 1670 la chapelle en croix grecque. Au même architecte, on doit les plans – rappelant l'Escorial par la disposition des cours – de l'hôtel royal des Invalides, bâti de 1671 à 1676 dans un genre sévère et grandiose.
4.2. Urbanisme
Des opérations d'urbanisme fixent le nouveau visage de la capitale. Face aux Tuileries, Le Nôtre trace la promenade des Champs-Élysées. Les remparts de la rive droite font place à des boulevards plantés d'arbres ; deux des anciennes portes sont reconstruites en forme d'arc de triomphe : la porte Saint-Denis (1672) par François Blondel, la porte Saint-Martin (1674) par Pierre Bullet.
Servant de cadre à des effigies de Louis XIV, deux nouvelles « places royales » sont dessinées par Jules Hardoin-Mansart, qui, dans l'un et l'autre cas, surmonte d'un ordre colossal un soubassement à arcades pleines : la place des Victoires, circulaire, commencée en 1685 pour recevoir une statue en pied due à Martin Desjardins (de son vrai nom Martin Van den Bogaert) ; mieux conservée, la place Louis-le-Grand, ou Vendôme, grand carré à pans coupés, au centre duquel la statue équestre de François Girardon (1628-1715) est inaugurée en 1699.
À l'œuvre des architectes et des sculpteurs, il faut ajouter la production des manufactures royales des Gobelins et de la Savonnerie : tapis, tapisseries, meubles, etc.
4.3. La fin du règne
Au cours de cette période, la construction privée marque une pause, et les églises commencées alors (Saint-Louis-en-l'Île, par Le Vau, en 1664, Saint-Thomas-d'Aquin, par Bullet, en 1682) sont moins nombreuses que celles dont les travaux se poursuivent ou qui reçoivent des embellissements (Pierre Mignard, ainsi, peint sa fameuse « gloire » à la coupole du Val-de-Grâce).
C'est cependant à l'art sacré que Louis XIV consacrera, dans Paris, les deux grandes entreprises de la fin de son règne. J. H.-Mansart complète l'hôtel des Invalides par la construction (1680-1706) d'une seconde église, à coupole centrale (le dôme), où s'exprime tout le génie du classicisme français. Charles de La Fosse et Jouvenet sont les auteurs principaux de sa décoration peinte, terminée sous le règne de Louis XV. De 1708 à 1725, en accomplissement d'un vœu de Louis XIII, le roi fait transformer le chœur de Notre-Dame sous la direction de Robert de Cotte, de cet ensemble, il reste surtout des boiseries magnifiquement sculptées.
5. L'âge de la rocaille
Après l'embellissement intérieur apporté au Palais-Royal par le Régent, avec le concours du peintre Antoine Coypel, cette période voit l'arrêt des entreprises de la monarchie. Elle n'est pas beaucoup plus fertile en créations de l'art religieux. Le chantier principal reste celui de Saint-Sulpice : Gilles-Marie Oppenordt élève le transept et la nef, Juste Aurèle Meissonnier donne pour la façade un projet de goût rococo, auquel sera préféré, en 1733, celui de Giovanni Niccolo Servandoni, d'esprit classique.
5.1. Un nouvel art de vivre
C'est sur l'habitation privée, reflet d'un nouveau genre de vie, que se porte principalement l'activité des architectes et de leurs auxiliaires. L'hôtel parisien tend à se réduire au corps de logis, qui reste placé de préférence entre cour et jardin ; les ailes s'abaissent des deux côtés de la cour, formant souvent un fer à cheval avec le mur où s'ouvre le portail. L'architecture extérieure garde généralement une réserve classique ; c'est à l'intérieur que les innovations se multiplient, remplaçant la solennité du siècle précédent par la commodité, le confort, l'élégance. Les appartements reçoivent des lambris sculptés, peints et dorés avec la fantaisie aimable de la rocaille. La peinture déserte les plafonds au profit des dessus de portes. Témoin d'un nouvel art de vivre, ce décor serait incomplet sans ce que lui apportent, grâce à leur habileté et leur goût, les maîtres des ateliers parisiens : menuisiers, ébénistes, ciseleurs, orfèvres…
Déjà un peu délaissé, le Marais accueille cependant l'ensemble (aujourd'hui occupé par les Archives nationales) que constituent les hôtels de Soubise et de Rohan, élevés à partir de 1705 par Pierre Alexis Delamair dans un style majestueux et ornés extérieurement par le sculpteur Robert Le Lorrain, qui, vers 1735, se surpasse avec le bas-relief des Chevaux d'Apollon. Pour le prince et la princesse de Soubise, Germain Boffrand aménage de 1732 à 1740 de nouveaux appartements, chef-d'œuvre du décor rocaille auquel concourent les meilleurs sculpteurs et peintres du temps.
