Pour demeurer indépendantes des circuits commerciaux, les communes remettent en vigueur la vieille pratique du troc. Le Community market catalog, inventaire régulièrement mis à jour des divers articles et denrées qu'elles produisent, constitue un premier pas vers une fédération des communes. Mais le projet ne se réalise que très lentement.

La recherche d'une nouvelle harmonie entre l'homme et la nature s'accompagne d'une méfiance considérable à l'égard de la technologie moderne. D'où un certain culte du travail manuel, considéré comme un moyen privilégié pour l'expression de la créativité.

Peu au fait des problèmes de l'apprentissage ouvrier, les hippies rencontrent là quelques sérieux échecs. Ils tentent de pallier leur manque d'expérience en consultant le Whole earth catalog, manuel de bricolage et d'agriculture publié à leur intention.

Dans les faubourgs des grandes villes américaines, les communes présentent un visage bien différent. Si le mode de vie suit à peu près les mêmes règles que dans les communes rurales, le culte de la nature s'y trouve remplacé par des activités d'ordre social.

Leur préoccupation majeure à cet égard est de réaliser la « ville libre » proposée par les Diggers. Cette troupe de mimes, qui a pris le nom d'un mouvement libertaire anglais du XVIIe siècle, se constitue en commune dès 1965 dans le quartier de Haight-Ashbury, à San Francisco.

Pour regrouper les enfants-fleurs qui errent sur le pavé de la ville, ils organisent une soupe populaire et ouvrent des magasins gratuits (free stores). Un manifeste résume leurs conceptions :

– les ressources de la planète appartiennent à tous ses habitants ;

– chacun doit pouvoir vivre des produits de la technologie ;

– avant que cela soit possible, nous avons décidé de vivre du surplus et des déchets de la société de consommation.

Suivant l'exemple des Diggers, les communes urbaines ont entrepris de multiplier les services gratuits (boulangeries, garages, conseils juridiques, cliniques, logements) et de coordonner leurs activités au moyen de centres d'information.

Des coopératives de rue regroupent chaque semaine les commandes de nourriture et d'outillage des communes pour acheter directement aux producteurs, en bénéficiant des prix de gros. À New York, dans le Lower East Side, grand centre de ralliement des hippies de l'est des États-Unis, une université de rue dispense un enseignement non académique et cherche à susciter des débats entre les passants.

Une presse hippie, dite Underground (souterraine), et où les problèmes politiques ont la priorité, permet aux communes d'échanger leurs expériences et de critiquer librement les institutions officielles. Certains de ces organes sont aussi des communes : Modern utopia et Vocation for social change à Berkeley, Black and red à Détroit, Free press à San Diego, Rat à New York, contribuent, par leurs activités, à jeter un pont entre les hippies contestataires et la nouvelle gauche américaine.

Collectifs politiques

Depuis la dissolution, en 1969, du SDS (Students for a democratic society), seule organisation des étudiants gauchistes à l'échelle nationale, un certain nombre de jeunes Américains révolutionnaires se sont détournés des formes d'activité politique traditionnelles pour former des collectifs inspirés du modèle des communes.

Ainsi, malgré leur apolitisme déclaré, les hippies ont favorisé grandement l'apparition de nouvelles structures et de nouveaux objectifs au sein de l'extrême gauche américaine. Sous leur influence, le refus de la hiérarchie, le spontanéisme, la volonté de ne plus séparer la politique de la vie quotidienne ont gagné de nouveaux adeptes.

Une tentative d'amalgame entre hippies et jeunes révolutionnaires a été pour une part l'œuvre des yippies. Conduits par Jerry Rubin (auteur de Do it) et Abbie Hoffman, ils se manifestent pour la première fois à la convention du parti démocrate de Chicago, en 1968, en proposant l'élection d'un cochon à la présidence des États-Unis.

Malgré la tolérance dont ils bénéficient de la part des autorités américaines, les hippies ont subi à diverses reprises les effets d'une répression qui n'a pas peu contribué à politiser leur mouvement. Au printemps de 1969, ayant décidé d'aménager un jardin du peuple sur le campus de Berkeley, ils se heurtent aux gardes nationaux. Un manifestant est tué par balle. Les mois suivants, de nombreux hippies commencent à se joindre aux manifestations contre la guerre du Viêt-nam.