1981-1982 aura donc probablement constitué une période charnière pour la SNCF. Ses concurrents routiers, pour leur part, se demandaient si la porte en train de s'ouvrir sur l'avenir radieux du rail ne se referme pas sur le leur.

Après les wagons, les camions paient à leur tour leur tribut à la crise, et de plus en plus lourdement : baisse du trafic d'environ 4 % en 1981.

Mais c'est surtout la hausse de leurs coûts qui étranglait les transporteurs routiers, en raison de la hausse continue du carburant et des charges occasionnées par la mise en œuvre des réformes sociales. Celles-ci pesaient particulièrement lourd dans ce secteur où, en matière de conditions de travail, les pratiques ont toujours été en retard sur les réglementations.

Inquiétudes

Selon les chiffres officiels de la Fédération nationale des transporteurs routiers, la réduction d'une heure de temps de travail hebdomadaire se traduit, par exemple, par une hausse de 2,5 % du coût de transport. Or, face à l'inflation des coûts, la mollesse de la demande ne favorisait pas l'augmentation rapide des tarifs, et, d'ailleurs, les hausses accordées par les pouvoirs publics étaient jugées insuffisantes par la profession, qui voyait dans cette sous-tarification chronique une explication à la multiplication de ses faillites.

L'inquiétude des routiers débouchait au printemps 1982 sur des manifestations au cours desquelles des milliers de camions bloquaient les routes. Une entrevue avec Pierre Mauroy faisait alors baisser la fièvre, mais on pouvait s'interroger sur la longueur de cette rémission, car les promesses du Premier ministre (notamment d'une détaxation partielle du gazole) se révélaient vite ardues à mettre en application et décevantes pour les professionnels. Ces derniers, en définitive, après les déclarations d'intention de Charles Fiterman, avaient de plus en plus le sentiment de se trouver, depuis le 10 mai 1981, du mauvais côté de la barrière. Les transports terrestres sont peut-être en train de changer de visage.

Construction navale

Un impératif : la restructuration

Dites consolidation des structures plutôt que restructuration. Le gouvernement socialiste a relancé le vieux serpent de mer du rapprochement des chantiers navals, qui depuis quinze ans vient périodiquement faire des vagues dans le secteur.

Pourtant, il y avait cette fois du nouveau. Pas seulement dans le vocabulaire employé — qui évitait toute expression suggérant des suppressions d'emplois ou des fermetures d'établissements —, mais surtout dans la ferme volonté d'obtenir un résultat. Louis Le Pensec, ministre de la Mer depuis l'été 1981, est parti d'un constat simple nos six grands chantiers occupent globalement 20 000 personnes, soit à aux tous autant qu'un seul chantier japonais. Impossible de résister plus longtemps à la concurrence internationale sans rapprocher les entreprises pour renforcer leur capacité commerciale et leurs moyens de recherche.

Tapis vert

Alors, bon gré mal gré, mais aiguillonnés par les affres d'une crise qui n'en finit pas, les industriels se rencontrent fin 1981, autour du tapis vert tendu par les pouvoirs publics, avec la perspective d'aboutir pour fin 1982 à la création de deux pôles.

Le premier devrait réunir les poids moyens de la profession, les Chantiers de France-Dunkerque (3 400 personnes), les Chantiers de la Méditerrannée, à La Seyne (4 600 personnes), et les Chantiers de La Ciotat (3 700 personnes). Sur le papier, un tel ensemble représentait 3 milliards de F de chiffre d'affaires et 11 700 personnes employées. Il était prévu une participation publique dans le capital, de l'ordre de 20 %, mais ce groupe devait rester le privé face au pôle no 2, fabriqué autour du gros Alsthom-Atlantique, filiale de la CGE nationalisée. Aux Chantiers de l'Atlantique, situés à Saint-Nazaire (5 500 personnes), les pouvoirs publics comptaient adjoindre en effet le chantier nantais Dubigeon-Normandie (1 800 personnes). Ce pôle Ouest représentait environ 40 % du carnet de commandes français tel qu'il se présentait au printemps dernier.