À mentionner aussi, plus sympathique que convaincant, Mais où est donc Ornicar ? de Bertrand Van Effenterre (pour Brigitte Fossey et Géraldine Chaplin), La tortue sur le dos, de Luc Béraud, et Le passe-montagne, de Jean-François Stevenin. Et aussi Félicité, premier film autobiographico-psychanalytique de la comédienne Christine Pascal, qui a déconcerté le public de Cannes par la crudité de la confession.
Enfin, il faut saluer le beau Molière, d'Ariane Mnouchkhine, qui, malgré l'accueil très froid de Cannes en 1978, a tout de même tenu l'affiche tout au long de la saison. Et le succès, posthume pour l'un de ses auteurs, René Goscinny, de la bande dessinée française inspirée des aventures de Lucky Luke, La ballade des Dalton.
Pour terminer sur une note optimiste, on peut applaudir au prix (de consolation !) obtenu à Cannes par le quatrième film de Jacques Doillon, La drôlesse. Un huis clos sentimental, pudique et tendre entre une petite fille et un adolescent retardé. Deux interprètes inconnus, une écriture nette, sans fioritures, une émotion retenue : c'est peut-être, dans l'intimisme toujours, mais enfin débarrassé de la facilité complaisante trop souvent envahissante, la nouvelle voie que pourra emprunter le cinéma français pour conquérir, qui sait ?, les marchés étrangers...
– Production : 327 films, contre 222 en 1977. Mais cette forte augmentation est à corriger : sur ce total, 167 films ont été classés X (films pornographiques) contre 78 l'année précédente, soit une augmentation dans cette catégorie de 114 % !
Sur les 160 films hors porno (144 en 1977), on compte 44 coproductions (contre 32 l'an dernier). À noter : 105 films français (hors porno) ont coûté moins de 2 millions.
– Spectateurs : 177 248 millions. En hausse de 5,08 % par rapport à l'année précédente. À noter : la continuité de l'effondrement du film français au profit du film américain. Le secteur X représente 6 % des entrées.
– Recettes : 2 097 millions. En hausse de 15,07 % par rapport à 1977.
– Premières œuvres : 43 (43 en 1977).
– Courts métrages : 509 (484 en 1977).
– Salles : 4 426 salles (il s'agit des salles payantes équipées en 35 mm), contre 4 410 en 1977. Légère diminution du nombre des fauteuils : 1 522 793 contre 1 601 370 l'année précédente.
– Salles classées « art et essai » : 669 (617 en 1977).
– Coût moyen d'un film : 2,36 millions (2,70 millions en 1977). À noter : ce coût est de 0,20 million pour les films X et de 4,91 millions pour la production hors porno.
États-Unis
Grands triomphateurs de l'année, tant sur le plan commercial que sur celui de l'inspiration, les États-Unis semblent bien retrouver, depuis quelque temps, un second souffle : tandis que les grands anciens continuent d'éblouir par leur maîtrise, que catastrophes (en perte de vitesse) et disco alimentent les tiroirs-caisses, plusieurs nouveaux venus ont révélé, ou confirmé, leur vigoureux talent. En ne craignant pas d'aborder des sujets brûlants.
Le plus brûlant, bien sûr, c'est encore le Viêt-nam. Après Retour, l'an dernier, et deux films moins importants, Le merdier, de Ted Post et Les guerriers de l'enfer, de Karel Reisz, c'est, avant l'événement qu'a constitué, à Cannes — et dans une copie de travail — la projection spectaculaire d'Apocalypse now, de Francis Ford Coppola — un monument, par son coût, sa longueur, les péripéties du tournage dans la jungle des Philippines, sa violence et sa beauté formelle —, le très remarquable Voyage au bout de l'enfer qui a dominé l'année. Réalisé par un inconnu, Michaël Cimino, grand vainqueur des oscars d'Hollywood, ce film fleuve conte le départ, la guerre et le retour de trois Gls choisis dans cette majorité silencieuse de l'Amérique profonde, qui, contrairement aux intellectuels, ne se posait pas de questions sur son engagement au Viêt-nam.
Dans un tout autre registre, un autre Américain domine la saison : Woody Allen. Le petit juif disgracieux, qui cachait son angoisse sous des plaisanteries parfois plus ou moins douteuses, a étonné le monde entier — déjà définitivement conquis par Annie Hall — avec un film grave, sensible et très beau, sans aucun désir de faire rire, mais, au contraire, profondément émouvant : Intérieurs. Un film qui fait beaucoup penser à Ingmar Bergman. Et puis, à Cannes, ce fut l'unanimité passionnée autour de Manhattan. En noir et blanc, sur fond musical de Gershwin, cet autoportrait d'un intellectuel new-yorkais, où le metteur en scène incarne à nouveau, face à Diane Keaton toujours, le principal personnage, fut pour beaucoup le meilleur film du Festival.
Comédies musicales
L'adaptation à l'écran de la célèbre comédie musicale Hair, qui a ouvert le festival, reste un grand moment de Cannes 1979. Milos Forman, Tchèque aujourd'hui naturalisé américain, qui a signé la réalisation, a su avec un constant bonheur intégrer la musique et la chorégraphie à la réalité de cette saga des hippies qui, préférant l'amour à la guerre, brûlent leur livret militaire et refusent d'aller au Viêt-nam.