5.2. De nouveaux horizons
L'activité s'exerce davantage dans les quartiers neufs. De belles demeures apparaissent au faubourg Saint-Honoré, notamment l'hôtel d'Évreux (aujourd'hui palais de l'Élysée). Mais l'ensemble le plus étendu et le plus homogène est celui du faubourg Saint-Germain, pour lequel on ne peut donner que quelques repères. Dès la fin du règne de Louis XIV, Pierre Cailleteau, dit Lassurance (?-1724), y élève l'hôtel de Rothelin ; Boffrand, les hôtels Amelot de Gournay et de Beauharnais ; de Cotte, l'hôtel d'Estrées.
Au début du règne de Louis XV, la vogue du faubourg grandit, avec la construction, au bord de la Seine, des hôtels jumeaux de Bourbon et de Lassay, par Lorenzo Giardini (?-avant 1724) puis par Lassurance fils (Jean Cailleteau vers 1690-1755), Jean Aubert et Jacques V Gabriel. Ces deux derniers architectes collaborent de 1728 à 1731 à l'hôtel Pevrenc de Moras, ou de Biron (aujourd'hui musée Rodin), où l'esprit de la rocaille, par exception, marque aussi l'extérieur.
La fontaine des Quatre-Saisons, rue de Grenelle, édifiée et décorée de 1739 à 1746 par Edme Bouchardon, est, en revanche, un manifeste du goût classique le plus pur.
6. Le renouveau classique au xviiie s.
Tandis que dépérit le style rocaille, on assiste peu après 1750 à un réveil du sens de la grandeur, accompagnant un renouveau des entreprises royales.
6.1. Aménagements de la ville
L'urbanisme parisien se donne un titre de gloire avec la création d'une cinquième place royale, la place Louis XV, sur la Seine, entre Tuileries et Champs-Élysées (aujourd'hui place de la Concorde). Jacques-Ange Gabriel en fait approuver le projet définitif en 1755. Sur le côté nord, seul bâti, deux palais, séparés par la perspective de la rue Royale, allient la majesté à l'élégance, non sans rappeler la colonnade du Louvre ou les ordonnances de J. Hardouin-Mansart. Des fossés isolaient le terre-plein, dont les angles sont marqués par huit petits pavillons et au centre duquel fut inaugurée en 1763 la statue équestre de Louis XV, fondue en bronze d'après le modèle de Bouchardon et abattue, comme d'autres, à la Révolution.
Gabriel donne aussi les plans de l'École militaire, dont les études et travaux dureront de 1751 à 1773. Le pavillon central à dôme quadrangulaire et les portiques superposés du côté de la cour ont une noblesse exempte de sévérité.
6.2. L'amorce néoclassique
Une tendance analogue apparaît dans l'œuvre de Pierre Contant d'Ivry : chapelle de Panthémont, au faubourg Saint-Germain, élevée en rotonde de 1747 à 1756 ; projet pour l'église de la Madeleine, dont les travaux débutent en 1764 ; reconstruction du Palais-Royal de 1764 à 1770. En élevant à partir de 1756 la nouvelle église Sainte-Geneviève (aujourd'hui le Panthéon), avec sa coupole centrale, ses colonnes portantes, son frontispice en forme de temple, Germain Soufflot se propose d'allier la légèreté gothique à la noblesse grecque.
