Éducation

La campagne « protechnique »

Le technique prend la vedette. Après des années consacrées à cette grande malade, l'Université, le gouvernement se penche sur ce rameau négligé de l'enseignement français. Pourtant, l'année commence mal. Le 14 septembre, jour de la rentrée, la majorité des collèges et lycées d'enseignement technique sont vides ; les professeurs ont largement répondu aux mots d'ordre de grève de leurs syndicats.

Informer et convaincre

En dépit de ce premier raté, Pierre Billecocq, secrétaire d'État à l'Éducation nationale, met sur pied une campagne d'information et de propagande (elle durera plusieurs années) baptisée « Protechnique ». Innovation importante (et discutée), sa mise au point est confiée à un groupe de publicitaires privés. Ils sont chargés de lancer l'enseignement technique, comme on lance un produit sur le marché.

Objectif numéro 1 : faire connaître et apprécier aux Français, surtout aux parents d'élèves, le fonctionnement de l'enseignement technique. Pour beaucoup, ce type d'enseignement reste le dépotoir de l'enseignement dit général. Pour les convaincre du contraire, le gouvernement a organisé des réunions d'information et de discussion groupant parents, enseignants et représentants des milieux professionnels (clients de l'enseignement technique) dans trois académies pilotes : Bordeaux, Lille et Nantes. Des assemblées identiques seront organisées ailleurs.

La loi d'orientation des enseignements technologiques et professionnels, votée le 9 juin, vise à abolir le ghetto de l'enseignement technique. L'Assemblée adopte en même temps deux autres projets de loi sur la formation professionnelle ; ils concernent l'apprentissage et la formation permanente.

Pour la première fois, le principe est posé de l'unité de l'enseignement ; général ou technique, chacun doit viser un même et double but : préparer à une qualification et donner une culture générale.

À enseignement unifié, diplômes équivalents et professeurs de même niveau. Les diplômes techniques auront même valeur que ceux de l'enseignement général ; les conventions collectives devront les reconnaître. Un système d'équivalence permettra aux diplômés de l'enseignement technique d'accéder à renseignement supérieur ou d'entrer dans la fonction publique.

Les professeurs du technique seront recrutés dans les mêmes conditions que leurs collègues de la filière générale ; ils recevront même statut et même formation. La loi prévoit des facilités pour leur recyclage et la participation croissante de professionnels de l'industrie et du commerce, déjà nombreux à enseigner dans les IUT.

« Anoblir », « promouvoir », « décloisonner » : les diplômés de l'enseignement technique pourront, s'ils le désirent, reprendre leurs études après avoir exercé un métier pendant au moins trois ans ; le système du crédit d'enseignement institué par la loi d'orientation permettra ce retour.

L'organisation de l'enseignement est modifiée ; programmes allégés, généralisation du système de contrôle continu des connaissances (suppression progressive de l'examen traditionnel) et des unités capitalisables : les candidats ne seront plus tenus de présenter en groupe toutes les épreuves d'un examen, mais pourront le faire au rythme de leur choix, en capitalisant leurs notes. Les élèves du technique feront obligatoirement des stages dans les entreprises.

Les classes de quatrième pratique des CES, qui accueillaient la plupart des enfants venant des classes de transition (6e et 5e III), sont remplacées par des classes préprofessionnelles préparatoires. Les 3es pratiques sont supprimées. Ces classes représentaient une voie de garage (en attendant la fin de la scolarité obligatoire), n'assurant aucune formation professionnelle réelle et qu'une formation générale insuffisante.

D'autres mesures intéressent les familles : attribution automatique d'une aide financière pour l'achat du matériel personnel qu'exige l'enseignement technique.

L'apprentissage

L'heure de la rénovation sonne aussi pour l'apprentissage. Institué au début du siècle, il s'est développé depuis de manière anarchique, en marge du système scolaire, échappant toujours à la ronde des réformes. La loi votée en juin apporte deux innovations essentielles :
– l'apprentissage devient une véritable voie de l'enseignement technique ; la durée de la formation est ramenée de 3 ans à 2 ans et commence à l'issue de la période de scolarité obligatoire (16 ans) ; la partie théorique est rénovée et renforcée (10 heures par semaine au lieu de 4) ; elle sera reçue dans des centres spécialisés contrôlés par le ministère de l'Éducation nationale ; la loi prévoit la transformation progressive de tous les cours professionnels (qui dispensent aujourd'hui aux apprentis la formation générale sans aucun contrôle pédagogique réel) en centres de formation d'apprentis ;
– l'apprenti aura désormais un statut équivalent à celui du travailleur (avec toutes les garanties que ce statut implique, dont en particulier un salaire minimum garanti).

Les principales filières du technique
Collèges d'enseignement technique (CET)

500 000 élèves en 1970-71.