Babylone
en akkadien Babilou (que l'on a interprété, plus tard et à tort, comme « Porte du dieu »)
Cité du pays d'Akkad (en Iraq).
Ville de Mésopotamie dont les ruines se trouvent à 90 km au sud de Bagdad (près de l'actuelle Hilla), Babylone fut la capitale d'une vaste région de Mésopotamie. Arrosée par le Tigre et l'Euphrate, elle connut l'une des plus brillantes civilisations du monde antique, qui se développa pendant près de douze siècles.
HISTOIRE
1. Le premier Empire babylonien (xixe-xviie siècle avant J.-C.)
La ville de Babylone existe dès le xxiiie siècle avant J.-C., au temps de la splendeur d'Akkad. Le premier texte cunéiforme qui mentionne le nom de Babylone date du règne du roi d'Akkad Sharkali-sharri (v. 2185-2160 avant J.-C.). La cité, alors bien modeste, n'a pas le prestige de ses voisines du Sud : Nippour, Our, Éridou et Ourouk. Son entrée dans l'histoire ne débute véritablement qu'avec l'arrivée des Amorrites, ces Sémites occidentaux qui, à la fin du xxe siècle, submergent les pays de Sumer et d'Akkad. Parmi ces envahisseurs, un certain Sumou-aboum s'installe à Babylone et y fonde une dynastie qui régne pendant trois siècles (1894-1595). Les Amorrites, jusque-là nomades, se laissent alors assimiler par les Babyloniens, adoptent leur langue et sacrifient à leurs cultes. Les premiers rois amorrites prennent le plus grand soin de leur capitale ; les inscriptions qu'ils ont laissées font état de nombreux travaux de construction, de restauration et de fortification.
2. Du règne de Hammourabi aux Hittites
Toutefois, cette première dynastie babylonienne ne devient une puissance que sous le règne de son sixième roi Hammourabi (1793-1750), qui en fait la capitale de son empire. Hammourabi, connu surtout pour son œuvre de législateur, est aussi un grand conquérant. Par des efforts continus, il parvient à dominer les anciennes « villes de royauté » : Isin, Ourouk, Our et Larsa. Plus au nord, il met fin à l'existence du royaume de Mari (1758), annexe Eshnounna (1755) et impose sa souveraineté à Ishmé-Dagan Ier, roi d'Assour.
Sous son règne, la Babylonie (pays de Sumer et d'Akkad unifiés) tient le devant de la scène mésopotamienne. Si, après Hammourabi, la civilisation babylonienne continue de rayonner, l'empire, lui, se révèle fragile. Samsou-ilouna (1750-1712) fait face à de nombreuses révoltes – dont celle de Larsa en 1738 – et perd une partie de l'ancien pays de Sumer. Ses successeurs tentent en vain de refaire l'unité de l'Empire mais en 1595, les Hittites s'abattent sur Babylone.
3. La Babylonie kassite (1595-vers 1153 avant J.-C.)
À la faveur de ce raid hittite, d'autres envahisseurs, les Kassites, descendus des montagnes de l'Est et du Nord-Est, s'emparent à leur tour de Babylone et y fondent leur propre dynastie. Tout comme leurs prédécesseurs, les Kassites adoptent la culture suméro-akkadienne et tentent de rendre à Babylone tout son prestige : Agoum II, premier souverain de la dynastie, rapporte les statues du dieu Mardouk et de sa parèdre (déesse à laquelle il est associé) Sarpanitou, enlevées par les Hittites. Vers 1530, les Kassites récupèrent Sumer ; la Babylonie à nouveau reconstituée retrouve sa suprématie d'autrefois.
Mais, à partir du xive siècle, harcelé par l'Assyrie, le royaume babylonien décline ; en 1203, le roi d'Assour Toukoulti-Ninourta Ier prend Babylone et s'empare des statues de Mardouk et de Sarpanitou. Humiliés, les Kassites parviennent un moment à redresser la situation et chassent les Assyriens, mais en 1153, à la suite d'un raid élamite, leur dernier représentant est emmené captif en Élam.
