Les pouvoirs publics restent vigilants sur ce chapitre, et ne sont pas exclues d'autres mesures ponctuelles de blocage.

Trois avis

Reste le problème de l'affrontement entre grand et petit commerce. Souhaitant rétablir l'équilibre, André Delelis fait établir un inventaire des surfaces de plus de 400 m2 en France. En attendant les résultats de cette étude, il gèle, dès son arrivée au ministère, la création de nouveaux supermarchés et hypermarchés. La pause ne devait durer que 6 mois. Elle se prolonge et il faut attendre février 1982 pour que la première grande surface (5 600 m2 dans le Val-de-Marne) reçoive son aval.

Pour la distribution, l'enjeu est d'importance : il concerne la prochaine révision de la loi Royer, qui soumet depuis 1973 l'ouverture ou l'extension des grandes surfaces à l'autorisation préalable des commissions départementales d'urbanisme commercial (CDUC). Trois ministres sont parties prenantes dans cette réforme, et leurs points de vue, parfois divergents, alimentent la controverse : tandis qu'André Delelis se montre sensible aux difficultés du petit commerce, Jacques Delors privilégie la lutte contre l'inflation et s'oppose à ce que « s'instaure un procès à sens unique contre les grandes surfaces » ; Catherine Lalumière, quant à elle, aimerait que l'on tienne compte de l'intérêt des consommateurs et que l'on n'oublie pas le panier de la ménagère.

Chez les professionnels, l'incertitude générale nourrit des débats passionnés. Jamais sans doute le petit commerce ne s'était autant exprimé, jamais la grande distribution ne s'était autant réunie. L'avenir apparaît d'autant plus aléatoire que les pouvoirs publics ont également annoncé leur intention d'aborder d'autres sujets brûlants en octobre prochain : notamment le problème des prix d'appel, celui du refus de vente et des délais de paiement aux fournisseurs. Autant d'affrontements en perspective, qui devraient bouleverser l'horizon 83.

Chimie

La restructuration en marche

L'industrie chimique a été le premier test de politique de restructuration industrielle du gouvernement de Pierre Mauroy. En effet, dans la sidérurgie ou dans le textile, les deux autres grands secteurs livras à la sagacité des experts du ministère de l'Industrie, il s'est agi, dans le premier cas, d'apporter des fonds propres (tout en fermant des usines) et, dans le second, de fournir les allégements fiscaux nécessaires pour éviter les dépôts de bilan. Bref, dans l'un et l'autre cas, le problème était essentiellement financier. La situation financière de la chimie d'État (qui représente 55 % du potentiel du secteur) n'était pas désormais non plus florissante. Ses pertes en 1981 dépassent en effet 3 milliards de F. Mais il ne suffisait pas d'apporter de l'argent frais, encore fallait-il rectifier les frontières. En effet, le secteur public élargi ne comprenait pas moins de six entités : ATO-Chimie et Chloé, détenus conjointement par Elf-Aquitaine et la Française des pétroles ; l'Entreprise minière et chimique ; la filiale des Charbonnages de France (CDF-Chimie) ; PUK, la branche chimie de Pechiney-Ugine-Kuhlmann et, enfin, Rhône-Poulenc, le plus beau fleuron, qui commence à peine à émerger d'une série d'exercices déficitaires. Or, toutes les entreprises sont plus ou moins en concurrence. Elles sont trois — CDF-Chimie, ATO et Chloé — à faire des plastiques banals, trois encore (Chloé, Rhône-Poulenc et PUK) à produire des dérivés du chlore, trois dans les engrais, si l'on ajoute Rhône-Poulenc et CDF-Chimie à la Cofaz, qui est dans l'orbite de Paribas. Dans la mesure où de nombreuses activités sont victimes de surcapacités de production importantes, dans la mesure où par ailleurs la concurrence au sein du secteur public a des limites, on a estimé nécessaire de susciter un regroupement sur trois pôles : Elf-Aquitaine pour la pétrochimie et la filière chlore, CDF-Chimie pour la chimie lourde et les engrais, et Rhône-Poulenc pour la chimie fine, santé et bio-industrie. Parallèlement, il a été décidé de redresser les bilans de ces entreprises par des dotations en capital (environ 2 à 3 milliards) de l'État, des prêts du FDES et des concours privés à travers les filiales, soit environ 6 à 7 milliards de F.

Rentabilité

Pour autant, le plan élaboré et qui a subi de nombreuses modifications au cours des premiers mois de l'année sera surtout réalisé par les entrepreneurs auxquels l'État a finalement laissé une marge de manœuvre, faute d'emporter totalement l'adhésion. La politique des filières industrielles chère au gouvernement soulève en effet de nombreux problèmes et se limite même à la conception de la rentabilité des groupes industriels que peuvent avoir certains chefs d'entreprise. Jean Gandois, le patron — maintenu — de Rhône-Poulenc considère, par exemple, que les structures de son groupe n'ont pas à être remises en cause et qu'il s'agit simplement pour lui de fermer les unités de production non rentables. Albin Chalandon, patron d'Elf-Aquitaine, le seul à avoir encore de l'argent, n'a admis de fusionner ATO et Chloé que si son partenaire, la CFP, acceptait sa suzeraineté, ce qu'il a obtenu. De même, la reprise d'une partie de la chimie de Péchiney ne se fera qu'après apurement des comptes sociaux par l'État. Les rectifications des frontières promettent ainsi d'être lentes et coûteuses, tant sur le plan financier que social. Et la partie n'est pas gagnée d'avance.

Faiblesse

L'industrie chimique française a de multiples faiblesses qu'aucune fusion, aucun rapprochement ne permettront de résorber avant longtemps. Il ne faut donc pas se tromper de médication. Les colorants de PUK n'intéressent personne, sinon un groupe étranger (suisse, allemand ou britannique) déjà puissant dans le secteur ; ce que le gouvernement est presque décidé à accepter. Notre capacité de production de plastique est beaucoup trop importante, mais les fermetures d'unités auxquelles il faudra procéder ne garantissent pas sa compétitivité.