Philippe Decraene
Sénégal
Le régime de Abdou Diouf consolidé
L'année est dominée par les élections du 27 février, qui marquent la consolidation du régime d'Abdou Diouf et confirment l'audience restreinte d'une opposition inefficace parce que morcelée à l'extrême par suite de querelles byzantines de personnes et de programmes.
Conséquence du multipartisme, dont Abdou Diouf fut l'artisan, cinq candidats s'affrontent pour la magistrature suprême : Abdou Diouf, lui-même ; Abdoulaye Wade, chef du parti démocratique sénégalais (PDS), seul mouvement d'opposition réellement structuré ; Mahjemout Diop, leader historique du parti africain de l'indépendance (PAI) ; Mamadou Dia, ancien Premier ministre, emprisonné pendant douze ans pour tentative de coup d'État, homme prématurément usé dont l'audience est devenue à peu près nulle ; enfin, le Dr Oumar Wone, dont personne n'avait entendu parler avant la compétition électorale, leader d'un groupuscule dénommé parti populaire sénégalais.
En revanche, Cheikh Anta Diop, universitaire de renom, promoteur de la thèse sur l'antériorité de la culture nègre par rapport aux autres cultures, historien formé à la Sorbonne, renonce à présenter sa candidature à la présidence mais participe, sur la liste du Rassemblement national démocratique (RND), aux élections législatives, qui ont lieu le même jour que l'élection présidentielle.
Abdou Diouf est élu à la présidence avec 83,45 % des suffrages exprimés, tandis que Abdoulaye Wade, son plus sérieux concurrent, n'en obtient que 14,79 %. Aux législatives, le parti socialiste (gouvernemental) s'assure 79,92 % des voix. La nouvelle Assemblée est formée pour moitié de députés élus au scrutin majoritaire de liste à l'échelon départemental (ils sont tous socialistes) et pour moitié de députés élus à la proportionnelle à l'échelon national. Elle compte 111 députés socialistes, 8 députés PDS, dont Abdoulaye Wade, et 1 député RND, Cheikh Anta Diop.
Plan d'austérité
L'opposition conteste en mars, sans succès, les résultats des élections et, le 2 avril, le Premier ministre Habib Thiam remet sa démission à Abdou Diouf, qui prête serment devant l'Assemblée nationale, dont H. Thiam devient président. Chef de la diplomatie sénégalaise, Moustapha Niasse devient en outre, provisoirement, Premier minisre. L'Assemblée nationale adopte, le 29 avril, le projet de suppression du poste de Premier ministre, annoncée par A. Diouf dans un message à la nation, à l'occasion de la commémoration du 23e anniversaire de l'indépendance.
La présidentialisation du régime se confirme, justifiée par des raisons d'efficacité, tandis qu'à la faveur du remaniement ministériel d'avril la vieille garde du régime précédent cède le pas.
Confronté à de sérieuses difficultés économiques, pour la plupart structurelles, et à quelques problèmes politiques, dont celui de l'irrédentisme de la Casamance, Abdou Diouf s'est doté de moyens qui lui permettent d'agir. Donnant un coup de frein au recrutement des agents de l'État, instaurant une politique restrictive du crédit, bloquant les salariés — à l'exception des plus modestes —, le président s'attache avec diplomatie à régler les questions d'intendance. Il est heureusement secondé par les événements, car la production d'arachides, qui constitue la première ressource nationale, remonte à plus de 1 million de t. De même, la production de coton (50 000 t) connaît un progrès notable, tandis que les revenus tirés de la pêche et des phosphates demeurent stables et que seule régresse la production de céréales.
Cependant, en août, est rendu public un plan d'austérité qui frappe de plein fouet le monde rural. Le prix d'achat de l'arachide est ramené de 50 à 45 francs CFA le kilo, alors que les prix de vente du riz, du sucre et de l'huile, denrées qui constituent la base de l'alimentation quotidienne, connaissent des hausses de l'ordre de 15 %. Pour apurer les comptes de la nation, Abdou Diouf a, il est vrai, besoin de 200 milliards de francs CFA environ, somme dont il espère que les 5/6 seront fournis par l'aide extérieure, dont celle de la France, qui reste le principal recours financier.
Sénégambie
En Casamance, après la fièvre des événements de 1982, la situation demeure tendue. Trois gendarmes sont tués et trois autres blessés le 6 décembre 1983. Des tracts circulent, des émissaires (dont certains affirment qu'ils reçoivent ordres et subsides de la Libye) parcourent la région et y diffusent des slogans subversifs.