Ce rapport Massenet prévoit un assouplissement des modalités de recrutement ; dans la recherche, l'embauche est en effet l'investissement lourd par excellence, en raison du niveau de qualification requis et du caractère souvent irréversible de l'acte de recrutement.

Mobilité

Un second point est la poursuite d'un équilibre entre les flux d'entrée et de sortie dans la recherche publique. Le nombre des postes est actuellement augmenté, en principe, de 3 % par an : ce taux de croissance est à la fois trop élevé par rapport aux crédits d'équipement, qui sont la grande victime des restrictions budgétaires, et trop faible par rapport aux besoins de renouvellement du personnel. Le résultat est que des milliers de chercheurs nouvellement formés ne trouvent pas de postes. L'augmentation des crédits d'équipement, qui permettrait d'étendre l'activité des organismes de recherche, et même éventuellement d'embaucher davantage de nouveaux chercheurs, n'est pas envisagée dans la conjoncture actuelle.

Le rapport préconise un ensemble de mesures tendant à briser la rigidité des statuts : de la recherche publique et à encourager les chercheurs qui y travaillent à en sortir, soit pour s'engager dans la recherche privée, soit même pour occuper quelque temps des postes en dehors de la recherche. Le chercheur du service public qui veut prendre le risque de créer lui-même une entreprise ne devra plus être obligé de démissionner sans espoir de retour. S'il accepte de passer une partie de sa carrière dans le secteur privé il gardera la possibilité de réintégrer le secteur public, sans diminution, et éventuellement avec une augmentation de ses perspectives de carrière. Parallèlement, il convient d'encourager les industriels et chefs d'administrations publiques à engager des chercheurs détachés momentanément de leurs services.

Évaluation

Une autre mission, confiée à Pierre Mayer, vise à évaluer les résultats de la recherche. Il s'agit avant tout de codifier une méthodologie permettant de déterminer les points forts et les points faibles de la recherche française, et, pour ces derniers, d'estimer les effets que leur faiblesse peut avoir sur d'autres disciplines. Un rapport sur le même sujet est également établi par la DGRST, organisme chargé de coordonner l'activité des établissements de recherche. Sans attendre les conclusions de ces rapports, des commissions d'experts extérieurs aux organismes entreprennent de les regarder fonctionner et de procéder à une évaluation. Cette procédure d'audit est inaugurée à l'INRA au cours des derniers mois de 1978. Les résultats sont examinés au cours du Conseil des ministres du 10 janvier 1979. Le 17 janvier, le gouvernement lance trois autres missions d'évaluation en direction du CNES, du CNET et de l'IRT. Ces travaux devaient aboutir, vers le milieu de l'année, à la publication d'un premier tableau de bord de la recherche française, adressé notamment aux parlementaires avant le débat sur la recherche qui est prévu pour la session de printemps.

Réforme

Le Centre national de la recherche scientifique, organisme massif qui possède en propre 130 laboratoires et participe à l'activité de 800 laboratoires avec lesquels il est associé, et qui emploie 7 000 chercheurs, 1 300 ingénieurs et techniciens et 800 administratifs, sera l'objet d'une restructuration. Une part de la gestion actuellement prise en charge par son administration centrale sera confiée à des administrateurs placés auprès des laboratoires ou des universités. En revanche, le conseil d'administration verra renforcer ses pouvoirs. De simple organisme de contrôle, il deviendra un organe politique où seront représentés les utilisateurs de la recherche.

Bien que la vocation du CNRS soit surtout la recherche fondamentale, dont les applications ne sont pas toujours immédiates ni même prévisibles, les options qu'il prend ont des conséquences à court terme sur la recherche appliquée, à moyen et à long terme sur toutes les activités productives. La réforme tend donc à rapprocher le CNRS des utilisateurs, d'une part en orientant la recherche vers des objectifs jugés prioritaires ; d'autre part, en faisant mieux connaître aux utilisateurs éventuels les possibilités des organismes dépendant du CNRS. Les laboratoires publics seront incités à s'associer à des entreprises — notamment à des PME — pour étudier avec elles les mêmes thèmes de recherche. Ces actions concertées seront appuyées par le Fonds de la recherche, instrument grâce auquel le gouvernement injectera directement des crédits aux points choisis par lui, la perspective générale étant d'associer plus étroitement la recherche à la vie économique du pays.

Contestation

Le plan Aigrain rencontre l'opposition des chercheurs, qui lui reprochent d'accentuer une politique, amorcée déjà il y a quelques années, d'asservissement de la recherche publique aux intérêts du secteur privé. Au CNRS, tous les syndicats lancent un mot d'ordre de grève nationale le 1er février. Selon les contestataires, une part de plus en plus importante du pouvoir de décision concernant les orientations scientifiques d'organismes tels que le CNRS ou l'INSERM échappe aux instances scientifiques élues au profit de comités nommés, et une partie croissante du financement des organismes leur est attribuée sur des programmes imposés de l'extérieur.