Août : les Nuits de la pleine lune d'Éric Rohmer (France).

Le petit monde des Comédies et Proverbes en dit autant (et peut-être plus) que les analyses sociologiques les plus fouillées. Certes, c'est sans surprise, mais c'est une fête où règnent l'intelligence du propos et l'élégance du dire.

Septembre : l'Amour à mort d'Alain Resnais (France).

La force tranquille d'un cinéaste convaincu qu'il n'y a pas de sujets à la mode et que la narration classique peut encore connaître ses audaces. Une veine romanesque plus souvent exploitée par les Anglo-Saxons que par les Français et qui donne à Resnais l'occasion de retrouver en mineur le lyrisme de Providence.

Paris, Texas de Wim Wenders (France-Allemagne).

L'Amérique n'est plus dans l'Amérique, elle est dans la tête des Européens fous de son cinéma. Les thèmes familiers à Wim Wenders se reconnaissent dans cet itinéraire ému d'un homme aux prises avec son passé conjugal et le public des non-initiés les découvre, vite bouleversé. L'apparition finale de Nastassja Kinski fera date.

Octobre : Broadway Danny Rose de Woody Allen (USA).

Woody abandonne (provisoirement) le cinéma à la première personne pour un récit pittoresque où il parle de lui par métaphores. Un irrésistible hommage au show-business à travers ses misères splendides et ses cocasseries pathétiques.

Novembre : Amadeus de Milos Forman (USA).

La célèbre pièce de Peter Shaffer parfois traitée à la manière des biographies musicales du vieil Hollywood. L'image du génie mozartien lavée de tout épinalisme, plus pure d'être confrontée aux trivialités de l'envie et aux tracasseries grotesques du quotidien.

Michel Perez

Théâtre

Le retour du public

Premier constat, et c'est un constat extrêmement important : le public semble peu à peu renouer avec le théâtre. Les indices de fréquentation sont là pour le prouver. Depuis trois ans, le théâtre compte environ 15 % de spectateurs en plus. Il y a dix ans, un Français sur dix seulement allait au théâtre au moins une fois par an, il y en a un et demi aujourd'hui.

On aurait tort de sourire devant la modestie de cette progression. Si minime soit-elle, elle indique que le divorce du public et de l'art théâtral n'est pas un phénomène irréversible. Non, le théâtre n'est pas un art condamné à disparaître — contrairement à ce que l'on a pu dire et croire dans les années 60-70.

Comment expliquer cette soudaine inversion de tendance ? Probablement par l'espèce de « saturation » éprouvée par le grand public vis-à-vis de l'image. La fascination exercée par la télévision est moins vive qu'il y a dix ans. Le public s'est lassé de ce jouet merveilleux, il a appris à s'en servir et a cessé de lui attribuer un pouvoir magique. La chute brutale du marché de la cassette vidéo le confirme : le spectateur a compris que le spectacle fourni par son téléviseur ou son magnétoscope ne saurait en aucun cas se substituer au spectacle vivant. Même s'il s'agit de la retransmission, en direct, d'une pièce de théâtre, d'un opéra ou d'un show de variétés, la « présence réelle » de l'artiste (pour employer une terminologie religieuse) manque et manquera toujours. D'autre part, la représentation théâtrale est partage. Contrairement à la télévision qui vient chercher le spectateur à domicile, le théâtre se regarde collectivement. Si le spectacle est réussi, le public « communie » dans le rire ou l'émotion. Le spectateur cesse d'être un individu isolé, il se fond avec ses voisins en un public homogène. Ses réactions sont amplifiées, élargies, décuplées. Ce « dépassement de soi-même », là encore, la télévision ne le procure pas. De même qu'elle ne sort pas le spectateur de chez lui, elle ne le sort pas de lui-même. Et c'est bien parce qu'il en éprouve obscurément le besoin qu'il a retrouvé le chemin du théâtre, alors qu'il est indéniable que ce type de spectacle exige de lui un triple effort : l'effort de choisir, l'effort de sortir, l'effort, enfin, de payer sa place, parfois fort cher. Donc, nous assistons à un net regain d'intérêt pour le théâtre de la part, du public. Aux gens de théâtre de le mettre à profit.

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Autre constat, non moins frappant : la mise en cause de la prééminence du metteur en scène parmi les praticiens du théâtre. On sait que le personnage du metteur en scène apparaît relativement tard dans l'histoire du théâtre. Il a attendu la fin du siècle dernier pour s'imposer en France, en la personne d'André Antoine, fondateur du Théâtre-Libre, chef de l'école naturaliste. Auparavant, les acteurs réglaient eux-mêmes leurs spectacles, avec l'aide des auteurs et des directeurs de théâtre.