Quant à ces derniers, ils se sont regroupés dans le Front élargi d'opposition, qui est également très hétérogène puisqu'il regroupe, outre les trois centrales syndicales du pays, une dizaine de formations politiques, dont le Mouvement démocratique nicaraguayen, présidé par le leader du groupement patronal.
Les sanctions imposées par les États-Unis, le 8 février 1979, semblent marquer un tournant important. Elles confortent dans son action l'opposition sandiniste, qui reprend ses opérations de harcèlement avec des effectifs plus importants et un armement plus puissant. Pour la première fois depuis près de cinquante ans, l'épuisement presque total des devises de la Banque centrale impose une dévaluation du cordoba, en avril 1979, de l'ordre de 40 %. Le voyage éclair de Somoza aux États-Unis (8-14 avril) ne semble pas apporter de solution aux difficultés financières du pays.
Hésitations
Somoza aux abois, une certaine redistribution des forces politiques s'effectue ; alors que les trois tendances du Front sandiniste annoncent leur unification (7 avril) et lancent (10 avril) un appel à l'insurrection générale, que la ville d'Esteli est le théâtre d'affrontements extrêmement violents et d'une répression atroce (on compte 10 000 sinistrés sur une population totale de 40 000 habitants), le Front élargi d'opposition prend ses distances à l'égard du Front patriotique.
L'octroi, par le Fonds monétaire international, le 14 mai 1979, grâce à un vote favorable du représentant des États-Unis, d'un prêt de 65,7 millions de dollars au Nicaragua, illustre à nouveau les hésitations américaines à abandonner le vieux dictateur.
Cette aide du FMI ne décourage pas le Front sandiniste, qui lance une nouvelle offensive le 29 mai. Avec une armée désormais équipée, encadrée et dotée de moyens puissants, il multiplie les embuscades et mène une véritable guerre conventionnelle. Le mot d'ordre de grève générale, lancé pour le 4 juin, est largement suivi, même s'il n'a pas, cette fois, le soutien des milieux d'affaires. La déclaration de l'état de siège, le 6 juin, ne fait que renforcer l'offensive des sandinistes contre un régime de plus en plus isolé diplomatiquement (le Mexique, Panama, l'Équateur rompent leurs relations diplomatiques, bientôt suivis par le Brésil et le Pérou).
Gouvernement provisoire
Le pays est devenu un immense champ de bataille noyé dans un bain de sang ; la population, privée d'eau, d'électricité, de vivres, fuit quand elle le peut. Dans la seule ville de Managua, les combats auraient fait 10 000 morts. Un gouvernement provisoire de 5 membres, dominé par les sandinistes mais comptant des personnalités modérées, est formé le 16 juin. Il reçoit rapidement l'appui de Cuba, annoncé le 19 juin, et la caution implicite des pays du Pacte andin (Venezuela, Colombie, Équateur, Pérou, Bolivie) qui reconnaissent aux guérilleros la qualité de belligérants, cependant que les États-Unis admettent, le 18 juin, le Front comme « un élément légitime de l'opposition ».
Décision US
L'Organisation des États américains se réunit en session extraordinaire le 21 juin, à la demande de Washington qui préconise, par la voix de son secrétaire d'État, « le remplacement du gouvernement actuel par un gouvernement provisoire de réconciliation nationale », qui devrait marquer « une claire rupture avec le passé », et l'envoi d'une force de paix au Nicaragua. Bien que le nom de Somoza ne soit pas prononcé, c'est la première fois qu'un responsable américain demande ouvertement son départ. L'assassinat d'un journaliste américain, Bill Stewart, par la Garde nationale et la certitude acquise par les États-Unis de l'aide cubaine à la révolution sandiniste expliquent la déclaration spectaculaire de Cyrus Vance. Cependant, la position américaine — sa volonté d'intervention directe qui traduit ses hésitations à lâcher le vieux dictateur — suscite de sérieuses réserves auprès de tous les pays latino-américains. Les États-Unis doivent finalement se rallier à la solution préconisée par la majorité des membres de l'OEA, qui adopte, le 24 juin, par 17 voix sur 27, une résolution demandant « le remplacement immédiat et définitif du président Somoza », sans qu'il soit fait mention de la force d'intervention américaine.
Abandon de Managua
Échec militaire incontestable, l'abandon de Managua par les sandinistes, dans la nuit du 27 au 28 juin, est aussi l'abandon d'une stratégie jugée mauvaise, celle qui consistait à se rendre à tout prix maître de la capitale au lieu de consolider les positions acquises en province, notamment dans le sud du pays. Ce repli risque de livrer une population déjà terriblement atteinte par la guerre à la plus terrible des répressions de la part des somozistes.