Avec une trentaine d'élus RPR et UDF, le tiers de la majorité municipale, Jacques Toubon crée son propre groupe PARIS (Paris-Audace-Renouveau-Initiative-Solidarité). Objectif des « putschistes », comme les qualifiera l'agressé : déposer ce dernier, qui, empêtré avec sa femme Xavière dans des affaires politico-judiciaires, mène ce fief historique de la chiraquie à l'échec.
Quelques semaines plus tard, après un ultimatum de Philippe Séguin, le patron du RPR, et le soutien remarqué de Jacques Chirac à son successeur à l'Hôtel de Ville, les « putschistes » menacés d'exclusion et lâchés par une droite en plein désarroi qui n'a plus les moyens ni le goût de se payer le luxe d'un tel duel fratricide, rentreront dans le rang.
Une initiative qui fait long feu
Cet armistice fragile ne met pas fin à la guérilla. Mais l'offensive Toubon a échoué, et Jean Tiberi a provisoirement gagné. Placé, par ses fonctions, au cœur du système de financement occulte du RPR, sur lequel la justice enquête et progresse à grands pas, le maire de Paris a démontré qu'il détenait des moyens de pression suffisants pour s'assurer le soutien de la rue de Lille et de l'Élysée.
Certes, c'est un maire en sursis, mais un maire qui ne lâchera pas son fauteuil avant 2001, date de la prochaine échéance municipale, à moins, bien sûr, que des investigations judiciaires, notamment sur l'affaire des emplois fictifs, n'en décident autrement et ne viennent bouleverser le calendrier. Il n'empêche, cette trêve imposée aux belligérants ne masque pas les dégâts provoqués par le « blitzkrieg » raté de Jacques Toubon et de ses amis. Ils sont considérables. La majorité municipale, avec à sa tête un maire affaibli, pour ne pas dire discrédité, est désormais profondément et durablement divisée. Elle se cherche un champion pour la prochaine joute électorale : pour l'heure, il est introuvable, même si Édouard Balladur se tient en embuscade. C'était impensable il y a encore peu de temps, mais Paris, ce bastion historique de la chiraquie pendant plus de vingt ans, est, aujourd'hui, le talon d'Achille du RPR. Et la gauche commence à se convaincre que la victoire est à sa portée. N'a-t-elle pas renforcé ses positions en 1995 en décrochant plusieurs mairies d'arrondissement ? N'a-t-elle pas, en 1997, lors de la dissolution ratée par la droite, enfoncé le clou en expédiant siéger à l'Assemblée nationale un nombre significatif de députés de Paris ? Enfin, lors des dernières élections régionales, en mars 1998, ne s'est-elle pas emparée, pour la première fois depuis la création des établissements régionaux, du conseil régional d'Île-de-France, détenu sans discontinuité depuis l'origine par le RPR, alors que le candidat de la droite était un certain Édouard Balladur ?
Mieux et plus inquiétant pour la droite, lors de cette dernière consultation, pour la première fois depuis le nouveau statut de 1977 et l'élection d'un maire à Paris, la gauche et la droite sont arrivées en tête dans le même nombre d'arrondissements parisiens. Autrement dit, si des municipales avaient eu lieu ce jour-là, le jeu était ouvert.
B. M.
Paris, citadelle imprenable ?
On l'a compris, la mairie de Paris n'est plus une citadelle imprenable pour la gauche ; elle est même menacée de perdre son statut de chasse gardée de la chiraquie : d'où l'offensive maladroite et bien mal préparée de Jacques Toubon contre Jean Tiberi, gardien certes contesté du temple, mais détenteur de trop de secrets pour être débarqué de cette façon-là. Alors, sans doute, pour tenter de réconcilier au plus vite les Parisiens avec l'Hôtel de Ville, l'actuelle majorité municipale doit-elle changer ses méthodes et ses leaders. Mais pas en jouant les pyromanes a estimé l'Élysée. Le feu couve suffisamment dans la maison.
Réforme de la justice : l'enlisement ?
Décembre 1998 : plus d'un an après sa présentation au conseil des ministres, l'ambitieuse réforme de la justice du gouvernement Jospin était en panne. En cette fin d'année, l'Élysée tardait encore à réunir le congrès qui doit voter la réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature.