baleine

Baleine
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La baleine à bosse est parmi les plus grands mammifères marins de tous les temps. Elle parcourt les océans à la recherche de nourriture. À elle seule, la baleine pèse aussi lourd que huit éléphants, cinquante tonnes qui ont causé son malheur. Pourchassée à l'extrême pour sa viande et son huile, elle est menacée de disparaître. Les hommes de demain la verront-ils bondir avec grâce hors de l'eau pour jouer ou pour séduire ?

1. La vie de la baleine

1.1. Des affrontements spectaculaires entre mâles

Peter Tyack, du Woods Hole Institute de Boston, est l'un des grands spécialistes des baleines à bosse du Pacifique nord. Depuis 1980, il suit leurs migrations avec son équipe : ils passent l'été et l'automne en Alaska, où les baleines viennent se nourrir, puis s'installent à Hawaii pour l'hiver, pendant la période de reproduction et d'élevage des jeunes. Ils ont observé que les baleinés à bosse, bien que grégaires, ont élaboré une organisation sociale complexe.

Les baleines à bosse effectuent leurs migrations seules, éventuellement à deux ou trois, mais se rassemblent à leur arrivée sur les terrains où elles se reproduisent et élèvent les jeunes. Un groupe, qui peut contenir jusqu'à douze individus, se forme alors autour d'une femelle centrale et d'un mâle adulte, appelé « premier escorteur », qui se montre protecteur envers cette femelle et agressif envers tout autre animal qui tente de l'approcher.

Les affrontements sont spectaculaires. Le mâle dominant adopte toujours le même comportement : il essaie d'abord de barrer le passage à son rival ; s'il échoue, il tente de l'impressionner en apparaissant à la surface de l'eau, énorme, la gorge remplie d'air et d'eau. Puis il plonge et expire sous l'eau, laissant échapper des milliers de petites bulles, qui réduisent la visibilité de son rival et le désorientent. Si toutes ces tactiques s'avèrent insuffisantes, le mâle dominant charge et assène un violent coup de tête ou de queue à son adversaire. Les balanes, crustacés à coque calcaire très dure qui adhèrent à la peau des cétacés, augmentent l'efficacité des coups. Dans les cas extrêmes, les deux mâles se projettent hors de l'eau à la verticale, l'un contre l'autre.

Ces groupes très structurés sont toutefois temporaires, l'association entre le premier escorteur et la femelle ne durant jamais plus de trois jours. Les mâles dominants fécondent sans doute plusieurs femelles dans différents groupes.

Le chant des baleines

Le chant semble jouer un rôle social important. Les baleines, dépourvues de cordes vocales, ont été longtemps considérées comme muettes. Leur chant fut découvert par hasard, en 1952, au cours d'un enregistrement sous-marin de routine de la marine américaine, l'US Navy, au large des Bermudes. L'Américain W. Schevill fut le pionnier de l'étude du chant des baleines à fanons.

La baleine à bosse produit des sons particulièrement longs et complexes, audibles à plus de 9 km et dont la fréquence est comprise entre 20 et 450 hertz. Son chant est formé d'une répétition de séquences mélodiques qui peuvent durer chacune 10 minutes. Le chant lui-même peut être continu pendant plusieurs heures et serait l'apanage des mâles ; les meilleurs chanteurs obtiendraient plus facilement la place de premier escorteur. Les grands mâles solitaires chantent jusqu'à ce qu'ils aient rejoint un groupe. Dans une zone géographique donnée, toutes les baleines utilisent les mêmes séquences : les baleines d'Hawaii, d'Australie ou des Caraïbes semblent avoir chacune leur propre langage !

1.2. Des acrobaties pour jouer ou pour séduire

Les jeunes baleines à bosse suivies par le biologiste américain C. Belt dans les terrains d'alimentation du golfe du Maine consacraient la majorité de leur temps à des jeux d'eau acrobatiques. Le comportement très ludique des jeunes de 1 à 3 ans diminue progressivement jusqu'a disparaître à l'âge de 5 ans. Ces mouvements acrobatiques sont repris par les mâles à la saison des amours ; ils exécutent de remarquables figures dont la signification exacte n'a pas encore été complètement décryptée.

