Alep
en arabe Ḥalab
Ville de Syrie, chef-lieu de province, sur le Koueik.
- Nom des habitants : Aleppins
- Population pour l'agglomération : 1 740 622 hab. (estimation pour 2016)
GÉOGRAPHIE
La ville était avant 2011 la plus peuplée et la plus riche de la Syrie. Elle est aujourd'hui ravagée par les combats qui opposent l'armée syrienne à la rébellion.
1. Une situation exceptionnelle
C'est sa situation qui explique Alep. Un ensellement dans la série des massifs littoraux levantins, occupé par le bas cours de l'Oronte, ouvre vers le coude de l'Euphrate la voie la plus directe de passage de la Méditerranée vers la Mésopotamie. De plus, la pénétration des effluves maritimes par cette brèche augmente les précipitations et fait régner des conditions de steppe cultivable jusqu'au voisinage du fleuve, qu'atteint l'isohyète de 200 mm (l'isohyète de 400 mm passant près de la ville). À mi-chemin entre la côte et l'Euphrate, à 390 m d'altitude, Alep commande cette voie de relations exceptionnelle.
2. L'évolution historique
Le site, en revanche, est banal. À proximité d'un chétif cours d'eau de la steppe, le Koueik (Quwayq), une colline escarpée, sur laquelle se dresse encore aujourd'hui la citadelle, offrait un site défensif qui fut mis à profit de bonne heure pour une agglomération (le nom de la ville apparaît dans les textes hittites dès le début du IIe millénaire avant notre ère). Mais la fortune de la ville ne s'affirma qu'après la ruine de ses concurrentes pour l'exploitation de la route commerciale : Chalcis (Qinnasrīn), détruite en 963 et dont la population fut réinstallée à Alep ; Antioche surtout, rasée par les Mongols en 1268. Alep devint dès lors le plus grand centre commercial du Levant, relayant, après le déclin du commerce continental vers les Indes, sa fonction de transit lointain par un rôle de centre de pénétration de l'influence européenne dans tout le Moyen-Orient. La population atteignait déjà sans doute près de 300 000 habitants au xviie s.
3. Les activités économiques
De cette situation et de cette permanence de la fonction commerciale découle une physionomie urbaine qui donne à Alep une place particulière parmi les villes syriennes. Cité industrieuse, aux horizons élargis, foyer d'initiatives et de développement moderne, elle est par bien des points l'antithèse de Damas, la capitale, beaucoup plus traditionaliste.
La fonction commerciale de transit n'est plus qu'un souvenir. Jusqu'en 1869 encore, le rayonnement commercial d'Alep s'étendait par-delà la Syrie du Nord, sur la Mésopotamie et une partie de l'Iran. L'ouverture du canal de Suez détourna ce trafic vers le golfe Persique et la voie maritime. L'arrière-pays d'Alep, encore largement étendu vers l'Anatolie du Sud-Est jusqu'à la Première Guerre mondiale, s'est rétréci après la dislocation de l'Empire ottoman. Mais ce rôle commercial a laissé des traces indirectes. Il avait en effet concentré dans la ville deux éléments décisifs de progrès : des capitaux et une classe commerçante dynamique et tournée vers l'extérieur.
3.1. L'organisation de l'espace agricole
Alep a une fonction très étendue d'organisation de l'espace agricole. Au centre de campagnes cultivables en culture pluviale dans un cercle d'une centaine de kilomètres de rayon, ses classes dirigeantes ont développé leurs propriétés dans les steppes voisines, où l'influence foncière de la ville est considérable (beaucoup plus étendue que celle de Damas). C'est sous l'impulsion de la bourgeoisie d'Alep que s'est dessiné le mouvement de marche pionnière qui, depuis la fin du xixe s., a largement reconquis les régions marginales du désert, naguère bédouinisées. Depuis la Seconde Guerre mondiale, d'autre part, les capitalistes d'Alep ont élargi considérablement leur champ d'action en jouant le rôle décisif dans la recolonisation agricole de la Djézireh, frange septentrionale du désert de Syrie ; ils y pratiquent une grande culture céréalière mécanisée, sans installations permanentes entre les semailles et les récoltes, en versant des redevances aux chefs nomades récemment fixés qui ont la propriété théorique du sol.
3.2. Le premier centre industriel de la Syrie
La ville est aussi devenue de loin le premier centre industriel de la Syrie. Au premier rang vient l'industrie textile. Puis viennent des industries alimentaires (minoteries, huileries, boissons), des industries du cuir et de l'ameublement, une grosse cimenterie et de nombreux petits ateliers métallurgiques.
