Mais, pour cette presse magazine, c'est du côté des ressources publicitaires que se situe l'inquiétude. Celles-ci avaient nettement baissé en 1983 à la suite d'une augmentation sensible de la place de la publicité à la télévision. Le phénomène est allé s'amplifiant en 1984, entraînant pour certains titres — les plus populaires en particulier — des difficultés que l'on ne peut encore mesurer, mais dont on voit mal comment elles pourraient ne pas s'accroître.

Bruno Voisin

Publicité

L'irruption de l'image

Naguère considéré comme un ersatz ou un pis-aller d'une campagne claudicante, le « look », l'image, l'esthétique un peu vide ont remplacé bien souvent l'idée et se sont imposés comme luxe obligé. Le chapitre décoration des devis de films publicitaires a, cette année, grimpé en flèche. La preuve ? Jean-Baptiste Mondino, Jean-Paul Goude et Hilton Mac Connico. Si les deux premiers ont commencé par la photo, le troisième a débuté dans la couture et le décor de long métrage. Si le dernier est américain, les deux premiers sont français. À eux trois ils forment la nouvelle race de réalisateurs publicitaires. Ils sont à la fois réalisateurs, concepteurs, décorateurs, supervisent le casting..., bref, aucune corde créative dont ils ne sachent jouer. Dépositaires du nouvel art : le reflet publicitaire avec un nouveau contenu. L'idée par le dialogue, la comédie ont pris cette année le large. Sur nos rivages conceptuels, l'image a débarqué, appuyée par un renfort de vidéo clips. Car c'est aussi cette année que le mariage entre publicité et vidéo clip a été célébré. Une union libre qui ne date pas d'hier, mais qui trouvait encore ses détracteurs. Aujourd'hui, l'un et l'autre cheminent côte à côte.

Pourquoi ? D'abord parce que le clip a droit d'antenne depuis bientôt un an et a su imprimer son rythme. Un rythme que l'on a mis peu de temps à rapprocher du flash publicitaire. Les porte-jarretelles américains et les soupes françaises évoluent sur la même trame. Musique forte (de plus en plus les musiques publicitaires deviennent des tubes et sortent sous forme de 45 tours) et images chocs. Le tout créant un nouveau langage, un nouveau type de signes que les exégètes n'arrivent pas encore à décortiquer. La sémantique a, semble-t-il, été prise de court et les grilles critiques ne sont pas encore arrimées.

Films promotionnels

Mais, à côté de ce flot d'images fulgurantes, on assiste paradoxalement à un retour à l'image dépouillée. Des campagnes (affichage ou magazines) qui ont su capter un instant, un moment de vie, figés en une expression. Quand la publicité sait s'introduire dans l'intimité sans être graveleuse, cela donne des choses superbes : Loïs ou Dunlopillo en sont une preuve, avec une mention spéciale pour cette dernière qui fait une allusion difficilement contournable aux prouesses sexuelles conjugales, prises sous l'angle de la dérision et de l'humour. Du noir et blanc, il y en aura encore avec le film pour Dim, qui sort sur les écrans en décembre, tourné par Luc Besson (lequel sortira en mars un long métrage intitulé Subway).

En cette année 1984, le film publicitaire aura donc accédé au rang de spectacle à part entière.

Une évolution qui s'accompagne de la prise en compte de la maturation du public à l'égard de ces images commerciales.

Sur les murs et par le film, les Chevaux sauvages apparaissent avec le logo modernisé de Citroën pour montrer la joie primitive de la liberté, de la vitesse, mais aussi de la possession d'une force multipliée.

La chevauchée fantastique du nouveau film de ce constructeur se déroule dans une ville d'un urbanisme froid mais où se répercute merveilleusement l'écho d'une harde de chevaux lancée dans un galop qui emporte nos rêves. Ce traitement original d'une campagne institutionnelle rompt avec l'usage, encore répandu, de l'illustration par l'image. C'en est fini des clichés traditionnels du plaisir de condenser. L'automobile, c'est aussi le plaisir de disposer du bondissement de dizaines de chevaux mécaniques.