En toile de fond à ce rapport, l'ardente nécessité de maîtriser les problèmes de l'emploi dans une région aux allures de petite Ruhr, qui comptait 3 185 000 habitants en 1968 et pourrait en rassembler entre 4,6 et 5,6 millions à la fin du siècle. Or, 30 000 à 40 000 agriculteurs sur 100 000 quitteront leurs terres et 75 000 mineurs leurs puits d'ici à 1985, tandis que le textile régresse. Déjà, de 1962 à 1968, 50 000 actifs ont quitté la région, alors que la construction du complexe portuaire de Dunkerque attire des travailleurs étrangers.

L'installation de plusieurs usines, d'automobiles notamment, a pourtant permis de créer 50 000 emplois en trois ans. Mais cet effort n'est pas considéré comme suffisant par les experts de l'OREAM : « Dans une hypothèse de stagnation, le Nord déverserait sur la région parisienne, proche et attractive, un excédent massif de migrants suffisant pour peupler à lui seul, dans les trente ans, toutes les villes nouvelles qu'on y construira. »

Telle est l'épineuse question posée aux pouvoirs publics et au nouveau Commissaire à la conversion industrielle dans la région du Nord par le schéma directeur de l'OREAM.

Basse-Normandie

Création de la communauté urbaine de Cherbourg par un décret du 2 octobre 1970 : c'est le troisième regroupement communal volontaire réalisé en France, après ceux de Dunkerque et de Montceau-les-Mines (la création d'office de communautés urbaines avait été décidée par la loi du 31 décembre 1966 pour les quatre métropoles régionales de Bordeaux, Lille, Lyon et Strasbourg).

Les six municipalités qui ont décidé de se marier sont : Cherbourg (41 000 hab.) et Octeville, aux élus d'obédience UDR ou modérés ; Equeurdreville-Hainneville et Tourlaville, fiefs socialistes ; Querqueville et La Glacerie, communes semi-rurales. En tout, plus de 80 000 habitants, administrés par un conseil de 50 délégués.

L'union sacrée entre les élus de tendances divergentes a été facilitée par les promesses de la délégation à l'Aménagement du territoire. La délégation a, en effet, décidé d'accorder les mesures de désenclavement et d'industrialisation réclamées unanimement, d'ailleurs, par l'ensemble des élus qui se retrouvent dans le Conseil de la communauté.

Haute-Normandie

À la veille des élections municipales de mars 1971, la municipalité du Havre a voulu connaître de façon précise les vœux de ses administrés : 34 000 personnes (sur 120 000 consultées) ont répondu à un questionnaire sur les équipements souhaités. La création de foyers pour personnes âgées vient au premier rang : 25 000 personnes l'ont classée en tète ; viennent ensuite les zones d'emplois (14 350 réponses), l'aide à la construction (13 765), l'Université (13 268), l'amélioration des transports en commun (12 863), les équipements destinés aux enfants (12 739), l'amélioration de la voirie (12 037) et les équipements sanitaires (11 661) ; les équipements touristiques ou socioculturels viennent en queue de liste, avec un palais des sports (10 116), l'aménagement de la plage (9 244), la patinoire (5 661) et les équipements culturels (4 316).

À noter : trois réponses sur quatre ont été envoyées par des femmes.

Pays de la Loire

Le principal problème demeure celui de l'emploi. En étudiant le bilan du Ve Plan, la Coder a constaté que l'un des objectifs principaux — réduire d'un tiers le déficit migratoire — n'avait pas été atteint et que la région n'avait pas approché les 2 633 000 habitants prévus pour 1970 : il s'en faut encore de 16 000 personnes.

Au cours des six dernières années, l'agriculture a perdu 105 000 emplois, compensés par la création de nouveaux postes dans l'industrie (+ 24 000), le bâtiment (+ 27 000) et les services (+ 64 000). Mais ces statistiques positives cachent mal trois phénomènes :
– la montée du chômage des jeunes : le préfet de région a pu parler d'une flambée des demandes d'emploi non satisfaites, qui sont passées de 11 942 en juillet à 15 559 en septembre 1970 ; or, les moins de vingt-quatre ans, qui sont 5 552, représentent 41,4 % du total des demandeurs, contre 29 % un an auparavant ;
– parallèlement, on enregistre une forte poussée de main-d'œuvre étrangère, essentiellement dans le bâtiment et les travaux publics ; le nombre des travailleurs étrangers est passé de 800 en 1962 à près de 1 900 en 1969, dont la moitié de Portugais ;
– l'inadaptation de l'offre à la demande s'aggrave. Dans la transformation des métaux, les 689 demandes ne conviennent pas aux 595 offres, tandis que, dans le bâtiment, les 804 demandeurs ne peuvent satisfaire les 401 offres. Le déséquilibre est encore plus grand dans le secteur des emplois de bureau, le plus recherché par les jeunes, qui se détournent des emplois manuels : on compte 1 613 demandes et seulement 164 offres.