3.3. L'importance des chrétiens
Ce développement est dû pour une bonne part à l'initiative des éléments chrétiens minoritaires, particulièrement nombreux dans la ville. Aux groupes chrétiens traditionnels, surtout maronites descendus du Liban au xixe siècle (→ Église maronite), s'est ajoutée en effet après la Première Guerre mondiale une importante colonie arménienne, qui représente 18 p. 100 de la population de la ville (29 p. 100 de chrétiens au total).
3.4. La croissance de la population
La population, qui ne comptait plus que 135 000 habitants vers 1890, après le déclin du commerce, le tremblement de terre destructeur de 1822 et de graves épidémies, a repris sa marche en avant, passant à 466 000 habitants en 1959 à plus de 600 000 en 1970 et plus de 3 millions en 2010, avant l'exode dû aux combats de 2012.
4. Le climat d'Alep
Le climat d'Alep est méditerranéen, avec des précipitations faibles (395 mm par an), qui tombent entre octobre et avril, et des températures qui oscillent entre 29 °C en juillet et août et 0 °C en janvier, pour une moyenne annuelle de 17 °C.
HISTOIRE
1. xixe-xvie siècles avant J.-C.
Le nom d'Alep apparaît à la fin du xixe siècle avant J.-C. C'est alors la ville d'un grand dieu de l'Orage (appelé Adad, Baal ou Teshoub suivant les peuples).
C'est aussi la capitale du grand État amorrite du Yamhad, dont le premier roi connu, Yarim-Lim (mort v. 1765 avant J.-C.), joue un rôle important en Syrie et en Mésopotamie. Le Yamhad est détruit par le Hittite Moursili Ier (v. 1600 avant J.-C.), mais bientôt reparaît un royaume de Halab, ballotté entre les Empires mitannien, égyptien et hittite jusqu'à sa conquête par le Hittite Souppilouliouma, qui le confie à l'un de ses fils. Alep, réduite à un territoire modeste, n'est plus dès lors qu'une ville sainte.
Pour en savoir plus, voir les articles Amorrites, Hittites.
2. Du xiie siècle avant J.-C. à la conquête arabe
Après la période obscure qui suit le passage des Peuples de la mer (1191 avant J.-C.), elle fait partie du royaume araméen d'Arpad (→ Araméns), qui sera annexé par les Assyriens en 740 avant J.-C.
Après la conquête de Cyrus (540 avant J.-C.), elle reste sous la domination des Achéménides jusqu'aux conquêtes d'Alexandre le Grand (333 avant J.-C.). Lors du partage de son empire, elle revient à Séleucos Nikatôr : les Séleucides fondent, de 301 à 281 avant J.-C., la nouvelle ville (en grec Beroia). Prise par les Romains (65 avant J.-C.), elle est saccagée par les Perses.
3. Du xiie siècle à 1516
Conquise par les premiers califes (637), elle devient musulmane. Centre d'une principauté à partir de la fin du ixe siècle, elle a dès lors sa vie propre, même sous la domination successive de l'Empire byzantin (fin du xe siècle), des Fatimides (1015), des Mirdasides (1023-1079) et des Turcs Seldjoukides (1070).
Elle est assiégée par les croisés en 1124 et prise par Saladin en 1183. Possession des Mongols en 1260, puis des Mamelouks, elle devient turque en 1516.
Pendant toute la période médiévale, Alep a une grande importance : quatre caravanes partaient à quatre époques de l'année vers la Perse et l'Inde, l'Empire byzantin, le Diyarbakir et l'Arménie.
4. De la période ottomane à la Syrie sous mandat français
Sous les Turcs Ottomans, elle reste un centre commercial très actif. En 1831, Ibrahim Pacha s'en empare mais elle est rendue au sultan en 1840. Alep est, au xxe siècle, chef-lieu de province et de district de l'Empire ottoman.
À la fin de la Première Guerre mondiale, la ville est enlevée aux Turcs par les Britanniques d'Allenby (26 octobre 1918) [→ campagne de Palestine]. Lors des opérations de Cilicie, en 1919-1920, elle est occupée par les troupes françaises. Placée avec la Syrie sous mandat français, elle devient la capitale de l'État d'Alep (1920-1925).
Pour en savoir plus, voir l'article Syrie : histoire.
BEAUX-ARTS
Nombreux monuments, dont les plus remarquables sont de l'époque seldjoukide : Grande Mosquée (d'origine omeyyade, mais refaite au xiie siècle), citadelle, plusieurs madrasa. Autres édifices, dus aux Mamelouks et aux Ottomans. Important musée archéologique. Le marché couvert, classé au patrimoine mondial de l'Unesco, a été gravement endommagé par les combats en 2012.