Trois sociétés, la CII (Compagnie internationale pour l'informatique), émanation du Plan calcul français, Siemens (Allemagne fédérale) et Philips (la société multinationale hollandaise), ont réuni leurs départements ordinateurs dans une société européenne baptisée UNIDATA.

Décision fondamentale pour l'Europe : les trois sociétés devront créer une gamme unique d'ordinateurs compatibles entre eux. Les options techniques de base sont donc à prendre (ou sont même sans doute déjà prises) sur la technologie et la structure des ordinateurs européens. Ce sont aussi des problèmes techniques qui ont écarté du nouveau groupe européen la société anglaise ICL : depuis longtemps elle a choisi de faire cavalier seul en adoptant des normes et des conceptions très différentes de celles d'IBM, qui, bon gré mal gré, ont été adoptées par tous les constructeurs. L'association à trois, CII, Siemens et Philips, exclut tout contact direct avec la technologie américaine.

La stratégie de la nouvelle société, comme celle de tout constructeur d'ordinateurs, dépend du comportement du leader de la profession, IBM. Ce dernier n'a pas annoncé de nouvelle série d'ordinateurs. Mais chacun sait qu'il en prépare une. Pour le moment, IBM s'est contenté d'améliorer sa gamme de périphériques et de perfectionner l'emploi des ordinateurs de la série 370 en généralisant l'usage des mémoires virtuelles.

Mémoires

Ce qui manque le plus souvent à un ordinateur, ce n'est pas la rapidité avec laquelle il peut exécuter les opérations qui lui sont demandées, mais le volume de sa mémoire, du moins de sa mémoire centrale. IBM a donc décidé d'installer sur la plupart de ses ordinateurs un dispositif de programmation qui permet d'agir comme si l'on disposait d'une mémoire beaucoup plus importante que celle qui existe réellement. Au lieu d'être obligé de découper son programme en tranches de manière qu'aucune ne dépasse la capacité de la mémoire centrale, l'utilisateur peut livrer le programme en entier. Une partie s'en trouvera enregistrée dans la mémoire centrale, l'autre dans une mémoire auxiliaire à grande capacité (tambour magnétique) et à accès rapide, d'où l'ordinateur tirera lui-même les tranches successives au fur et à mesure des disponibilités de la mémoire centrale. L'ensemble constitue la mémoire visuelle, dont la capacité est plusieurs fois supérieure à celle de la mémoire réelle (centrale), au prix d'un amoindrissement de la rapidité des calculs.

Les avantages de cette méthode ont d'abord été contestés, mais, finalement, les autres constructeurs se sont mis à offrir l'équivalent à leurs clients.

Les mémoires virtuelles sont typiques de la nouvelle orientation prise par l'informatique. Les progrès techniques des circuits sont tels qu'on ne cherche plus à en tirer le maximum de rapidité. Les constructeurs tentent plutôt de fournir les machines les plus sûres et les plus pratiques. Ces commodités nouvelles se paient, mais leur coût n'est pas tel qu'il rebute les acheteurs, au contraire.

Banques

Les ordinateurs doivent également se plier à de nouveaux types d'utilisation. Tel est le mode conversationnel. Un gros ordinateur est relié à un grand nombre de terminaux. À chacun de ces terminaux un utilisateur pose à l'ordinateur les questions qui l'intéressent. L'ordinateur répond immédiatement ou presque. Chaque questionneur a donc l'impression d'être en conversation avec un interlocuteur unique, son ordinateur. Ce mode d'exploitation est directement lié à la mise au point et à la mise en place de terminaux spécialisés. Les meilleurs visualisent leurs réponses sur un écran.

On commence aussi à connecter les ordinateurs entre eux pour faire des réseaux. Le client ne dialogue plus avec une seule machine, mais avec toutes celles du réseau. Il peut utiliser des renseignements stockés dans la mémoire de l'une ou de l'autre. La mise au point d'ensembles aussi complexes n'exige pas seulement des progrès dans la programmation, mais en outre l'emploi d'ordinateurs particulièrement adaptés. Un tel réseau doit permettre à un grand nombre d'utilisateurs de s'en servir en même temps sans que les travaux des uns puissent interférer avec ceux des autres, permettant à certains clients d'avoir accès à des données qui sont interdites aux autres...