Le général Leigh, dans une interview accordée au journal italien Corriere della sera, se prononce en faveur d'un retour à la « normalité démocratique » d'ici à cinq ans. Quelques mois plus tôt, il s'était déjà opposé à la tenue du référendum du 4 janvier 1978 organisé par le général Pinochet, afin de rejeter les accusations de l'ONU sur d'éventuelles violations des droits de l'homme au Chili (Journal de l'année 1977-78) et avait jugé le coût social de l'économie de marché trop élevé. Il avait, d'autre part, combattu le personnalisme manifesté par le gouvernement.

Le général Leigh est démis de toutes ses fonctions le 24 juillet 1978. Un communiqué officiel indique que son éviction a été approuvée par les deux autres membres de la junte, le chef de la police nationale, le général Cesar Mendoza, et le chef d'état-major de la marine, le général Jose Merino. Dans une longue lettre, les ministres expriment au général Leigh leur « profonde surprise » devant les conceptions qu'il a exposées et jugent son intervention « malheureuse » dans la mesure où elle a coïncidé avec la visite au Chili d'une commission des droits de l'homme des Nations-Unies.

Tandis que le général Leigh est remplacé à la tête des forces aériennes par le général Fernando Matthei et que huit officiers supérieurs sont appelés à abandonner l'armée de l'air, le chef de l'État, le président Pinochet, affirme que la situation dans le pays est « normale et calme » et que l'armée et la police poursuivent leur « tâche historique de reconstruction du pays ».

Différend

La commission mixte qui, depuis six mois, étudiait le contentieux existant avec l'Argentine à propos de trois îlots situés au débouché du canal de Beagle, paraphe, le 2 novembre, deux accords sans parvenir pour autant à rapprocher les positions des deux pays sur les principaux points en litige. La situation se tend dangereusement au début de décembre. Le gouvernement américain et le pape Jean-Paul II entreprennent des démarches pour éviter que les deux pays n'entrent en guerre à ce propos.

L'Argentine rejette, le 21 décembre, la proposition chilienne de médiation du Saint-Siège, mais accepte tacitement le lendemain l'envoi d'un « représentant de bonne volonté » du pape chargé d'une « mission exploratoire » à Buenos Aires et à Santiago. Les négociations s'en trouvent relancées et, le 8 janvier 1979, l'Argentine et le Chili signent à Montevideo un accord par lequel ils renoncent à recourir à la force dans leur querelle frontalière. Une conférence de conciliation s'ouvrira à Rome en avril.

Entre-temps, cependant, les relations entre le Chili d'une part, le Pérou et la Bolivie d'autre part, se sont également dégradées. Le 28 décembre 1978, quatre diplomates chiliens en poste à Lima ont été accusés d'espionnage et expulsés. Pour les mêmes motifs, l'ambassadeur du Chili au Pérou est déclaré persona non grata le 20 janvier 1979. Au même moment, une trentaine de ressortissants chiliens sont expulsés de Bolivie. La Bolivie, qui revendique un accès au Pacifique, prend vivement le Chili à partie. « Il n'y aura pas de paix sur le continent, déclare-t-on à La Paz, tant que la Bolivie restera privée de son littoral ».

Économie

À l'intérieur, certains progrès ne sont pas contestables. Ainsi, le taux d'inflation, qui avait atteint les 1 000 % en 1973 et était tombé à 340 % en 1975 et à 60 % en 1977, ne dépasse plus 30 % en 1978. Mais le chômage demeure fort élevé : 13 % selon les statistiques officielles, 20 % d'après l'opposition.

Dans certains secteurs, le mécontentement des salariés est particulièrement vif et la répression sévère. Dans la province minière d'El Loa, où se trouve le plus grand gisement de cuivre à ciel ouvert du monde, l'état de siège est décrété le 1er septembre 1978. Il ne sera levé que le 28 février 1979.

Le gouvernement, désireux d'éviter un boycottage de l'Organisation régionale interaméricaine des travailleurs (ORIT), a décidé d'autoriser de nouveau, en janvier, des activités syndicales dans les entreprises. Au demeurant, dès le 31 octobre, pour la première fois depuis 1973, un demi-million de Chiliens ont eu la possibilité de renouveler leurs représentants syndicaux. Mais les travailleurs du secteur public ainsi que sept centrales syndicales dissoutes deux semaines auparavant, après avoir été accusées d'« orientations marxistes », ont été exclus de la consultation.

Droits de l'homme

Un rapport de la commission de l'ONU sur les droits de l'homme indique, à l'automne 1978, que 378 personnes ont été arrêtées pour des raisons politiques ou de « sécurité nationale » de janvier à fin octobre, contre 346 en 1977 et 552 en 1976. Six cents autres personnes auraient disparu. À plusieurs reprises, l'épiscopat chilien, au risque de s'attirer les foudres des autorités, exprime ses préoccupations à ce sujet et organise même, du 22 au 25 novembre 1978, un colloque international à Santiago.