Dans les dernières années du règne de Louis XV, et plus encore sous celui de Louis XVI, le mouvement du retour à l'antique se précise. Jean Chalgrin élève à partir de 1774 l'église Saint-Philippe-du-Roule, nouvelle par sa voûte en berceau sur colonnes portantes. À la Halle au blé (aujourd'hui remplacée par la Bourse de commerce), Jacques Guillaume Legrand (1743-1808) et Jacques Molinos (1743-1831) adoptent en 1765 un plan circulaire avec une coupole vitrée. Jacques Denis Antoine donne une majesté romaine à l'hôtel de la Monnaie ; après l'incendie de 1776, il reconstruit avec Pierre Desmaisons (1724-1800) la cour du Mai, qui sert d'accès au Palais de justice. Dans la cour de l'École de médecine, élevée par Jacques Gondouin à partir de 1769, une colonnade ionique forme galerie.
Sur l'initiative du duc d'Orléans, le Palais-Royal fait l'objet d'une opération immobilière : de 1781 à 1784, Victor Louis encadre le jardin de bâtiments uniformes, à galerie ouverte et ordonnance colossale de pilastres. Parmi les nouveaux théâtres, on remarque surtout celui de l'Odéon, construit à partir de 1779 par Charles de Wailly et Marie-Joseph Peyre. L'ingénieur Jean Rodolphe Perronet lance en 1787 le pont Louis XVI (aujourd'hui de la Concorde). Traitées en style néo-grec par Claude Nicolas Ledoux, les nombreuses portes de l'enceinte des Fermiers-Généraux deviennent les « propylées de Paris » ; avec les rotondes de La Villette et du parc Monceau, il reste de ces portes les pavillons des barrières d'Enfer (place Denfert-Rochereau) et du Trône (place de la Nation).
6.3. Théâtre, luxe et confort
La fièvre s'empare de la construction privée. Dans le faubourg Saint-Germain, le prince de Condé agrandit le palais Bourbon, dont la cour s'ouvre sur une place régulière. On peut citer, parmi tant d'autres : l'hôtel de Fleury, élevé par Antoine (devenu École nationale des ponts et chaussées) ; l'hôtel du prince de Salm, par Rousseau (aujourd'hui palais de la Légion d'honneur), avec son hémicycle et sa colonnade ionique ; l'hôtel de Bourbon-Condé, par Alexandre Théodore Brongniart.
Favorisée par la mode et par le rôle des gens de théâtre, l'urbanisation de la zone située au nord des Grands Boulevards procure un terrain d'expérience à l'architecture d'avant-garde. Il ne reste presque rien des habitations construites là, dans le goût antique, par François Joseph Bélanger et surtout par Ledoux.
En décoration intérieure, menuisiers et ébénistes accordent leur production au dessin plus architectural des boiseries. On note un retour aux plafonds peints. Pendant ce temps, les fabriques de porcelaine se multiplient dans Paris (→ faïences et porcelaines de Paris). Mais on voit aussi le style anglais et paysager s'emparer des jardins, comme en témoignent celui de la folie Monceau (aujourd'hui parc Monceau), dessiné dès 1778 par Carmontelle pour le duc de Chartres, et celui qui entoure le pavillon de Bagatelle, élevé en 1777 par Bélanger pour le comte d'Artois.
7. Néoclassicisme et romantisme dans la première moitié du xixe s.
Après les destructions révolutionnaires, l'Empire, par ses grands travaux, renoue la tradition monumentale de l'Ancien Régime, dans un style qui continue, avec plus de froideur, celui du règne de Louis XVI.
7.1. Le visage de l'Empire
Un rôle primordial revient aux architectes Pierre Fontaine et Percier, interprètes habiles des desseins de Napoléon. À partir de 1806, ils ouvrent la perspective grandiose de la rue de Rivoli. Ils remanient le Louvre pour l'installation du Muséum et, avec la construction d'une aile raccordée en équerre aux Tuileries, amorcent la liaison des deux palais par le nord. Pour masquer leur désaxement, ils élèvent en 1806 le charmant arc de triomphe du Carrousel.
Un autre arc de triomphe, celui de l'Étoile, de dimensions colossales, est commencé en 1806 par Jean Chalgrin au bout de la perspective des Champs-Élysées : il sera achevé en 1836, avec ses hauts-reliefs parmi lesquels ce Départ des volontaires de 1792 que François Rude animera d'un souffle romantique.
