Journal de l'année Édition 1984 1984Éd. 1984

Communication

La voie française

Télévision par câble, satellites, quatrième chaîne, vidéo, télématique, radios, journaux... l'explosion médiatique touche maintenant l'Hexagone. On tâtonne à la recherche d'un modèle français de la communication.

Les socialistes ont eu longtemps — et ont encore — un double problème avec la communication. Partis d'une conception très idéologique, voire révolutionnaire (contrôler l'information est une nécessité si l'on veut changer un tant soit peu la société), ils ont été confrontés à une opinion publique pour laquelle, en majorité, la liberté de la presse, grande conquête républicaine, doit être étendue aux médias audiovisuels. Persuadés d'autre part que leur politique est la bonne et s'impose d'elle-même aux esprits, ils ont négligé les règles modernes de la communication et laissé ce secteur en friche lorsqu'ils étaient dans l'opposition. Ils découvrent aujourd'hui qu'il n'est pas si simple de convaincre, même si l'on a (encore) ses entrées à la télévision !

Double question, double réponse. S'agissant de l'art de communiquer, on en reste aux balbutiements : Max Gallo, nouveau porte-parole du gouvernement, fait ses classes et François Mitterrand change de conseiller en marketing politique... Les socialistes n'ont toujours pas de presse de masse et leur leaders, à l'instar de Paul Quilès au soir des municipales, ont la fâcheuse manie de s'en prendre encore aux journalistes de la télévision pour expliquer leurs revers dans l'opinion.

La droite avait maintenu, contre l'évolution des mentalités, le monopole étatique des moyens audiovisuels. La nouvelle majorité l'a abrogée, avec la loi du 29 juillet 1982. Le socialisme à la française, épris de liberté, est contenu dans cette loi-symbole, qui instaure en même temps une institution tampon (la Haute Autorité de la communication audiovisuelle) entre l'État et les chaînes du service public de la radiotélévision.

Le monopole est mort

La Haute Autorité s'est imposée au cours de sa première année d'existence (elle a été installée le 31 août 1982). Elle a su rendre des arbitrages équilibrés dans des conflits opposant les rédactions des journaux et magazines télévisés à des hommes politiques, notamment Jacques Chirac. Elle a aussi, pour la première fois, organisé une campagne officielle pour des élections municipales, avec débats contradictoires, tables rondes, etc., à la radio et à la télévision régionale. Avec la Haute Autorité, c'est une capacité d'autonomie et d'initiative — donc aussi de responsabilité — que les journalistes du service public ont enfin acquise.

Le monopole, quant à lui, est bel et bien mort. Les nostalgiques de l'ex-ORTF regretteront les débuts héroïques de la télévision en France, la grande école de production que furent les Buttes-Chaumont. L'heure de la compétition est ouverte. À la radio, d'abord, où le millier de stations privées locales ont commencé à concurrencer sérieusement les ténors des grandes ondes : RTL a bien résisté, mais France Inter, Europe 1 et Radio Monte-Carlo ont enregistré une baisse d'audience. Il faudra compter désormais avec ces voix multiples et tellement différentes. Surtout si saute définitivement le bouchon qui empêche qu'elles arrivent à maturité : la publicité. Encore interdite, mais pour combien de temps ? Un grand nombre, déjà, savent contourner la loi.

1983 aura été cette année charnière qui marque la fin d'une époque. L'audacieux projet de câblage du territoire français (adopté le 3 novembre 1982 par le gouvernement) ouvre la voie à la pénétration des chaînes étrangères, à la création de chaînes privées régionales, etc. Le projet d'une quatrième chaîne, confié à un proche du président, André Rousselet, et au groupe qu'il dirige (Havas), conduira à la première chaîne privée nationale : Canal Plus, télévision payante, devra trouver plus d'un million d'abonnés pour équilibrer son budget.

Loi sur la presse
Contre les monopoles de l'information

L'actualisation de l'ordonnance du 26 août 1944 sur l'organisation de la presse française est donc en cours. Un projet de loi est en préparation pour appliquer la proposition 95 du candidat Mitterrand : « ... Les dispositions assurant l'indépendance des journalistes et des journaux face aux pressions du pouvoir, des groupes privés et des annonceurs seront prises. » Ce projet tend à s'opposer à l'accroissement du groupe Hersant notamment, dont la domination sur la diffusion totale de la presse est passée de 16,50 % à 20 %.