Noël Copin relate l'histoire de ces vingt-cinq années de lutte qui prirent leur source en 1961, quand un avocat britannique, Peter Benenson, publie, le 28 mai, dans l'Observer et le Monde, un appel solennel qui fut, peut-être, la Déclaration des droits de l'homme dont cette deuxième moitié de xxe siècle, ballottée dans le cycle sans fin des révolutions et des contre-révolutions, avait tellement besoin...
La France, elle-même, pourtant si tranquille en sa démocratie, connut, dans un passé récent, avec la décolonisation, son lot d'événements tragiques dont les droits de l'homme sortent rarement vainqueurs. Pourtant, une grande partie de son empire, l'Afrique noire, put accéder à l'indépendance sans traverser de trop grands drames. Est-ce ce souvenir, encore vivace, qui fit de la mort de Gaston Defferre, le 5 mai 1986, un moment d'émotion partagé par tous les hommes politiques ? Par une loi-cadre, promulguée en 1956 en pleine guerre d'Algérie, le maire de Marseille avait, en effet, amorcé cette décolonisation tranquille. Face au cercueil, dressé dans le hall de sa bonne mairie de Marseille, la stature de « l'homme d'État » qui avait vu « juste et clair » avant beaucoup effaçait peut-être l'image du « politique politicien » que ses amis, eux-mêmes, jugeaient, parfois, un peu trop habile...
Il est vrai aussi que – là, l'histoire ayant jugé très vite – la dernière grande initiative du petit homme à l'éternel chapeau noir est désormais saluée comme un succès. Cette décentralisation, vieux serpent de mer de la politique française, que le premier « ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation » du « gouvernement de la gauche unie » imposa, en 1982, un peu comme une lubie personnelle est, en effet, entrée dans les moeurs en cette année 1986. En même temps que leurs députés, les Français ont élu, le 16 mars, 1840 conseillers régionaux au suffrage universel. Cette année-là, aussi, se sont achevés les « transferts de compétences » qui voient désormais les régions, les départements ou les communes exercer certains pouvoirs hier dévolus au tout-puissant pouvoir central. Et, pour étrenner les présidences des nouveaux conseils régionaux, désormais sanctifiés par le suffrage universel, des personnalités aussi connues que Valéry Giscard d'Estaing (Auvergne) Jacques Chaban-Delmas (Aquitaine), Edgar Faure (Franche-Comté), Olivier Guichard (Pays de la Loire) n'ont pas craint de se porter, avec succès, candidats. François Grosrichard dresse un bilan de la régionalisation et de la décentralisation en même temps qu'il analyse le cours nouveau que doit désormais suivre, face à ces réformes, la politique d'aménagement du territoire, que le gouvernement de Jacques Chirac ne semble pas vouloir remettre en cause...
On le voit, cette année 1986, an I de la cohabitation, fut pour les Français une année lourde d'événements de politique intérieure. Les débats sur l'IDS, la défense, le désarmement qui avaient tant agité l'opinion française en 1985 se sont essoufflés en 1986, le consensus sur la politique de défense nucléaire étant plutôt sorti renforcé de la cohabitation. Et la rencontre de Reykjavik, entre Reagan et Gorbatchev, qui vit les deux Grands redistribuer leurs vecteurs nucléaires sur le grand échiquier du jeu « Guerre et paix », a occulté une conférence sur le désarmement : celle qui, à Stockholm, réunit depuis 1984 les 35 pays signataires de l'acte d'Helsinki. Pourtant, en septembre 1986, à la quatrième session de cette conférence trop discrète, des accords ont été conclus. Comme si dans un monde agité, les espoirs de paix ne pouvaient avancer que masqués !
Philippe Orsini
Législation
Depuis les élections de mars 1986 et la mise en place du nouveau gouvernement, l'activité législative s'est bien évidemment concentrée sur la mise en œuvre des engagements pris par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale du 9 avril 1986.
Si l'on excepte les textes fiscaux (voir Budget), ceux relatifs à la communication et les mesures prises en faveur de la famille (loi du 29 décembre, constituant le volet social d'une politique d'aide déjà développée en matière fiscale), la majorité des lois adoptées l'ont été dans les domaines suivants : sécurité des Français, relance économique et sociale, mode de scrutin.
Relance économique et sociale
Une loi du 2 juillet autorise le gouvernement à prendre par ordonnances diverses mesures sociales et économiques : aménagement du droit de la concurrence ; mesures relatives à l'emploi, favorisant le travail des jeunes ; amélioration des régimes de travail temporaire, des contrats de travail à durée déterminée et assouplissement des règles relatives à l'aménagement du temps de travail ; intéressement des salariés aux résultats des entreprises et accès du personnel aux conseils d'administration ou de surveillance, privatisations à réaliser dans un délai de cinq ans (ce transfert d'entreprises du secteur public au secteur privé concerne les banques, les compagnies d'assurance nationalisées après la guerre, Havas, Elf-Aquitaine et les entreprises nationalisées en 1982).