L'Empire a élevé d'autres monuments à la gloire de ses armées : la fontaine du Châtelet, la colonne de la place Vendôme, inspirée de la colonne Trajane. Au palais Bourbon, où s'installe le Corps législatif, Bernard Poyet (1742-1824) ajoute en 1803 une façade dodécastyle corinthienne. Pierre Alexandre Vignon utilise les fondations de la Madeleine pour élever, à partir de 1806, face à l'édifice précédent, un temple de la Gloire, qui sera achevé en 1842, à titre d'église, avec un décor sculpté d'inspiration typiquement néoclassique. C'est aussi la forme d'un temple à colonnes colossales que Brongniart donne à la Bourse, commencée en 1808.
7.2. Traces d'histoires
Tout en continuant les travaux de l'Empire, la Restauration refait les statues royales abattues par la Révolution. On assiste à plusieurs opérations immobilières, mais la soumission au dogme néoclassique est illustrée surtout par l'architecture religieuse. Outre la Chapelle expiatoire, commencée par Pierre Fontaine en 1816, des églises de type basilical sont édifiées, telles Notre-Dame-de-Lorette par Hippolyte Lebas (1782-1867) et Saint-Vincent-de-Paul par Jean-Baptiste Lepère (1761-1844) puis Jacques Ignace Hittorff.
La monarchie de Juillet donne à Paris des édifices publics où le style néoclassique se colore déjà d'un certain éclectisme. La place de la Concorde est transformée de 1836 à 1846, accueillant un obélisque du pharaon Ramsès II provenant de Louqsor en Égypte, des fontaines dues à Hittorff, des statues de villes de France. La colonne de Juillet, œuvre de Jean Antoine Alavoine (1776-1834), est érigée en 1840 sur la place de la Bastille. Pierre-Jean David d'Angers sculpte le fronton du Panthéon, ancienne église Sainte-Geneviève. Dessiné par l'architecte Louis Joachim Visconti, le tombeau de Napoléon prend place aux Invalides.
On agrandit dans leur style original l'Hôtel de Ville ainsi que le Luxembourg, où le peintre Eugène Delacroix revient, comme au palais Bourbon et à Saint-Sulpice, à la grande tradition décorative. La peinture monumentale est pratiquée dans le même esprit par Théodore Chassériau à Saint-Merri, Saint-Roch, Saint-Philippe-du-Roule et à la Cour des comptes (détruite par la Commune).
Cependant, le romantisme favorise la réhabilitation de l'art gothique, pastiché par François Chrétien Gau à Sainte-Clotilde ; des travaux de restauration sont entrepris à Notre-Dame par Eugène Viollet-le-Duc.
8. Seconde moitié du xixe siècle : un triomphe de l'éclectisme
Dans la seconde moitié du xixe s., l'architecture, techniquement novatrice, trahit son impuissance à se trouver un style en exploitant ceux du passé. Il reste que le visage actuel de Paris doit beaucoup à cette période. Le second Empire donne le signal d'une activité particulièrement intense. À partir de 1852, Napoléon III fait achever par Louis Joachim Visconti, puis Hector Lefuel la liaison projetée depuis si longtemps entre le Louvre, agrandi et restauré dans un style pompeux, et les Tuileries (celles-ci incendiées en 1871, puis démolies).
8.1. Sous Haussmann
Plus importante encore est la modernisation de la capitale, œuvre du préfet Haussmann (→ histoire de Paris). Entreprise à des fins de maintien de l'ordre autant que de prestige, elle s'inspire des grandes perspectives classiques – non sans provoquer des destructions, surtout dans l'île de la Cité. Les habitations privées s'élèvent en grand nombre, parfois somptueuses, notamment dans la plaine Monceau et aux Champs-Élysées. Les édifices publics sont le plus souvent conçus pour clore des perspectives.
La Renaissance inspire plusieurs églises : Saint-Augustin, de Victor Baltard ; la Trinité, de Théodore Ballu. Dans la Cité transformée, Joseph Louis Duc (1802-1879) reste néoclassique au Palais de justice, Antoine Nicolas Bailly (1810-1892) pastiche la Renaissance au tribunal du commerce. Mais l'édifice le plus représentatif est le nouvel Opéra, construit de 1862 à 1875 sur les plans de Charles Garnier ; son rôle mondain doit être souligné.
