L'opposition du ministère des Finances et les remous électoraux ont empêché la mise en œuvre de ce plan coûteux (25 à 28 milliards sur 5 à 7 ans) ; mais le nouveau ministre, Lionel Jospin, en reprend la disposition essentielle : la revalorisation des salaires dans le cadre d'un « contrat social » pour l'éducation ; celui-ci conditionne la « campagne de communication », lancée pour recruter des professeurs dont la promotion doit être facilitée par la création d'une agrégation interne. Reste à régler, avant le 1er janvier 1993, un problème fondamental : celui du Marché commun des diplômes.

Pierre Tribault

Justice

Dans le cadre de l'alternance politique, M. Albin Chalandon abandonne la chancellerie à M. Pierre Arpaillange, dont personne n'ignore les idées « réformistes ». Sa nomination et le départ en retraite de Mme Simone Rozès conduisent au renouvellement des hauts magistrats de la hiérarchie judiciaire. D'aucuns dénoncent des choix trop politiques.

Le 22, le garde des Sceaux annonce que 2 863 détenus condamnés ont bénéficié de la grâce présidentielle ; 2 308 autres ont été libérés en vertu de la loi d'amnistie. Symbole de « l'ouverture » à la société civile et technicien dont on attend le traitement de la crise judiciaire, M. Arpaillange se heurte vite à de multiples difficultés. Sa décision de mettre un terme à l'isolement des terroristes prisonniers suscite un tel tollé que le Premier ministre le désavoue publiquement.

L'inculpation du juge Boulouque le 18 novembre pour violation du secret de l'instruction sur plainte de l'inculpé, Fouad Ali Saleh, présumé terroriste, est l'occasion d'une nouvelle tempête politique ; l'autorité de M. Arpaillange en souffre. Selon son propre constat, « l'état d'urgence » de la justice impose l'abandon des grandes réformes pour des réalisations ponctuelles. La « remise à plat » du Code pénal et du Code de procédure pénale est reportée ; la réforme du Conseil supérieur de la magistrature n'est plus à l'ordre du jour, une nouvelle loi modifiant le régime de la détention provisoire écarte l'instauration d'une collégialité de juges d'instruction.

Malgré sa faveur pour les peines de substitution, le garde des Sceaux est contraint de reprendre à son compte le projet de construction de nouvelles prisons de son prédécesseur ; mais il l'ampute de 2 000 places. En septembre-octobre, la grève des gardiens révèle la crise que traverse le monde carcéral. Les racines du mal judiciaire sont d'abord budgétaires : la nation consacre à peine 0,5 % de son budget à sa justice.

Hervé Robert

Chronique judiciaire

Procès du passé, du présent, du futur, groupés sur une même année. Le passé recomposé, c'est celui de Christian David, dit « le Beau Serge ». Le présent radiographié, c'est la médecine et ses turpitudes aux assises de Poitiers. Le futur annoncé, c'est la mouvance terroriste d'Action directe, qui passe en correctionnelle en avant-première.

Christian David est un revenant des années 60. Il a tué le commissaire Galibert, il y a près de 22 ans. Sa vie s'apparente à un vieux polar aux pages usées. Il travaillait pour la French Connection, a filé en Amérique du Sud, purgé une peine dans les prisons américaines. Extradé, le Beau Serge, devenu le Vieux Serge, tente tout pour faire retarder son procès et réussit.

Procès de notre temps, celui de ces trois médecins de Poitiers. À l'origine, une accusation gravissime : une jeune femme est morte sur la table d'opération à cause du sabotage d'un appareil respiratoire. Le Pr Mériel accuse les docteurs Diallo et Archambault, qui plaident « non coupable ». Les experts se contredisent et les jurés, faute de comprendre, acquittent en bloc comme si la victime, Nicole Berneron, était décédée de façon parfaitement naturelle.

Procès d'aujourd'hui, mais surtout de demain. Treize inculpés d'Action directe devant la 14e chambre correctionnelle de Paris pour association de malfaiteurs, avant que quatre d'entre eux ne répondent du pire. Le microcosme du terrorisme semble constitué de collégiens sournois, de phraseurs besogneux, d'intellectuels dépravés à la culture incertaine. On oublierait presque, tant les personnages sont inconsistants, que, à l'intérieur de cette mouvance molle, quatre tueurs froids sont dissimulés qui ont perpétré le lâche assassinat de Georges Besse, coupable à leurs yeux, à travers la direction de Renault, d'être un des éléments moteurs de la société.