Certes, il reste quelque peu abusif de parler de bénéfice au sein d'une entreprise qui continue de percevoir de l'État une subvention d'exploitation plus que confortable (fixée forfaitairement à 3 300 millions de francs en 1979). Mais l'existence de cette subvention n'avait pas empêché un déficit vertigineux en 1978, alors que le compte de pertes et profits 1979 s'est soldé par un excédent de 108 millions. Bref, la SNCF semble bien avoir tourné le dos au gouffre financier qui se creusait d'année en année dans ses résultats.

Libéralisme

Amélioration passagère ? Malgré le fait que les subventions d'État doivent être progressivement réduites (2 600 millions de F en 1980), on peut s'attendre à une consolidation durable, car les autres mesures prévues au contrat d'entreprise vont continuer de faire sentir leurs effets, notamment celle qui explique pour l'essentiel le redressement de 1979 : la liberté tarifaire. Combinée avec une meilleure politique commerciale, elle a permis en particulier un accroissement sérieux des recettes marchandises (+ 16 %), trafic qui a connu ainsi son premier redressement réel depuis la chute de 1975.

Le libéralisme a eu également d'heureux effets financiers à Air France, qui a été l'une des rares compagnies à afficher des résultats 1979 supérieurs à ceux de 1978. La suppression (ou la compensation) de charges imposées par l'État, une compétitivité améliorée par la mise en service d'avions nouveaux et, dans la grande foire du transport aérien dérégulé, le succès d'innovations intéressantes comme les vols-vacances : telles sont les principales raisons d'un bilan nettement meilleur que la moyenne, et totalement transformé en deux ans.

Ces performances de la SNCF et d'Air France démontrent, évidemment que le libéralisme injecté dans les transports par le gouvernement a des vertus. Cette politique présente toutefois des aspects négatifs. La stagnation du trafic voyageurs à la SNCF en est un exemple : elle a été provoquée, au moins en partie, par l'impact de hausses tarifaires exagérées (même s'il s'agissait d'un rattrapage après des années de blocage) ; les préoccupations financières ont donc entravé une croissance de la clientèle jusque-là régulière et tout à fait opportune en période d'énergie chère. La SNCF y trouve son compte, la France peut-être pas.

Inconvénients

Les inconvénients du libéralisme sont aussi dénoncés dans un autre secteur des transports, les routiers, qui se trouvent à leur tour dans le collimateur du ministre des Transports et se voient sommés d'abandonner sous peu leur sacrosaint TRO. Vestige de l'époque dirigiste, la tarification routière obligatoire ne concerne directement que 30 % du trafic, mais sert de référence pour le reste. Selon les professionnels, son abandon précipité, dans la période actuelle, provoquerait l'effondrement des tarifs et la multiplication des faillites, sans parler des difficultés de gestion de beaucoup de petits entrepreneurs à qui on ne peut apprendre en quelques mois à calculer leurs prix de revient.

Au-delà du réflexe de défense corporatiste, c'est un fait que le transport par route aborde une période noire. La hausse accélérée du carburant et l'application d'une réglementation du travail plus rigoureuse (avec des contrôles nombreux et de plus en plus mal acceptés) ont entraîné une inflation des coûts que la profession commence à trouver insupportable. Si l'on y ajoute le retournement conjoncturel que les routiers voient s'amorcer depuis le début de 1980, on comprendra qu'ils trouvent le moment mal venu pour affronter le grand vent du libéralisme.

Après avoir résisté de façon étonnante au premier choc pétrolier, il est à craindre, en tout cas, que ce secteur encaisse beaucoup moins bien une nouvelle crise. Non pas qu'il soit condamné par la cherté du carburant : les études démontreraient plutôt que les écarts de consommation entre rail et route sont très supportables, et que les deux modes sont plus complémentaires que rivaux. Mais la route manque tout simplement de chefs d'entreprise compétents.

Construction navale

Une industrie à la charge du contribuable

Les constructeurs de navires n'ont pas fini de se faire des cheveux blancs. À peine finissent-ils d'aveugler une voie d'eau qu'on en signale une ou deux autres : ils ont pu regarnir un peu leurs carnets de commandes en 1979, mais leurs perspectives d'activité sont pour le moins incertaines, et leurs perspectives financières franchement mauvaises.