Sinn Féin
(expression gaélique signifiant « Nous-mêmes »)
Mouvement nationaliste et républicain irlandais.
1. Le plus ancien mouvement politique en Irlande
1.1. Le premier Sinn Féin (1905-1926)
Organisé à partir de 1905 par Arthur Griffith, le Sinn Féin reprend la tradition des Fenians et de la Fraternité républicaine irlandaise, mais puise aussi une inspiration originale dans la renaissance culturelle gaélique. À l'origine, ce n'est pas un parti révolutionnaire : son programme prévoit le boycott du Parlement de Westminster, la résistance passive à l'« occupant britannique », et l'organisation d'une économie insulaire qui ne doive rien à la Grande-Bretagne.
Le Sinn Féin se radicalise après l'insurrection de Pâques 1916 et obtient un triomphe total aux élections de 1918. Un gouvernement provisoire s'organise autour de Éamon De Valera (1919), mais le ralliement de ce dernier à l'État libre d'Irlande (1927) et la fondation par lui du parti Fianna Fáil, en 1926, mettent fin au mouvement.
2. De 1968 à1998
2.1. À la tête de la résistance armée
Le Sinn Féin renaît cependant, à partir de 1968, à la faveur des troubles en Irlande du Nord. Il prend la tête de la résistance menée par l'Armée républicaine irlandaise (IRA) contre l'armée britannique et le gouvernement de l'Ulster. En 1970, le mouvement est affaibli par les mêmes scissions qu'au sein de l'IRA entre « officiels » et « provisoires ».
2.2. Le Sinn Féin « provisoire »
Le Sinn Féin « provisoire » choisit, à partir de 1981, la voie de l'électoralisme et remporte un net succès aux élections d'octobre 1982 à l'Assemblée régionale d'Irlande du Nord. Présidé depuis 1983 par Gerry Adams, il entre, en 1985, dans les institutions locales. Appelant au rattachement des comtés de l'Ulster à la République d'Irlande, il a pour objectif la réunion des deux parties de l'île.
Tribune politique de l'IRA, le Sinn Féin joue un rôle non négligeable dans le processus de paix engagé en Irlande du Nord à partir de 1993. Malgré la rupture, en 1996, par l'IRA de la trêve qu'elle avait elle-même décrétée en 1994, le Sinn Féin prend part en 1997 aux négociations de fond sur l'avenir institutionnel de l'Irlande du Nord et cosigne l'accord de Stormont (10 avril 1998). Le 25 juin 1998, il remporte 17,6 % des suffrages et 18 sièges aux élections destinées à donner la composition du Stormont, le nouveau Parlement d'Ulster mis en place par les accords de paix. En termes de voix et de sièges, il représente la quatrième formation de la province.
3. Depuis les années 2000
3.1. Vers un partage du pouvoir avec les unionistes protestants (DUP)
Sa participation au gouvernement semi-autonome biconfessionnel, formé en décembre 1999, est interrompue de février à mai 2000, l'IRA n'ayant pas entamé son désarmement progressif, auquel elle s'était engagée.
Les élections générales de juin 2001 octroient 4 députés au Sinn Féin, qui devient, pour la première fois, le principal parti de la communauté catholique, devant le Social Democratic and Labour Party (SDLP). La consultation locale de novembre 2003 confirme la primauté des républicains sur le SDLP : désormais le deuxième de la province, le parti obtient 23,5 % des suffrages et 24 sièges au Stormont (contre 17 % et 18 sièges au SDLP). Aux élections européennes de juin 2004, il remporte le siège de député jusque-là détenu par le SDLP. Son essor franchit la frontière : c'est en effet le seul parti à être implanté dans les deux Irlandes. En dépit du discrédit qui pèse sur lui à la suite des révélations sur la nature criminelle des activités de l'IRA, il gagne un siège à l'issue des élections générales britanniques de mai 2005 (23,3 % des voix, 5 députés).
Jusqu'à l'automne 2006, le Sinn Féin a constitué l'un des points d'achoppement du processus de paix, le Democratic Unionist Party (DUP) de Ian Paisley refusant de s'asseoir à la table des négociations aux côtés de ses représentants. Toutefois, l'idée avancée au début de l'année 2006 par Tony Blair d'une remise en selle du Stormont sous forme d'« assemblée fantôme » pour réamorcer le dialogue entre les différentes parties en présence semble aboutir lors des négociations de Saint Andrews, en Écosse, du 11 au 13 octobre 2006 : se dessine alors la possibilité d’un partage du pouvoir entre le DUP et le Sinn Féin.
