Cette montée en puissance n'est pas vraiment une surprise ; elle est, en réalité, la conséquence de la majorité plurielle allant des socialistes aux communistes en passant par les Verts, mise en place par Lionel Jospin, le 2 juin 1997. Cette FGDS « new look », couvrant un vaste champ de la gauche française, a paradoxalement libéré un espace électoral dans lequel se sont engouffrés tous les tenants d'une gauche plus radicale, qui ne se reconnaissent pas dans celle qui est au pouvoir, ainsi que tous les déçus – ceux qui estiment que cela ne va pas assez vite – de l'action gouvernementale. Elle est aussi, d'une certaine façon, révélatrice d'une crise de l'offre politique et d'un déficit social au sein de la coalition majoritaire. « Nos électeurs ont voulu signifier à la majorité l'insuffisance des mesures prises par le gouvernement pour lutter contre le chômage, notamment », explique Ariette Laguiller, qui n'a eu aucun mal, cette fois, à trouver des candidats pour constituer 69 listes départementales ! Si l'on doit voir dans ce vote un avertissement aux socialistes pour qu'ils se gardent de toute tentation hégémonique et de toute autosatisfaction, les principales victimes de l'émergence de ce pôle critique qui s'installe à la gauche de la gauche plurielle sont, avant tout, les communistes et, dans une moindre mesure, une partie des écologistes libertaires qui, un temps, avaient suivi Dominique Voynet.

Quand on analyse les scores de l'extrême gauche, on constate qu'elle obtient ses meilleurs résultats dans les zones où le Parti communiste est traditionnellement fort.

Sur la vague des conflits

Mais, à côté de ces sympathisants communistes, l'extrême gauche d'Ariette Laguiller – et c'est là un paradoxe, parce qu'elle n'était pas vraiment partie prenante, à la différence de la LCR – a réussi à capter une partie du mouvement des « sans », les sans-papiers, les sans-logis, les sans-emploi. Cela s'explique, sans doute, par l'aura et le capital de sympathie qu'elle a acquis au cours de ses nombreuses candidatures à la présidence de la République (5,2 % des suffrages en 1995) et aussi par le discours ouvriériste qu'elle n'a jamais cessé de tenir depuis maintenant près de trente ans et dont le Parti communiste, aujourd'hui, lui a laissé, non sans risque pour lui, le monopole. Reste à savoir maintenant quelle est l'utilité de ce vote d'extrême gauche. Se limite-t-il à un vote protestataire sans grande conséquence ou exprime-t-il un malaise plus profond dont le gouvernement devra tenir compte ?

B. M.

Le Parti communiste harcelé

La « social-démocratisation » du PC engagée par Robert Hue n'est sans doute pas étrangère à la montée de l'extrême gauche. Ainsi, en Seine-Saint-Denis, terre d'élection de deux ministres du gouvernement Jospin, Jean-Claude Gayssot et Marie-George Buffet, les candidats communistes font une contre-performance et Lutte ouvrière fait passer deux des siens. Mais, si les rénovateurs du PC paient cette participation gouvernementale, les orthodoxes ne sont pas moins épargnés. Dans le Nord-Pas-de-Calais, temple de l'orthodoxie communiste, LO fait élire 7 candidats, et, en Picardie, région de l'inflexible Maxime Gremetz, 3 autres. C'est la preuve que la mutation du PC conduite par Robert Hue depuis 1994 déconcerte une partie de sa base, qui ne se retrouve plus dans les prises de position de son dirigeant et préfère aller vers d'autres rivages plus conformes à son idéal. Un constat qui, à l'approche des élections européennes, pourrait inciter la direction communiste à faire de la surenchère afin d'éviter une hémorragie d'une partie de ses électeurs.

La lutte contre l'exclusion

L'INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques) a calculé qu'en 1994 environ 5,5 millions de personnes, soit près de 10 % des ménages, vivaient au-dessous du seuil « monétaire » de pauvreté (3 800 F par mois pour une personne seule, ou 6 800 F pour un couple avec un enfant), chiffre global qui n'a pas évolué depuis 1984.