4. De l'invasion araméenne à la domination assyrienne (1153-626 avant J.-C.)
Dès lors, une dynastie locale – dite, d'après son lieu d'origine, dynastie d'Isin – prend la relève. Ses deux premiers rois reconduisent la politique de lutte contre l'hégémonie assyrienne et parviennent à rendre à Babylone ses divinités Mardouk et Sarpanitou (1136). Mais à peine ces statues ont-elles réintégré l'Esagila (temple principal de Babylone) que les Élamites, réitérant leurs pillages, les emportent à nouveau (1129). Avec Nabuchodonosor Ier (v. 1127-1105), troisième roi de la dynastie, la ville atteint le faîte de sa puissance. Il fait campagne dans le Zagros et rapporte en triomphe les statues divines. C'est probablement alors, au terme d'une ascension commencée sous le règne de Hammourabi, que Mardouk achève de supplanter Enlil (dieu de Nippour) ainsi que les autres divinités des différentes cités de basse Mésopotamie.
À partir du xie siècle, le royaume babylonien, en butte aux invasions des nomades araméens, entre dans une très longue période d'instabilité. Cette situation est habilement exploitée par les Assyriens qui parviennent, au viiie siècle, à annexer la Babylonie. Au siècle suivant, la ville de Mardouk, alors défendue par les Chaldéens – tribu d'origine araméenne –, est par deux fois saccagée, par les armées assyriennes de Sennachérib (689) puis d'Assourbanipal (648).
5. La cité de Babylone au temps des Chaldéens
Restaurée, embellie et fortifiée après les ravages assyriens, Babylone est aux viie et vie siècles avant J.-C. la plus grande ville de l'Orient. La splendeur babylonienne, reconnue par les prophètes juifs Isaïe et Jérémie, décrite, entre autres, par le Grec Hérodote et l’historien arabe Tabari, est aussi attestée par l'archéologie.
Le site couvre environ 975 ha délimités par une enceinte extérieure longue de 11,5 km ; celle-ci, construite à l'époque de Nabuchodonosor, se compose de deux murs : l'un, intérieur, épais de plus de 7 m, est fait de briques séchées au soleil ; l'autre, extérieur, large d'une dizaine de mètres, est édifié à partir de briques cuites. C'est au centre de cet espace que s'étend, à cheval sur le cours ancien de l'Euphrate, le cœur de la ville de Babylone.
6. La splendeur architecturale de la cité
Ce noyau (2,5 × 1,5 km), qui abrite les palais royaux, les temples, une voie dite « processionnelle » ainsi que des quartiers d'habitation, est également entouré d'un rempart. Son enceinte, en briques crues, percée de huit portes, est faite de deux murs parallèles flanqués de tours et séparés par un fossé rempli d'eau. La porte d'Ishtar, haute d'au moins 15 m, est remarquable par la richesse de son décor ; sa façade flanquée de deux tours est ornée de dragons (symboles de Mardouk) et de taureaux (symboles d'Adad), motifs en briques moulées en relief et émaillées en blanc et en jaune sur fond bleu réalisés à l'époque de Nabuchodonosor.
Parmi les bâtiments alignés de part et d'autre de la voie processionnelle, le palais sud, construit pour l'essentiel sous les règnes de Nabopolassar et de Nabuchodonosor, étonne par ses majestueuses dimensions (322 × 190 m). Au sud de ce palais se dresse la ziggourat appelée Etemenanki (« Maison du fondement du ciel et de la terre »). Cette tour à étage, assimilée à la tour de Babel, dont la destruction a été achevée par Alexandre le Grand, n'existe plus. On sait seulement qu'elle était construite sur un plan carré de 91 m de côté ; ses étages, peut-être au nombre de sept, supportaient une chapelle qui, selon Hérodote, était rehaussée de briques émaillées. À proximité de la ziggourat, toujours dans cette même partie de la ville, se dressait l'Esagila, énorme sanctuaire dédié à Mardouk.