3.2. En tandem avec le DUP (depuis 2007)
La reconnaissance, lors d’un congrès extraordinaire du Sinn Féin à Dublin le 28 janvier 2007, de la légitimité de la police et de la justice d'Ulster – condition posée par le DUP pour partager avec lui les futures responsabilités politiques – ouvre la voie à la restauration des institutions provinciales.
Les élections parlementaires du 7 mars 2007 renforcent la prééminence des républicains sur le vote catholique (27 sièges, soit 4 de plus qu’en 2003, et 26,2 % des voix, soit une progression de 2,7 points). Le 26 mars, le Sinn Féin s’entend avec les autres vainqueurs du scrutin – les radicaux du DUP – pour former un gouvernement biconfessionnel (dont il peut revendiquer 4 des 12 portefeuilles). Le 8 mai, Martin McGuinness, numéro 2 du Sinn Féin, devient vice-Premier ministre du gouvernement biconfessionnel dirigé par Ian Paisley, auquel succède un an plus tard son collègue Peter Robinson.
Le tandem DUP-Sinn Féin au sommet du gouvernement provincial tient bon face aux ultimes tentatives de déstabilisation violente menées par des groupuscules paramilitaires au début du printemps 2009 ; il résiste également au scandale politico-privé qui entoure la personne de l’épouse du Premier ministre, en janvier 2010, et à la question épineuse du transfert au Stormont des pouvoirs de police, finalement résolue.
Le Sinn Féin conserve sa députée européenne à la consultation de juin 2009 – néanmoins, dans la République d’Irlande, il perd sa représentante à Strasbourg. Et aux élections générales du 6 mai 2010, avec 25,5 % des suffrages, il dépasse le DUP d’un demi-point, mais ne progresse pas en termes de sièges puisqu’il ne fait que garder ses 5 sortants.
En revanche, au scrutin local de mai 2011, il avoisine les 27 % et obtient 29 sièges à l’Assemblée du Stormont, consolidant sa place de seconde formation politique. Le gouvernement provincial dirigé par le leader du DUP (30 % des voix, 38 députés) se maintient. Vu les scores obtenus, le Sinn Féin peut faire entrer dans l'équipe au pouvoir des étoiles montantes comme John O’Dowd, à l'Éducation, avec comme mission l'introduction du bilinguisme à l'école, tandis que le charismatique M. McGuinness reste vice-Premier ministre – et, depuis le récent départ de Gerry Adams pour la république du Sud, le principal leader du parti en Ulster. En outre, à l’image des évolutions de la population (en dix ans, les catholiques progressent de deux points, à 45 %, pour talonner les protestants, en recul relatif de trois points, à 48 %), la formation se renforce à l’échelle des comtés et élargit sa représentation dans les collectivités territoriales.
Entre-temps, le Sinn Féin a en effet confirmé son ancrage lors des élections générales provoquées en février 2011 dans le sud de l'île, en remportant 10 % des voix et 14 sièges, soit 9 de plus que dans la précédente législature. Son président G. Adams fait à cette occasion son entrée au Dáil de Dublin. Et son candidat à l'élection présidentielle du 27 octobre 2011 (plus symbolique que décisive), l’actuel numéro 2 de l’exécutif de la province britannique du Nord, Martin McGuinness, arrive troisième du scrutin, avec près de 14 % des suffrages.
Lors des élections générales britanniques de mai 2015, le Sinn Féin, arrivé second derrière le DUP, recule d'un point à 24,5 % des suffrages et d'un élu (4).
Avant sa mort (mars 2017), M. McGuiness, opposé à Arlene Foster, nouvelle dirigeante du DUP, sur la gestion de plusieurs dossiers, dont celui, très controversé, des subventions aux énergies renouvelables, démissionne du gouvernement en janvier. Cela entraîne des élections locales anticipées qui se soldent par une paralysie de l’exécutif nord-irlandais. Tandis que les unionistes perdent pour la première fois la majorité des sièges au Stormont, le Sinn Féin et le DUP remportent respectivement 27 et 28 sièges.
En février 2018, Gerry Adams laisse sa place à la tête du mouvement à sa dauphine Mary Lou McDonald, députée de Dublin au Parlement irlandais.
Pour en savoir plus, voir les articles Irlande : histoire, Irlande du Nord : histoire.