Dans le « breaching » (bonds hors de l'eau), le mouvement le plus spectaculaire, le mâle propulse ses 48 tonnes hors de l'eau, presque à la verticale. Lorsque seule la queue est encore immergée, il effectue une volte-face et retombe à plat sur le dos, avec un bruit de tonnerre. Manœuvre d'intimidation vis-à-vis d'un autre mâle ou démonstration de séduction à l'intention d'une femelle ?

Dans le « lob tailing », la baleine nage tout en donnant de violents coups de queue dans l'eau. Il est possible que ce soit un des signes de mécontentement du mâle chassé par un rival en période de reproduction.

Le « flipper slapping » (coups de nageoire), la figure la plus élégante, s'exécute à l'arrêt ou en mouvement. La baleine roule sur le côté et brandit verticalement une de ses nageoires pectorales hors des vagues. Puis elle en frappe gracieusement la surface de l'eau, plusieurs fois de suite, agitant sa nageoire comme un signe d'adieu.

1.3. Des kilos de plancton après un jeûne de six mois

Affamées après 6 mois de jeûne d'hiver, les baleines à bosse quittent les eaux tropicales pour se rendre dans les eaux froides riches en nourriture. L'été polaire est une saison magique. L'air et l'eau se réchauffent, les jours rallongent. C'est l'époque de la multiplication rapide du plancton, formé de petits crustacés (krill), et du poisson, que les courants marins font remonter à la surface. Bien que les baleines se nourrissent toutes par filtration, les différentes espèces ne sélectionnent pas les mêmes organismes. Les baleines de l'Antarctique ne se nourrissent que de krill, celles de l'hémisphère Nord avalent aussi bien des harengs et des anchois que du plancton. Elles mangent beaucoup : leur estomac peut contenir 600 harengs et 700 kg de morue et de plancton !

Petits crustacés pour une grande bouche

Les baleines à bosse attrapent leurs proies par la méthode d'« avalement ». Ouvrant la bouche, elles avalent jusqu'à 6 m3 d'eau, qu'elles expulsent en la refermant. Le plancton, le krill ou les poissons sont retenus par les fanons. Les baleines peuvent augmenter la capacité de chaque bouchée grâce à l'existence de plis ou sillons ventraux, larges et profonds. Ceux-ci s'étendent du menton à l'ombilic et se distendent à la manière d'un accordéon lorsque la gorge est pleine. La femelle, qui a besoin de se nourrir énormément lorsqu'elle est en gestation, en possède de 20 à 24, le mâle de 14 à 20.

Pour se nourrir, les baleines à bosse plongent pendant 5 à 20 min à des profondeurs de 60 à 180 m. Le plus souvent, elles chassent seules, tôt le matin ou en fin d'après-midi. Il leur arrive aussi de chasser en groupe, ce qui leur permet de s'attaquer à des bancs de poissons plus rapides.

Dépourvues du système d'écholocation des dauphins, les baleines localisent leurs proies grâce à une assez bonne vision binoculaire. Mais, dans les eaux souvent troubles, la visibilité est mauvaise, ce qui rend la chasse très difficile.

D'autres organes sensoriels viennent à la rescousse : ce sont les poils sinusiens ou vibrisses, que les baleines utilisent de la même façon qu'un chat ses moustaches ! Ils émergent des tubercules présents sur les mâchoires de la baleine, chaque poil possédant son propre réseau sanguin et nerveux. Ces poils permettent à la baleine de percevoir la proximité d'objets étrangers – bancs de plancton ou de krill – et d'en déterminer la concentration. Ce système de repérage tactile est très utile aux baleines à bosse pour se nourrir, car elles nagent moins vite que les autres baleines.

1.4. Les petits naissent dans des eaux chaudes

À la fin de l'été, les baleines à bosse quittent le garde-manger des eaux polaires et parcourent 6 000 km vers les eaux tropicales. Les dernières à partir sont les femelles en gestation qui veulent se nourrir jusqu'au dernier moment pour affronter le long voyage avec un maximum de réserves. Les femelles retournent tous les ans vers les mêmes terrains de reproduction, pour s'accoupler ou donner naissance à leur petit. Ces terrains sont situés près des côtes, dans des eaux peu profondes dont la température oscille entre 22 et 25 °C. Quelques-uns d'entre eux sont bien connus des spécialistes : Hawaii, les Caraïbes ou la côte est de l'Australie.

