Naguère pourvoyeur de devises, le textile s'enfonce progressivement dans le déficit : 3 milliards de F l'an passé, vraisemblablement plus de 4 cette année. Désormais, près d'un article textile sur deux vendu en France porte une étiquette étrangère — ou devrait le faire, car, l'an passé, le gouvernement a décidé, comme l'avaient fait auparavant les Américains et les Canadiens, d'imposer l'étiquetage d'origine (le made in...), de manière à éviter que les pull-overs de l'île Maurice ou les costumes roumains (à 98 F !) n'empruntent de tortueuses filières qui les fassent subitement surgir d'Italie ou des Pays-Bas. Peine perdue semble-t-il, nos partenaires de la CEE ayant regardé d'un mauvais œil ce qui pouvait paraître en désaccord avec le dogme de la libre circulation des marchandises.

Oxygène

Tandis que la pénétration des importations s'annonce de jour en jour plus forte, les exportations suivent, elles, les prix, ou un peu plus : + 12 % dans le textile, + 14 % dans l'habillement masculin en 1979. Comme la demande est faible (la consommation des ménages a même reculé de 1 % en 1979), la production reste étale, et les effectifs baissent au rythme de 1 à 3 %, selon les sous-secteurs d'activité. Déclin inexorable, certes, mais non sans rémission. La libération des prix industriels, acquise à l'automne de 1978, a même permis des relèvements de prix (qui ont d'ailleurs attiré le regard vigilant du ministère de l'Économie). Ce ballon d'oxygène a permis à un certain nombre de groupes de sortir du rouge, provoquant un arrêt du courant de faillites observé depuis 1976. Après des exercices déficitaires, un groupe comme Dollfus Mieg (4,5 milliards de F de chiffre d'affaires) a sorti les meilleurs résultats de sa carrière au moment où son président, Jacques Biosse-Duplan, cédait la place à Gérard Thiriez pour prendre celle de l'Union des industries textiles.

À l'inverse, les deux autres poids lourds du secteur — Agache-Willot, par sa filiale Boussac Saint-Frères, et la Lainière de Roubaix — continuent à perdre de l'argent, le premier dans le coton et le second dans la laine. Embauché en grande pompe, fin 1978, pour prendre la direction générale de Boussac Saint-Frères, le brillant X-énarque Jacques Darmon est parti précipitamment, un an après et quelques semaines avant que la Commission des opérations de Bourse ne signale quelques anomalies dans la présentation des comptes de la société. Se prévalant de l'importance de leur patrimoine immobilier, les frères Willot n'en continuent pas moins leur course folle, traversant en outre l'Atlantique pour s'emparer de la chaîne de magasins Korvettes, une planche pourrie notoire de la distribution américaine. On peut se demander si la taille de leur groupe (10 milliards de F environ) ne finira pas par dépasser les compétences d'un état-major réduit à deux frères opérationnels entourés d'une poignée de serviteurs fidèles.

Ralentissement

En attendant, la liberté des prix et l'accord multifibres permettent de panser les blessures. Mais ce répit n'a qu'un temps. Dès la fin de 1980, le ralentissement prévisible de la consommation limitera les possibilités de relèvement de prix. Et nul ne peut dire si l'accord multifibres sera reconduit en 1982, comme le souhaitent les industriels français.

Libéraux dans l'âme, les Allemands n'y tiennent pas et ont annoncé, début 1980, que la réorganisation de leur secteur textile était achevée. Nous n'en sommes malheureusement pas là ! La preuve : lorsqu'une bonne PME, dynamique et rentable, comme les Établissements Duhamel — le fameux K Way —, décide de partir à la conquête du marché américain et, ne s'estimant pas assez solide, cherche un tuteur, qui trouve-t-elle pour l'épauler ? L'américain Blue Bell, le roi du Jean — marque Wrangler — dont le bénéfice net représente 7 % de son chiffre d'affaires.

Transports

SNCF et Air France sur la voie du redressement

Prononcés dans certaines enceintes, il y a des mots qui prennent une résonance singulière. Ainsi du mot « bénéfice », prononcé en 1980 par le président de la SNCF, et qui paraissait exclu du vocabulaire de la société nationale depuis longtemps. La mise en œuvre de la politique de libéralisme des pouvoirs publics et la signature d'un nouveau contrat d'entreprise (1979 était sa première année d'application) ont modifié du tout au tout les performances financières des cheminots.