Après la grande mode rétro années 50, qui a dominé ces cinq dernières années, ce sont maintenant les années 60 qui reviennent à la mode. Et les groupes phares de cette période servent maintenant de modèles, comme le furent, en leur temps, Chuck Berry ou Bo Diddley. Rolling Stones, Beatles, Animais ont fait des petits, qui s'appellent aujourd'hui The Alarm (en janvier), The Barracudas (en mars), ou Echo and the Bunnymen (en mai), nettement plus marqués, quant à eux, par les Doors et Jim Morrison.

Dinosaures

Bien sûr, les dinosaures sont toujours là, plus populaires que jamais : Bob Dylan rassemble plus de 60 000 personnes pour un concert près de Paris, en juillet. Stevie Wonder remplit plusieurs fois le palais omnisports de Bercy (en juin). Et les ex-Pink Floyd font toujours recette (David Gilmour en avril, Roger Waters en juillet). Frank Zappa lui-même délaisse un moment ses ambitions de compositeur, collaborant avec Pierre Boulez, pour se lancer dans une grande tournée funk-rock (en septembre). Mais, de plus en plus, les groupes de la nouvelle vague — leurs enfants, après tout — savent se faire entendre.

Curieusement, la France n'est plus en retard sur les courants anglo-saxons. Les Dogs ou Little Bob Story (en mars) vont même jusqu'à tourner en Angleterre, avec quelque succès. Les plus populaires vendent plus d'albums que bien des artistes étrangers.

Un groupe comme Telephone, en tournée pendant tout le mois d'octobre, est ainsi en train de laisser dans son sillage des dizaines de petites formations, qui viendront à leur tour jouer du rock et le chanter en français. Un rock devenu tellement présent que la plupart des jeunes — sinon tous — en ont fait leur culture dominante.

Pour les uns, il ne s'agit que d'un passe-temps, d'une coloration dans leur existence de lycéens tranquilles. Pour d'autres, il est redevenu cette revendication, cette urgence, pour simplement s'affirmer dans un monde hostile.

On a vu ainsi l'émergence d'un rock « beur », imaginé par les immigrés arabes de la deuxième génération. Leur groupe le plus important, Carte de Séjour, chante à la fois en français et en arabe.

Le rap

Les jeunes défavorisés de toutes origines ont aussi été prompts à adopter le langage des rues américaines des grandes villes. Le rap, d'abord, cette manière de scander les phrases, de les hacher en rythmes, qui se traduisent ensuite en danses robotiques, imitations de marionnettes ou de ralentis de cinéma : smurfers, breakers, rappers se livrent à des exercices compliqués exigeant une très grande souplesse. Les très jeunes y excellent ; les autres les admirent. Le paysage des rues parisiennes y a gagné en couleurs et en vie. Parti du jazz, avec les Last Poets, le rap a rejoint la musique populaire avec Grand Master Flash.

Le jazz, lui, est devenu cérébral

Et le plus cérébral des grands du jazz n'hésite pas à flirter avec le funk : Miles Davis, comme toujours, brouille les cartes à plaisir, renvoie dos à dos les amateurs d'étiquettes. Et redonne au jazz son appétit de jouissance. Il a traversé la France en juillet, avec une musique chaleureuse mais rigoureuse, ouverte et cohérente. Un modèle.

Le funk

Cette musique est omniprésente et renvoie aux origines de la musique noire, l'Afrique. Du Ghāna, du Nigeria, du Gabon, de la Guinée viennent des formations qui s'imposent progressivement en lieu et place de leurs contrefaçons. Francophones comme Touré Kunda (en octobre) ou anglophones comme Fela Anikulapo Kuti (en mai), ils viennent influencer ceux qui, demain, sauront réaliser la symbiose entre mélodies occidentales et rythmes africains. Déjà, les festivals de jazz s'ouvrent à toutes les musiques : Montreux, naguère entièrement consacré au jazz classique, s'est ouvert au rock, puis, plus récemment, au Brésil, à l'Afrique, mais aussi au flamenco (avec Paco de Lucia, en juillet). Moins tributaire du phénomène stars, de la nécessité de moyens de promotion importants, avec clips et autres techniques, le jazz conserve une grande liberté de création. Et ses trouvailles profitent aux autres, un peu plus tard. Dernier champ expérimental, il se mêle habilement à toutes les influences, quitte à ne plus porter d'étiquette du tout, pour n'être plus que la musique à l'état pur.