Deux obstacles principaux : il faut se débarrasser de l'azote 14 qui, étant de même poids atomique, vient troubler l'enregistrement de C 14. D'autre part, les mesures seraient très salissantes pour les accélérateurs eux-mêmes... Ce qui ne satisfait évidemment pas les autres utilisateurs de ces coûteux appareils.

Calcium 41

Deux physiciens d'Orsay, Reisbeck et Yiou, proposent un nouveau procédé de datation des ossements, applicable aux fossiles dont l'âge est de l'ordre de la centaine de milliers d'années. Il utilise un isotope radioactif du calcium, le Ca 41, qui se désintègre par émission de rayons X de faible énergie, avec une période de 130 000 ans. Comme le C 14, le Ca 41 aurait disparu depuis longtemps de la nature terrestre s'il ne s'en reformait constamment sous l'action du rayonnement cosmique secondaire (c'est-à-dire des particules résultant de l'impact sur l'atmosphère du rayonnement cosmique primaire).

Les os des vertébrés vivants contiennent, sous forme de phosphate, du calcium d'origine végétale ; le Ca 41 en constitue un millionième de milliardième. Si, après la mort, le squelette se trouve à l'abri du rayonnement cosmique (dans une grotte, par exemple), cette quantité diminue avec le temps. Il suffirait de la connaître pour évaluer l'âge de l'os. Jusqu'ici cette mesure n'était pas réalisable, en raison de la trop faible teneur en Ca 41.

Ce problème de détection de quantités très faibles se pose pour d'autres isotopes radioactifs. Comme pour le C 14, les accélérateurs ont apporté une solution. En collaboration avec les physiciens du cyclotron de Grenoble, les chercheurs d'Orsay ont d'abord développé une technique de détection du béryllium 10 (période : 1 million 500 000 ans), puis, grâce à l'accélérateur Alice d'Orsay, ils ont détecté des quantités infimes d'aluminium 26 (période : 730 000 ans) et enfin de calcium 41.

La vie

Biologie

L'industrie s'apprête à utiliser le génie génétique

Tout en remportant de nouveaux succès, le génie génétique bénéficie d'un allégement des consignes de sécurité qui lui avaient été imposées en 1975.

Insuline

Une fraction de milligramme d'insuline humaine a été fabriquée par la bactérie Escherichia coli au début de septembre 1978. Cette grande première a été réalisée par les deux équipes de chercheurs qui avaient déjà réussi à faire produire par la même bactérie une autre hormone humaine, la somatostatine (Journal de l'année 1977-78).

La molécule d'insuline active est constituée par le couplage de deux chaînes protéiques, qu'on désigne par A et B. La production de l'insuline s'est déroulée en deux étapes. Tout d'abord, au lieu d'isoler les gènes naturels des deux chaînes A et B, l'équipe de K. Itakura, de Los Angeles, a synthétisé des gènes artificiels. Puis l'équipe de H. W. Boyer, à San Francisco, les a introduits séparément dans un plasmide (fragment d'ADN) d'Escherichia coli. Ces gènes, associés à un gène marqueur et opérateur (tout comme pour la fabrication de la somatostatine), ont été induits à fabriquer séparément les chaînes A et B, qui ont ensuite été extraites de la bactérie et mélangées. À l'épreuve des tests chimiques et des essais radio-immunologiques, la protéine formée par la synthèse de A et B s'est révélée identique à l'insuline humaine.

Produite à l'échelle industrielle par Escherichia coli, l'insuline humaine serait moins coûteuse que celle qui est extraite actuellement à partir du pancréas de bœuf. Elle résoudrait le problème des 5 % de diabétiques qui sont allergiques à l'insuline d'origine animale. Plusieurs laboratoires américains, dont la Eli Lilly Corporation, Genentech et Cetus, envisagent pour un avenir très proche la production de médicaments bon marché à base d'hormones — dont l'insuline — par le procédé du clonage (production massive de bactéries à partir de la bactérie modifiée).

Ovalbumine

D'autres séries de recherches sur le génie génétique, menées à l'Institut Pasteur de Paris par plusieurs équipes françaises sous la direction de Philippe Kourilsky, ont abouti en octobre 1978 à faire synthétiser par Escherichia coli une protéine de grande taille très voisine de l'ovalbumine du poulet, principal constituant du blanc d'œuf. Comme pour l'insuline humaine, les chercheurs sont partis d'un gène artificiel, auquel est adjoint un gène opérateur reconnu par la bactérie. Mais le rendement est beaucoup plus élevé que pour l'insuline : chaque bactérie produit de 50 000 à 100 000 molécules d'ovalbumine.

Bacillus subtilis

Les souches d'Escherichia coli employées dans les expériences de génie génétique sont incapables de coloniser l'intestin humain ; EK 12, la plus utilisée et la mieux connue, n'y survit que quelques jours ; quant à la souche X 1776, elle ne peut croître que sur un milieu synthétique complexe. Cependant, pour éliminer tout risque de contamination, on cherche à les remplacer par des micro-organismes totalement inoffensifs pour l'espèce humaine. L'une des espèces les plus prometteuses est Bacillus subtilis. Cette bactérie, vivant normalement dans le sol, est dépourvue de plasmide à l'état naturel ; mais on a réussi récemment à y introduire un plasmide provenant d'une autre espèce bactérienne, ce qui la rend apte, elle aussi, à cloner des fragments d'ADN étranger et à fabriquer des protéines étrangères.