Quelques jours auparavant, Jean-Paul II avait promulgué le nouveau Code de droit canon, conformément aux décisions du Concile. C'est l'aboutissement d'une œuvre de longue haleine, puisque l'annonce de cette réforme avait été faite par Jean XXIII, le 25 janvier 1959. Mais elle retient peu l'attention. Beaucoup moins, en tout cas, que le voyage entrepris peu après par le pape en Amérique centrale, région troublée, où l'Église, déchirée, occupe une position essentielle.

Le ton a été donné le 24 novembre précédent par une déclaration commune des évêques de la région. « Engagez-vous sérieusement, ont-ils dit aux catholiques, dans la recherche d'une paix qui, pour être vraie, doit être le fruit de la justice et la conséquence d'un respect profond de toute vie humaine. Ces évêques ont donc mis clairement les points sur les i.

Les droits de l'homme en Amérique centrale

Dès son arrivée à l'aéroport San José (Costa Rica), première étape de son voyage, le 2 mars, Jean-Paul II veut montrer qu'il est sensible à cet appel : « C'est la douleur des peuples que je viens partager, essayer de comprendre de plus près, pour laisser une parole d'encouragement et d'espérance fondée sur un nécessaire changement d'attitudes. » Quel changement ? Jean-Paul II lance alors un appel à la réconciliation, à la conversion des cœurs, « sans recourir à des méthodes de violence ni à des systèmes collectivistes qui peuvent se révéler aussi oppressants pour la dignité de l'homme qu'un capitalisme purement économiste ».

Du Nicaragua, où il se rend le 4 mars, jusqu'à Haïti, dernière étape de son voyage, le 9 mars, Jean-Paul II reprend toujours le même thème : le changement est nécessaire, mais sans violence.

Le pape trouve une situation particulièrement délicate au Guatemala, alors dirigé par le président général Efrain Rios Montt, membre d'une secte fondamentaliste protestante appelée Verbe et qui est accusé de pratiquer une politique d'extermination des paysans indiens, laquelle aurait déjà fait, selon Amnesty International, 8 000 victimes.

Il était déjà arrivé au pape, peu de temps auparavant, de protester contre des exécutions capitales effectuées dans ce pays. Or, le 3 mars, trois jours avant son arrivée, on apprend que six hommes viennent d'être exécutés pour « insurrection armée », alors que le pape avait chargé le nonce à Ciudad Guatemala de demander leur grâce. Le Saint-Siège fait aussitôt savoir qu'il considère comme « incroyable » la décision d'exécuter les six hommes à la veille de la visite pontificale. On pense un moment que le pape va annuler son voyage, et il semble bien qu'il hésite. Mais il décide finalement de se rendre au Guatemala et, après une rencontre glaciale avec le général Rios Montt, prononce au Champ-de-Mars de la capitale une allocution où il répète son plaidoyer en faveur des droits de l'homme.

Le Nicaragua (4 mars) est une autre étape délicate. Là, le ton est donné par le discours du commandant Daniel Ortega Saavedra, coordinateur de la junte au gouvernement, qui, dès l'arrivée de Jean-Paul II, évoque longuement l'attitude des États-Unis à l'égard de la révolution sandiniste. Parmi les membres du gouvernement se trouve le père Ernesto Cardenal, ministre de la Culture (qui doit s'abstenir de tout ministère, car il exerce ces fonctions contre la volonté des évêques) : il se met à genoux devant le pape et celui-ci lui fait publiquement un geste de semonce.

Au cours de la rencontre de Jean-Paul II avec les dirigeants sandinistes, ceux-ci lui demandent ses bons offices auprès de Washington pour éviter une intervention militaire américaine au Nicaragua et au Salvador. Il se borne à répondre que le Saint-Siège est favorable à « une solution politique et non militaire ». Enfin, au cours de son homélie à Managua, dans un climat tendu, émaillé de divers incidents, il incite les fidèles à se serrer autour de leurs évêques et à repousser ce qu'on appelle dans ce pays une « Église populaire », marquée à gauche.

Salvador

Il reprend à peu près les mêmes thèmes au Salvador, réaffirmant ce qu'il avait dit aux prêtres et aux religieux du Mexique en 1979 : « Vous n'êtes pas des dirigeants sociaux, des leaders politiques ou des fonctionnaires d'un pouvoir temporel. »