Pendant que certaines se préparent à la naissance de leur petit, d'autres assistent à la cour bruyante et acrobatique des mâles. Après avoir conquis une femelle en chaleur et s'être accouplé avec elle, le mâle changera de groupe pour courtiser une autre femelle.

Il n'y a pas de formation de couple. Les seuls à s'accoupler sont les mâles dominants.

Les femelles ovulent une fois par an, souvent même tous les deux ou trois ans. L'ovulation a généralement lieu en hiver, au moment même où la capacité de reproduction du mâle est la plus importante.

La gestation dure entre 11 et 12 mois. La croissance du fœtus est prodigieuse : à 3 mois, il mesure déjà 30 cm et tous ses organes sont formés. Pendant les deux derniers mois, il grossit de 700 kg. Le nouveau-né pèse environ 1 tonne et mesure en moyenne 4,50 mètres.

Une naissance sous l'eau

Une naissance sous l'eau



Personne n'a jamais été témoin d'une naissance, mais la position du fœtus dans l'utérus permet de penser que le petit naît la queue en premier, comme chez les dauphins. Le baleineau est expulsé dans l'eau et doit aller respirer à la surface. Il ne risque pas de se noyer, car l'air atmosphérique provoque la première ouverture de l'évent. Sans air dans les poumons, le baleineau a tendance à sombrer. Sa mère le soulève donc doucement vers la surface pour sa première inspiration. Les baleines à bosse entendent et voient dès la naissance et, bien que leurs nageoires ne soient pas encore rigides, elles nagent immédiatement, avec des mouvements encore maladroits.

Un véritable lait concentré

L'allaitement débute immédiatement, dès que le nouveau-né a découvert en tâtonnant les fentes mammaires, qui encadrent la fente génitale. Il introduit sa bouche et saisit le mamelon entre sa langue et sa mâchoire supérieure. La mère envoie alors dans la gorge du petit une grande quantité de lait sous pression. Une tétée ne dure que quelques secondes, mais se répète de 30 à 40 fois par 24 heures. Le petit avale chaque fois une douzaine de litres de lait, ce qui représente 500 litres par jour ! Ce lait, bien plus riche en matières grasses et en protéines que le lait de vache, constitue sa seule nourriture jusqu'à 5 ou 6 mois, au bout desquels il aura doublé de poids. Il commence alors à s'alimenter en imitant sa mère. À la fin du sevrage, le petit de 10 ou 11 mois mesure de 8 à 9 m. Dès l'âge de 2 ans, il s'initie à la méthode de pêche au filet de bulles.

Le filet de bulles, une technique de pêche astucieuse

Le filet de bulles, une technique de pêche astucieuse



Après avoir localisé un banc de plancton ou de krill, la baleine plonge en dessous puis remonte lentement à la surface en expulsant l'air. Les milliers de bulles forment un mince filet qui emprisonne les crevettes. La baleine apparaît alors bouche ouverte et avale des bouchées de plusieurs tonnes. Pour plus d'efficacité, certaines baleines encerclent le banc à cinq ou six et se nourrissent en plongeant tour à tour.

Une longue enfance

Le petit ne s'éloigne jamais de sa mère et l'imite dans tous ses déplacements. Lorsqu'ils nagent ensemble, le jeune se met au-dessus et un peu en avant de la nageoire pectorale maternelle. Parfois, il se laisse porter et soulever hors de l'eau.

Aucun membre du groupe ne se glisse entre eux. La mère risque sa vie pour protéger son petit contre les agressions des requins, des orques ou des chasseurs. À l'inverse des dauphins, les autres membres du groupe ne participent pas à l'éducation et ne prennent pas en charge les éventuels orphelins. En cas d'attaque, seul le premier escorteur se mettra entre l'assaillant et le petit, qui sera ainsi encadré par deux adultes.

Lors de son second été dans les eaux polaires, il sera livré à lui-même, tout en restant encore dans le groupe de sa mère pendant un ou deux ans. Il ne devient vraiment autonome que vers 4 ans. À partir de 6 ans, l'adolescent passe la majeure partie de son temps à se nourrir ou à jouer avec d'autres membres du groupe. Les jeunes peuvent gaspiller leur énergie en jeux car ils sont ou ont été nourris abondamment par le très riche lait de leur mère.

