À la rentrée d'octobre 1970, de très nombreuses mères de famille ont vu refuser à leur garçon ou à leur fille l'accès à une école déjà bondée. Pourtant, les effectifs autorisés par les textes officiels ne sont guère malthusiens : ils prévoient qu'une maîtresse peut avoir la charge de 50 élèves !
La poussée de la demande, en même temps que sa transformation qualitative (demande d'éducation et non simplement service de garde temporaire), pose au ministère de graves problèmes. Déjà confrontée dans d'autres ordres d'enseignement (secondaire et supérieur) à une poussée des effectifs que les budgets successifs permettent à peine d'éponger, l'Éducation nationale doit faire face à une nouvelle vague démographique.
Fragile avantage
D'une part, il faut prévoir le recrutement d'un nombre important de maîtresses (près de 30 000 selon certaines estimations, pour couvrir les besoins) ; d'autre part, il faut construire des locaux dans les quartiers où vivent les très jeunes enfants et qui sont précisément les quartiers périphériques des grandes villes où l'Éducation nationale ne dispose d'aucun patrimoine immobilier.
L'école maternelle française jouit d'un grand prestige à l'étranger : qualité des méthodes pédagogiques, qualité des maîtresses, qui sont des institutrices bien formées. Mais cette avance incontestable sur le plan de la qualité risque, si ce n'est déjà fait, d'être rapidement comblée devant l'insuffisance des moyens actuels : confrontées à des effectifs incontrôlables, les maîtresses sont souvent contraintes d'abandonner leurs préoccupations éducatives pour celles de la garderie.
La réforme de l'IPN
Deux nouveaux organismes remplacent, depuis septembre 1970, l'Institut pédagogique national : l'INRDP (Institut de recherche et de documentation pédagogique) et l'OFRATEM (Office français des techniques modernes d'enseignement).
Descendant direct du vieux musée pédagogique de Jules Ferry, l'IPN, créé en 1956, n'a cessé de multiplier ses tâches et d'étendre son domaine d'action : documentation s'adressant aux professeurs, aux parents et aux élèves ; recherches et innovations pédagogiques ; radio et télévision scolaires ; enseignement par correspondance, etc.
L'IPN est, en 1970, une gigantesque entreprise, employant plus de 4 000 personnes à temps complet, 2 500 à temps partiel. Sa division en deux institutions spécialisées lui permettra d'intervenir avec plus de souplesse.
– L'INRDP (dirigé par Lucien Geminard) est chargé de réaliser études et recherches sur la pédagogie et les enseignements de tous les niveaux ; il assure la documentation et l'animation, et participe à la formation initiale et permanente des maîtres.
– L'OFRATEM (dirigé par Jean Reynaud) est chargé de tout le secteur de la technologie éducative, appelé à un développement considérable. L'OFRATEM produira et distribuera tous les types de matériels éducatifs, nouveaux ou traditionnels (émissions de télévision scolaire, par exemple). Il participera à la formation des techniciens et des enseignants appelés à utiliser ces matériels dans les différents établissements.
Le supérieur : mise en place des nouvelles institutions, dans une demi-indifférence
Fin d'un provisoire qui durait depuis deux ans et demi : la mise en place des derniers volets de la réforme de 1968 (conseil de l'enseignement supérieur et de la recherche, réglementation de la discipline, répartition des locaux) coïncide avec un relatif retour au calme. Peu d'incidents graves ont marqué l'année 1970-71.
L'agitation universitaire paraît s'être apaisée, non sans quelques soubresauts. Au premier trimestre à Nanterre, les cours de Jean Foyer sont interrompus à de multiples reprises par des étudiants maoïstes. Par solidarité avec l'ancien garde des Sceaux, ses collègues de l'UER juridique suspendent leurs enseignements pour quelques jours. C'est finalement sous la protection des vigiles universitaires du rectorat que J. Foyer pourra poursuivre ses cours.
Incidents en province
Les incidents les plus violents ont lieu en province. À Poitiers, la multiplication d'accidents survenus sur une route qui traverse le campus provoque une grande effervescence. Policiers et étudiants s'affrontent assez sévèrement au cours de plusieurs manifestations. La séquestration du recteur de l'université, le 16 février 1971, est l'un des épisodes de cette agitation qui dure plusieurs semaines.