Les journaux sourient en rapportant les débats escamotés, mais consacrent leurs manchettes à un roman d'amour qui se termine par un des plus grands scandales financiers du siècle. Un industriel de la région lausannoise, Eli Pinkas (d'origine bulgare), et sa femme (qui résidait à Cannes) se suicident le même jour après s'être mis d'accord par téléphone. Et les 20 banques, que depuis longtemps ils trompaient, font leurs comptes : Pinkas laisse un fantastique découvert comptable de 215 millions de FS.

Ainsi passent les événements. L'un deux, peut-être, appartiendra davantage à l'histoire. Le 24 octobre 1979, Corinna Bille est morte. Femme de Maurice Chappaz, prix Goncourt de la nouvelle, elle avait 67 ans. Dans le tumulte quotidien, on entend à peine le silence que fait une voix.

Tchécoslovaquie

Prague. 15 140 000. 118. 0,7 %.
Économie. Productions (77) : A 10 + I 73 + S 17. Énerg. (76) : 7 397.
Transports. (*77) : 19 172 M pass./km, 71 550 Mt/km. (*77) : 1 827 700 + 289 800.  : 151 000 tjb. (77) : 1 045 M pass./km.
Information. (75) : 29 quotidiens ; tirage global : 4 436 000. (76) : 3 928 000. (76) : 3 793 000. (75) : 958 700 fauteuils ; fréquentation : 85,9 M. (77) : 2 863 000.
Santé. (76) : 36 858. Mté inf. (77) : 19,6.
Éducation. (76) : Prim. : 1 882 371. Sec. et techn. : 328 544. Sup. (75) : 155 059.
Armée.  : 194 000.
Institutions. État indépendant le 28 octobre 1918. République populaire en 1948. État fédéral depuis le 1er janvier 1969. Constitution de 1960, amendée le 20 décembre 1970. Président de la République et secrétaire général du Parti : Gustav Husak, réélu le 22 mai 1980 ; succède au général L. Svoboda. Premier ministre : Lubomir Strougal.

L'horizon continue de s'obscurcir

La publication d'une biographie illustrée de Staline dans l'hebdomadaire de la jeunesse tchécoslovaque Mlady Svet, à l'occasion du 100e anniversaire de la naissance de l'ancien dictateur (21 décembre), est peut-être ce qu'il y a de plus symbolique au cours de ces douze derniers mois. On peut y ajouter ce témoignage du metteur en scène français Patrice Chéreau, interpellé en octobre 1979 à Prague : au-dessus du bureau du commissaire de police qui l'entend, un seul portrait, celui du petit père des peuples !

Sévérité

De fait, à l'heure où plusieurs des pays du camp socialiste commencent à tolérer une certaine liberté de pensée, sinon de critique, les autorités tchécoslovaques continuent de montrer la plus extrême sévérité, imposant leur ordre à tous et pourchassant sans répit cette minorité marginalisée, mais bien vivante, qui s'est regroupée au sein du mouvement de la Charte 77.

Le monde est alerté, en octobre 1979, par un procès qui va s'ouvrir à Prague : celui de six membres du Comité pour la défense des personnes injustement poursuivies (VONS), l'ingénieur Petr Uhl, le dramaturge Vaclav Havel, le philosophe Vaclav Benda, les journalistes Otta Bednarova et Jiri Dienstbier, la psychologue Dana Nemcova. Signataires de la Charte 77, ils ont été arrêtés le 29 mai 1979 au titre de leurs activités : avoir régulièrement et officiellement alerté les autorités et l'opinion sur les cas d'arrestations et de condamnations d'opposants.

Inique

Mais, en dépit des appels à la clémence (sinon à la simple justice) qui viennent de partout, ils sont, à l'exception de Dana Nemcova, condamnés à la prison ferme : 5, 4 et 3 ans, peines confirmées en décembre par la cour d'appel de Prague.

Faisant fi des protestations multiples (le ministre français des Affaires étrangères J. François-Poncet ajourne le voyage qu'il devait accomplir en Tchécoslovaquie ; l'Humanité qualifie le verdict d'« inique »), le pouvoir, fort de l'appui sans réserve de l'URSS, multiplie interpellations, arrestations, procès. « Le pays, affirme le ministre des Affaires étrangères Bohuslav Chnoupek, n'a pas l'intention de tolérer les menées subversives d'une poignée d'ennemis du socialisme pour se gagner la sympathie de certains milieux étrangers. »

Ces ennemis s'appellent les écrivains Milan Kundera et Pavel Kohout, déchus de leur nationalité en août et en octobre, le sociologue Rudolf Battek, l'avocat Josef Danisz ou le philosophe Julius Tomin, arrêtés ou déjà jugés ces derniers mois. Ce sont les plus connus, mais de nombreux autres sont aussi victimes de cette répression : étudiants, artistes, catholiques (prêtres ou laïcs), etc., et même un faible d'esprit exécuté en décembre pour avoir tenté de franchir par la force la frontière ouest-allemande ! Une amnistie est décrétée le 8 mai à l'occasion du 35e anniversaire de la libération de la Tchécoslovaquie, mais elle ne porte que sur les condamnations ne dépassant pas un an.

Tournant

À ce tableau plus que négatif, il faut en ajouter un autre qui concerne l'économie. Il est aussi noir. Du fait de la crise énergétique mondiale tout autant que de l'insuffisance de la productivité et de la qualité de la production, le plan quinquennal, qui s'achève fin 1980, sera loin d'être réalisé. En 1979, comme pour les trois années précédentes, les objectifs fixés pour l'augmentation du produit national n'ont pas été atteints et l'horizon fin 1980 n'est pas meilleur.