Claude Guillemin caractérise notre manière de vivre comme celle d'une société de gaspillage bien plus que d'une société de consommation, et souhaite l'avènement d'une géopolitique internationale imposée à tous les États. Il trouve des motifs d'optimisme dans l'attitude actuelle des responsables américains de la politique des matériaux.

Tout en reconnaissant au club de Rome et au MIT le mérite d'avoir provoqué une prise de conscience des périls écologiques et des problèmes posés par un développement sauvage de la production industrielle, Christopher Freeman et Claude Guillemin rejettent son catastrophisme et, plutôt qu'une utopique halte à la croissance, ils préconisent sa rationalisation : il ne s'agit pas de mettre le progrès technologique en veilleuse, mais au contraire de faire appel à lui autrement qu'on l'a fait jusqu'ici.

Techniques

Accélération des programmes nucléaires

La disette d'énergie qui sévit depuis plusieurs années aux États-Unis s'est généralisée et amplifiée avec la guerre du Kippour et la nouvelle politique restrictive des pays producteurs de pétrole.

Menacés dans l'immédiat, et encore plus à terme, dans leurs approvisionnements pétroliers – qui constituent selon les cas jusqu'à 80 % de leurs approvisionnements énergétiques totaux –, les grands pays consommateurs ont généralement réagi en accélérant leurs programmes d'équipement nucléaire.

PWR

Le fait le plus saillant de cette accélération est l'accentuation du succès des réacteurs à eau légère sous pression (PWR, Pressurized Water Reactor), ou à ébullition (BWR, Boiling Water Reactor). Aux États-Unis, un record absolu a été atteint au cours de l'année 1973 avec 39 réacteurs commandés, dont 31 PWR (qui distancent nettement tous les autres), 7 BWR et 1 surgénérateur rapide prototype. Nous entrons maintenant dans l'époque où les centrales commandées depuis plusieurs décennies sont mises en service. Au cours des prochaines années, ce phénomène ira en s'amplifiant ; de nombreux pays demanderont une part importante de leur électricité aux réacteurs nucléaires. Les États-Unis, fin 1973, avaient 42 réacteurs commerciaux en fonctionnement, représentant une capacité installée de près de 26 000 MWé, soit à peu près 5,6 % de toute leur capacité électrique. À ce chiffre, il faut ajouter 56 réacteurs en construction (54 000 MWé, plus que la capacité électrique totale d'un pays comme la France), 101 réacteurs en commande ferme (110 000 MWé), 14 en option (15 000 MWé), soit un total de 213 réacteurs avec une capacité de 205 000 MWé.

Toutes proportions gardées, le phénomène est le même partout. Les grands pays consommateurs d'énergie ont tendance à miser encore plus sur le nucléaire que les États-Unis, car ils ne peuvent s'appuyer comme ceux-ci sur des réserves considérables de combustibles fossiles. On assiste depuis la mi-1973 à une accélération des programmes d'équipement électronucléaire au Japon, en Allemagne, en Italie, etc. La Grande-Bretagne a été le théâtre d'une petite révolution : après de longues années de discussions et de réorganisation industrielle (qui ont abouti à la formation d'un consortium unique, la National Nuclear Corporation), le Central Electricity Generating Board s'est prononcé lui aussi en faveur des réacteurs à eau légère.

Commandes

La France a décidé, à la fin de l'année 1973, de doubler les programmes d'équipement prévus, c'est-à-dire de les porter à une moyenne de cinq réacteurs par an, en favorisant parallèlement un développement plus rapide de l'utilisation de l'électricité dans de nouveaux secteurs de consommation. L'importance de ce programme a justifié aux yeux d'EDF le choix d'un second fournisseur, la Compagnie générale d'électricité (CGE, le premier fournisseur, Framatome, résultant de l'association de Creusot-Loire avec Westinghouse). La CGE a reçu commande, fin 1973, de deux réacteurs de 995 MWé à eau bouillante du type BWR-6 de General Electric, pour le site de Saint-Laurent-des-Eaux où fonctionnent déjà deux réacteurs à gaz-graphite et uranium naturel (Journal de l'année 1967-68), commande complétée par une option pour six autres réacteurs.