8.2. Techniques et construction : une révolution
Le second Empire voit aussi l'essor de la construction en fer (souvent encore dissimulée par un vêtement de pierre) : bibliothèques de Henri Labrouste, Halles de Baltard (aujourd'hui détruites), gare du Nord de Hittorff. L'architecture métallique prouvera sa maturité avec la tour Eiffel et l'éphémère galerie des Machines, construites pour l'Exposition universelle de 1889.
On doit d'autre part au second Empire l'aménagement en style paysager du parc des Buttes-Chaumont, des bois de Boulogne et de Vincennes.
8.3. Après la Commune
L'œuvre de la IIIe République fait face aux destructions occasionnées lors de la Commune (mars-mai 1871) : les reconstructions (Hôtel de Ville) et restaurations (colonne Vendôme) se succèdent, avec parfois de longues périodes de ruine (Tuileries), voire des destructions définitives (Cour des Comptes). .
Mais l'éclectisme poursuit sa carrière. Après la fontaine Saint-Michel, Gabriel Davioud élève celle de l'Observatoire, avec le concours des sculpteurs Jean-Baptiste Carpeaux et Emmanuel Frémiet, ainsi que le palais du Trocadéro (1878). Paul Abadie commence en 1876 la basilique néo-byzantine du Sacré-Cœur. À tout cela s'ajoute une foule de bâtiments à tous usages : hôtels et immeubles de rapport, grands magasins, banques, théâtres, gares…
Les peintres s'adonnent encore nombreux à la décoration monumentale. Puvis de Chavannes trouvant seul un style personnel (au Panthéon, à la nouvelle Sorbonne). Le Triomphe de la République, groupe de Jules Dalou érigé place de la Nation, le monument aux morts sculpté par Paul Albert Bartholomé au cimetière du Père-Lachaise échappent aussi à la médiocrité.
9. Les expériences du xxe s.
9.1. De la Belle Époque aux Années Folles
On peut distinguer quatre phases dans la période contemporaine. La première s'étend à peu près de la naissance du siècle à 1914. L'Art nouveau, ou « modern style », en est l'épisode essentiel, à côté des survivances de l'éclectisme. Il est assez rare que le mouvement soit suivi sans réserves par les architectes, comme l'a fait un Hector Guimard, auteur d'une synagogue rue Pavée, des portiques d'entrée du métro (à partir de 1900), d'immeubles aux structures souples et aux ornements imprévus (Castel Béranger, 1898) – dépassés peut-être sur ce dernier point par ceux de Jules-Aimé Lavirotte (29 avenue Rapp, 1901).
Plus souvent, le « modern style » exerce son influence, parmi d'autres, sur l'architecture et son décor. L'Exposition universelle de 1900 donne le ton ; il en reste le Grand Palais, habillage pompeux d'une structure métallique, le Petit Palais, qui lui fait face, et le pont Alexandre III, aux sculptures exubérantes.
La deuxième phase, comprise entre les deux guerres mondiales, amène le règne du béton armé, expérimenté dès 1894 par Anatole de Baudot à Saint-Jean-l'Évangéliste. Cette technique commence à utiliser un langage architectural qui lui est propre, sans se soustraire totalement à l'emprise des styles traditionnels : ainsi dans l'œuvre d'Auguste Perret, dont le théâtre des Champs-Élysées (1911-1913) a la valeur d'un manifeste. De l'exposition de 1937, il reste surtout la reconstruction du palais de Chaillot (ancien Trocadéro), que de nombreux peintres décorent intérieurement.
9.2. Un visage contemporain
La troisième phase est celle que vit Paris depuis 1950 environ. La construction a totalement répudié le répertoire du passé et s'engage sur la voie du verticalisme. Parmi les créations les plus typiques figurent le palais de l'Unesco, les immeubles-tours du Front de Seine, dans le XVe arrondissement (logements), l'hétéroclite ensemble Maine-Montparnasse (bureaux et logements) et, hors des limites traditionnelles de la capitale, l'ensemble de la Défense (bureaux).
