Quant à l'avenir de nos engrais, il ne dépend pas du nombre de producteurs — en faut-il deux ou trois, contre quatre actuellement, comme beaucoup le pensent ? —, mais de notre approvisionnement dans les deux matières premières de base qui sont les phosphates, pour les engrais phosphatés, et l'ammoniaque, pour les engrais azotés.

Si le gouvernement décide de réaliser, sur les phosphates marocains, un accord Nord-Sud aussi exemplaire (et coûteux) que celui offert aux Algériens pour le gaz, alors qu'Elf-Aquitaine est devenu, depuis le rachat de Texasgulf aux États-Unis, un fournisseur privilégié à bas prix, alors on ne rentabilisera jamais notre industrie des engrais phosphatés, sinon à coup de subventions. Quant à l'ammoniaque, il faudra également subventionner le gaz dont il dérive, comme le font les Néerlandais. De telles décisions se situent bien en amont du secteur des engrais proprement dit et impliqueront, de la part des pouvoirs publics, un suivi et des révisions déchirantes en matière de priorités industrielles.

La chimie dans l'économie française

– Avec un chiffre d'affaires de 158 milliards, la chimie représente entre 2,7 et 3 % du PNB, en se plaçant aux environs de 10 % dans la valeur ajoutée industrielle.

– Elle se situe au 5e rang mondial derrière les USA, le Japon, la RFA (industrie de 60 % plus importante) et le Royaume-Uni.

– Ses effectifs salariés avoisinent 320 000 personnes, près de 5 % des salariés de l'industrie, soit un chiffre bien inférieur à la RFA (550 000).

Transport

Un nouveau visage se dessine

Deux alléchantes nouveautés — un train à grande vitesse et un ministre communiste — sont survenues à point nommé pour animer un secteur des transports que la conjoncture économique entretenait dans la morosité.

Inauguré comme prévu à la rentrée 1981, le TGV de la nouvelle ligne Paris-Lyon (qui n'entrera en service sur toute sa longueur que fin 1983) a aussitôt rencontré auprès du public un succès dépassant toutes les prévisions : au cours du dernier trimestre, le trafic a augmenté de 70 % par rapport à l'année précédente, atteignant 5 000 nouveaux voyageurs par tour ! Si le rail avait à redorer son blason, c'était donc gagné. Pour autant, le duel SNCF-Air Inter sur cette liaison n'a nullement tourné à la déroute de la compagnie aérienne. Celle-ci est parvenue sans trop de mal à conserver 70 % de ses passagers. Comme, dans le même temps, les péages de l'autoroute A6 enregistraient une hausse persistante du trafic de « bout en bout » des voitures particulières (de 0,18 % dans un sens, de 2,08 % dans l'autre), ou en concluait que le TGV a provoqué un accroissement global du nombre des déplacements, plutôt que d'importants transferts de clientèle.

Compétition

Mais l'achèvement de la ligne, avec un nouveau raccourcissement du temps de trajet (qui sera de 2 heures au lieu de 2 heures 40 actuellement), relancera la compétition et se révélera probablement moins indolore, en particulier pour le transport aérien. Celui-ci se verra peut-être attaqué un jour sur d'autres fronts, puisque le gouvernement a également demandé à la SNCF d'étudier un projet de TGV Ouest, vers la Bretagne et l'Aquitaine.

Ce renouveau du rail est bien dans l'air du temps. En effet, la politique s'est jointe à la technologie, et Charles Fiterman au TGV (servi sur un plateau par les gouvernements précédents), pour redonner aux cheminots une place de choix dans le concert des transports. Au fil des mois, confirmant les craintes des uns et les espoirs des autres, le ministre des Transports a en effet défini progressivement les principes d'une politique globale, ce qui devait déboucher à l'automne 1981 sur une loi d'orientation.

Objectif : réaliser un « service public des transports », certes « à intensité variable » selon les secteurs ou les statuts des entreprises concernées, mais dans lequel l'État veillerait à assurer toutes les conditions d'une concurrence « loyale et maîtrisée », d'une gestion « planifiée, décentralisée et démocratique », d'une priorité donnée aux transports collectifs, etc.

Dynamisme

Cette transformation de son environnement arrive à point nommé pour la SNCF. Pour trois raisons : d'abord, 1982 est pour elle l'année de la redéfinition de son statut, puisque la concession qui la lie à l'État arrive à expiration le 31 décembre. Ensuite, le statut passé la laisse en pleine déroute financière : 12 milliards de F de dettes en 1981, 6,5 milliards de déficit d'exploitation, 22 milliards de crédits budgétaires versés par l'État... Enfin, la société nationale vient de démontrer qu'elle garde du ressort, puisque, sous l'impulsion de son président André Chadeau, elle a présenté au printemps 1982 « 73 mesures » visant à dynamiser sa politique commerciale et à ramener une clientèle qui, au moins dans le transport des marchandises, tend à la bouder (le trafic marchandises a en effet chuté de 10,5 % en 1981, alors que celui des voyageurs croissait encore de 1,7 %).