7. L'Empire néobabylonien (626-605 avant J.-C.)
Le Chaldéen Nabopolassar (626-605) fonde la Xe et dernière dynastie de Babylone. Allié des Mèdes dès 625, il attaque l'Assyrie, qui s'écroule en 612, rendant ainsi à Babylone son prestige. Son fils, Nabuchodonosor II (605-562) – célèbre pour avoir pris Jérusalem et déporté l'élite juive sur les bords de l'Euphrate –, échoue à s'emparer de l'Égypte mais réussit à dominer toute la Mésopotamie, la Syrie et la Palestine. La Babylonie, désormais maîtresse du couloir syrien et du nord de l'Arabie, détient le monopole du grand commerce. Les revenus considérables de l'empire sont en grande partie consacrés à l'embellissement des cités ; outre Babylone, Our, Ourouk, Nippour, Sippar, Kish, Larsa et Barsippa connaissent une intense activité architecturale.
8. Le déclin de Babylone
Parmi les successeurs de Nabuchodonosor, Nabonide (556-539) est le seul qui se maintienne quelque temps sur le trône, mais il ne peut repousser l'attaque du Perse Cyrus II. Babylone prise en 539 est néanmoins traitée avec le plus grand respect ; ses dieux, entourés des égards de l'envahisseur, sont maintenus dans leurs temples. Cyrus II restaure même des sanctuaires à Our et à Ourouk ; à Babylone, où il établit sa résidence d'hiver, il fait construire un arsenal, un palais pour le prince héritier et un immense apadana (salle soutenue par des colonnes) pour son propre palais.
Cependant, les autres rois de Perse, accaparés par la guerre contre les Grecs, s'intéressent peu à leur nouvelle satrapie. En 482, Xerxès Ier, irrité par l'esprit « national » de ses sujets babyloniens, démantèle leur capitale et emporte la statue d'or de Mardouk. À partir du ve siècle, écartée du grand commerce, écrasée sous les charges fiscales, la Babylonie connaît un grand marasme économique. Sa situation culturelle est aussi peu brillante : les Perses, accourus en grand nombre sous les règnes de Darios et de Xerxès, imposent dans les vallées du Tigre et de l'Euphrate les divinités iraniennes ; l'araméen, devenu la langue officielle de l'Empire achéménide, achève de supplanter le dialecte babylonien. La culture suméro-akkadienne ne survit que dans les cercles étroits des scribes et des savants.
En 331, Babylone, amoindrie, opprimée et appauvrie, acclame Alexandre le Grand, qui en fait la capitale de l'Asie et voudrait lui redonner sa splendeur ; mais il la délaisse pour d'autres conquêtes. De retour neuf ans après, il a tout juste le temps d'y mourir. Dès lors, Babylone continue à courir vers son déclin ; peu après 301, la fondation macédonienne de Séleucie du Tigre lui ravit son statut de capitale. Les Parthes, indifférents à son sort, la laissent décliner.
Au ier siècle avant J.-C., le géographe grec Strabon trouva le site désert.
ARCHÉOLOGIE
Les premières fouilles systématiques du site de l’antique Babylone ont été menées entre 1899 et 1917. La ville mise au jour date surtout de l’époque néobabylonienne. De plan rectangulaire, la cité du Ier millénaire avant J.-C. était parcourue de canaux reliés à l'Euphrate et entourée de fortifications colossales. Ouvrant la voie processionnelle, la porte d'Ishtar (reconstituée à Berlin) était la plus importante. D'autres monuments étaient célèbres dans l'Antiquité : ziggourat, jardins de la légendaire Sémiramis, palais et jardins de Nabuchodonosor, Esagil, ou grand temple du dieu Mardouk, qui couvrait une surface de 550 × 450 m. Les dimensions et proportions de ces édifices obéissaient aux règles rigoureuses des nombres sacrés.