L'intérêt est resté fixé sur l'immigration étrangère ; mais le débat sur le Code de la nationalité a tourné court. Le gouvernement de M. Jacques Chirac a enterré le rapport de la commission présidée par M. Marceau Long, dont les discussions avaient été télévisées.

Celui de M. Michel Rocard a fait preuve d'une égale prudence en publiant avec discrétion le rapport de la commission Hessel pour le commissariat du Plan : « Immigration : devoir d'insertion ».

M. J. Bourgeois-Pichat, qui utilisait les travaux de M. J.-N. Biraben, a publié en février un calcul indiquant que l'année 1987 a été celle de la quatre-vingt milliardième naissance et celle du soixante-quinze milliardième décès sur notre planète. Un homme sur 16 nés depuis les origines de l'humanité est actuellement vivant.

En octobre, les émeutes algériennes ont rappelé cruellement que la natalité exubérante des pays africains et musulmans posait un difficile problème aux nations concernées avant d'en poser un aux pays riches.

Michel-Louis Lévy

Mode : le tout sur le tout

Des robes à paniers échappées d'un Fragonard, des jupes à faux-culs et poufs, des pourpoints de petits marquis, mais des corsets chipés à la Nana de Zola ; des queues-de-pie de dandy, mais des minis de Lolita et encore des décolletés cache-cœur et bénitiers, des drapés, des plis religieuses, des tailleurs de petits mecs et des pantalons à la Lauren Bacall... La mode de l'année qui s'en est allée se lit comme un inventaire à la Prévert. Jamais finie, jamais définie. Paradoxe, elle s'affiche sexy, insolente, douce, nette, pure, mais aussi coquine, juvénile..., symbole de toutes les tendances, de toutes les envies, de toutes les silhouettes.

Une évidence aux yeux des observateurs qui traduit joliment la styliste Lolita Lempicka : « Il n'y a une seule mode, il y a aujourd'hui multimode et des propositions de tendances dans tous les sens. »

La révélation de l'année 1988, élevée dans une famille où on est couturière de mère en fille, est elle-même, côté cour et côté jardin, l'archétype de cette femme aux multiples visages, aux formes qui font tout pour accrocher les regards et tourner les têtes, ou cultiver la nostalgie d'un passé collet monté en crinoline de satin. Lolita Lempicka – ce n'est pas son vrai nom, mais un pseudonyme inventé en hommage à Nabokov, à l'écrivain et à l'artiste peintre – pourrait aussi conjuguer au temps présent les lignes d'une mode toute simple, toute souple. Sans chichi ni outrance. À la manière des créations Guy Paulin. Le styliste aime l'allure des vêtements imaginés – il ne s'en cache pas – dans les années 30 et que l'on porte pendant longtemps. Que chaque créateur ait, dans sa tête et dans ses songes, des constantes, des manies, des visions de personnages romantiques ou de femmes-fleurs, des obsessions d'héroïnes venant d'autres galaxies, nul n'en doute. Mais que l'époque n'arrive plus a imposer un style témoin d'une année riche en événements, voilà qui est nouveau. Les couturiers aujourd'hui proposent, les femmes disposent et ne retiennent que ce qui leur plaît. Finis les règles et les diktats. Personne ne veut plus se glisser dans le même moule, endosser le même costume signé Jean-Paul Gaultier (ou un autre) dont les plus folles idées ont réveillé la mode uniforme. Christian Lacroix a fait de même.

Signe des temps, la mode à la mode, c'est l'éclectisme, le métissage des courants, la grande liberté. Comme on porte des bouquets avec des pois, des rayures avec des carreaux, du court devant et du long derrière, on se coule dans le taffetas, le Stretch et le lin, la maille, la popeline et la soie, la gabardine et la mousseline.

Chacun va son chemin, à l'écoute de sa petite chanson. Savez-vous d'où vient le télescopage des tendances ? Mais du public, qui réagit vite et donne le ton. L'action engendre la contre-action. Chacun y trouve son compte.

Selon les sociologues, le zapping (en argot américain, cela veut dire « zigouiller ») est pour beaucoup dans ce méli-mélo des genres illustré par un blazer-body perdant épaules et col, mais gagnant un châle-collerette en soie, une veste de gabardine aux manches de dentelle. Des idées signées Gaultier et Lempicka. Actuel aussi le mélange jupe de taffetas, bustier de piqué et veste prince-de-galles troussé par Tarlazzi.