À partir des années 1970-1980, l'architecture se caractérise par une offensive de la construction publique. Amorcée par les présidents Pompidou et Valéry Giscard d'Estaing (Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou, par Richard Rogers et Renzo Piano), poursuivie par François Mitterrand, la politique des grands travaux ouvre une voie triomphale à une pléiade d'architectes internationaux : Cité des sciences et de l'industrie (Adrien Fainsilber), Cité de la musique (Christian de Portzamparc) et parc de la Villette (Bernard Tschumi), Institut du monde arabe (Jean Nouvel), Grande Arche de la Défense (Otto von Spreckelsen), Opéra de la Bastille (Carlos Ott), nouveau ministère des Finances de Bercy (Paul Chemetov et Huidobro), aménagement du Grand Louvre (Ieoh Ming Pei), Bibliothèque nationale de France (Dominique Perrault)…
LES MUSÉES DE PARIS
Paris est l'une des villes de musées les plus riches et les plus diverses au monde, si ce n'est la première.
Symbole de cette richesse, les trois grands musées nationaux que sont :
– le Louvre, consacré aux arts, des antiquités orientales et égyptiennes jusqu'au milieu du xixe s.,
– le musée d'Orsay, où est présenté l'art européen de 1848 à 1914),
– le Musée national d'art moderne (au Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou) dont les collections couvrent le siècle allant de 1914 à nos jours.
Parmi les autres musées d'art nationaux, on citera notamment
le musée de l'Orangerie (collection Jean Walter - Paul Guillaume), qui dépend du musée d'Orsay,
le musée national du Moyen Âge-Thermes de Cluny,
le musée des Arts asiatiques-Guimet (dont dépend le le musée d'Ennery),
ainsi que des lieux voués à des expositions (musée du Luxembourg, Galeries nationales du Grand Palais).
Il convient de mentionner aussi le musée du quai Branly (ou musée des Arts et civilisations d'Afrique, Asie, d'Océanie et des Amériques et la Cité nationale de l'histoire de l'immigration (ouverte en 2007 dans le Palais de la Porte Dorée, ancien musée des Arts africains et océaniens)..
Un très important musée se trouve au cœur de l’ancienne Bibliothèque Nationale, rue de Richelieu, le Cabinet des Médailles, où est réunie une grande partie des collections de monnaies antiques, de bijoux, de pierres gravées, de sculptures et de céramiques antiques rassemblées par les rois de France depuis le Moyen Âge.
D'autres musées nationaux sont consacrés à l'œuvre d'un artiste : musées Eugène-Delacroix, Hébert, Henner, Gustave-Moreau, Rodin, Picasso.
Appartenant à la ville de Paris, le musée d'Art moderne (dans le palais de Tokyo), les musées Carnavalet (consacré à l'histoire de la capitale), Cernuschi (collections asiatiques), du Petit Palais, de la Mode et du Costume, Cognacq-Jay (collections du xviiie s.), Antoine-Bourdelle, Zadkine, ainsi que le musée de la Vie romantique-Maison Renan-Scheffer.
L'Union centrale des arts décoratifs gère le musée des Arts décoratifs, installé dans l'aile du pavillon de Marsan, au Louvre, de même que les musées de la Publicité et Nissim-de-Camondo.
Les musées Jacquemart-André et Marmottan (miniatures médiévales ; mobilier et arts décoratifs du Ier Empire ; peintures impressionnistes) dépendent de l'Institut de France.
Paris compte également de grands musées scientifiques nationaux : le Muséum national d'histoire naturelle dont dépendent le musée de l'Homme (rénovation en 2015) et la Galerie de l'Évolution (rénovée en 1994), le palais de la Découverte, le musée national des Techniques, au Conservatoire des Arts et Métiers, la Cité des sciences et de l'industrie, le musée de la Musique, dans la Cité de la musique.
Il existe encore bien d'autres musées, consacrés à tel ou tel figure ou domaine particuliers : musées de la Marine, de l'Armée, de l'Histoire de France (Archives Nationales), de la Légion d'honneur, de l'Assistance publique, d'Art et d'histoire du judaïsme, de l'Ordre de la Libération, du Cinéma-Henri Langlois, Clemenceau, Maison de Victor Hugo (Ville de Paris), Maison de Balzac (Ville de Paris)… ainsi que des monuments historiques ouverts à la visite (cathédrale Notre-Dame, Sainte-Chapelle, Arc-de-Triomphe de l'Étoile, Chapelle expiatoire, Catacombes, etc.).
Une page d’histoire parisienne est enfin présentée au musée de Montmartre, dans la maison « du Bel Air » (rénovation en 2014).