Aménagement du territoire
La réforme communale
On attendait la réforme régionale ; ce fut la réforme communale qui survint. Tandis que, sur le devant de la scène du petit théâtre politique français, leaders de la majorité et de l'opposition s'arrachaient le drapeau de la région, dans les coulisses, le ministre de l'Intérieur, lui, projetait dans l'espace les grandes lignes d'une nouvelle géographie des communes de France.
La région, il est vrai, devait, de l'été 1970 au printemps 1971, passer par de bien surprenants méandres. Dès la fin du mois d'août, Jacques Chaban-Delmas déclare renoncer aux expériences de régionalisation qui devaient être menées dans deux régions pilotes. Ce faisant, le Premier ministre reconnaît la primauté du chef de l'État, dont la méfiance instinctive à l'égard de tout bouleversement se renforce au spectacle des heurs et malheurs qui secouent l'Italie en proie à la régionalisation.
Pouvoir régional
Au cours d'un voyage en Alsace en juin, puis lors de sa conférence de presse du 2 juillet 1970, Georges Pompidou marque sa préférence pour des formules plus timorées, décentralisation et déconcentration, et sa méfiance pour tout ce qui semblerait tendre à la création d'une structure administrative supplémentaire.
L'opposition tente alors, selon la formule de Christian Fouchet, de reprendre les vêtements laissés sur la rive par les héritiers du Général. Jean-Jacques Servan-Schreiber, secrétaire général du parti radical, est le plus virulent, qui veut faire du « pouvoir régional » le fer de lance du combat contre l'État UDR ; tandis que communistes et socialistes refusent le choix entre le « centralisme pompidolien et le morcellement préconisé par le député de Nancy ».
Sentant le danger d'une campagne lancée dans un pays en proie à l'omnipotence des bureaux parisiens, irrité par l'accusation de conservatisme portée contre lui, le président de la République va finalement se décider à la contre-attaque. Le 30 octobre 1970, il le fera symboliquement à Lyon, là même où le général de Gaulle avait proclamé le 24 mars 1968 que l'effort multiséculaire de centralisation ne s'imposait plus. Mais, loin des grands desseins de son prédécesseur, Georges Pompidou proclame qu'il s'agit « de créer sans détruire, de rénover en partant de ce qui est et en commençant par la base, au lieu de prétendre imposer des superstructures technocratiques à nos structures traditionnelles ».
Pour atteindre ces objectifs, la région doit, selon la nouvelle construction élyséenne, être conçue comme une union de départements permettant la réalisation et la gestion rationnelle des grands équipements collectifs. Face au préfet représentant l'État, et dont les pouvoirs ont été sensiblement accrus, le président de la République admet la création d'une assemblée élue, émanant des collectivités locales, et complétée par un organisme de consultation des éléments sociaux et professionnels de la région.
Mais, avant d'en arriver là, il faut commencer par le commencement ; c'est-à-dire entreprendre sans attendre la réforme départementale (avec notamment la création envisagée de 400 cantons urbains) et, surtout, la réforme communale.
Deux lois
Une première loi est promulguée le 31 décembre 1970 sur la gestion municipale et les libertés communales.
Une seconde loi est votée par l'Assemblée nationale le 4 juin 1971 ; le projet est défendu par Raymond Marcellin, ministre de l'Intérieur. Il vise à réduire d'environ 10 000 le nombre des 37 657 communes de France. Sera-t-il suffisant ? Au moment d'ébranler par ses fondations la pyramide érigée par Napoléon, la France des élus et des notables, celle des petits bourgs doucettement endormis à l'ombre du XIXe siècle comme celle des cités atteintes par la marée noire de l'urbanisation, hésite. De la commune à la région, lentement, pas à pas, le chemin reste pavé d'obstacles.
La fusion
Les dispositions du projet voté le 4 juin 1971 ne visent pas seulement à fusionner les plus petites communes (4 000 comptent moins de 100 habitants) ; il organise une procédure originale applicable à l'ensemble des municipalités.