La baleine atteint sa taille adulte, proche de 20 m, vers l'âge de 10 ans. Lorsqu'elles atteignent la maturité sexuelle, les baleines doivent passer plus de temps à se nourrir : en effet leurs besoins augmentent pendant la période de reproduction.

Les baleines à bosse vivent pendant une trentaine d'années. Au cours de leur vie, les femelles peuvent mettre au monde plus de quinze petits.

1.5. Milieu naturel et écologie

La répartition actuelle des baleines à bosse est assez bien connue. Il existe quatre populations géographiquement isolées et situées dans l'Atlantique Nord, le Pacifique Nord, l'hémisphère Sud et en mer Rouge. Chaque population serait subdivisée en groupes distincts au moment de la reproduction, mais ces groupes s'alimenteraient aux mêmes endroits. La répartition des baleines à bosse est différente selon les saisons, puisqu'elles passent l'été à se nourrir à proximité des eaux polaires puis migrent vers les eaux chaudes où elles se reproduisent.

La migration des baleines

Les baleines de l'hémisphère Nord suivent ainsi une route nord-sud (été-hiver) sans jamais rencontrer celles de l'hémisphère Sud. Aucun des groupes en effet ne dépasse l'équateur. De plus, les deux groupes migrent avec un décalage de six mois : quand les baleines de l'hémisphère Nord se trouvent sur leurs terrains d'hiver au sud, c'est l'été dans l'hémisphère Sud et les autres baleines ont atteint leurs terrains de nutrition habituels en Antarctique.

Si les baleines entreprennent d'aussi longues migrations, parcourant parfois plusieurs milliers de kilomètres, c'est principalement pour satisfaire leurs besoins alimentaires, qui se chiffrent à plusieurs tonnes par jour. C'est dans les eaux polaires d'été qu'elles trouveront les plus importantes concentrations en plancton et en krill.

La seule exception à la migration est la population sédentaire de la mer d'Oman, qui se nourrit toute l'année au même endroit et s'y reproduit.

La migration des baleines à bosse est connue grâce aux études du Canadien S. Katona, dans l'hémisphère Nord, et de M. Bryden, en Australie. Ils ont identifié les différents individus par les taches blanches présentes sur la face ventrale de leur queue, qui varient selon chaque baleine. Dans l'état actuel des recherches, il semble qu'il n'y ait pas de rapport direct entre la direction des courants océaniques et celle des migrations. Les baleines se déplacent dans le sens du courant ou à contre-courant et sur n'importe quel fond. Elles se dirigeraient en prenant comme repères le soleil, la lune, les étoiles et les champs magnétiques. Des chercheurs comme Herman à Hawaii, Watkins en Alaska, Goodyear au Canada et bien d'autres ont travaillé sur les trajets migratoires des différentes espèces.

Les baleines à bosse ne sont pas les seules à migrer. Les autres rorquals se rendent dans des eaux plus chaudes pour la saison des amours et des naissances. Les baleines bleues quittent l'Antarctique dès la fin de l'été, mais passent l'hiver en haute mer sans former de véritables rassemblements. Elles sont, de ce fait, plus difficiles à observer que les baleines à bosse. Le rorqual de Rudolphi remonte moins loin vers le nord que la baleine bleue ou le rorqual commun. Il reste en haute mer, dans les eaux tempérées froides, en été, et dans les eaux subtropicales en hiver. Le petit rorqual et le rorqual commun se trouvent très près des pôles pendant l'été et se dispersent en petits groupes dans des eaux plus chaudes en hiver. Le rorqual de Bryde est le seul à ne pas migrer. Il passe l'année dans les eaux tempérées chaudes de l'Atlantique, du Pacifique et de l'océan Indien.

Les baleines franches ne sont pas de grandes voyageuses. La baleine du Groenland se contente de suivre l'avancée et le recul des glaces, et les espèces boréales et australes, particulièrement les femelles, se rapprocheraient des rivages au moment de la reproduction. Mais leurs mouvements sont mal connus, à cause de la raréfaction des effectifs.

La baleine grise effectue de longues migrations. Elle passe les mois de mai à novembre dans les mers de Béring et de Beaufort ; le reste de l'année, elle descend et se déplace le long des côtes de Californie. Elle voyage à des vitesses comprises entre 5 et 8 km/h. Les petits naissent dans les lagons situés vers le sud de la Californie. Les dernières baleines de la mer de Chine donnent naissance à leurs petits, chaque année, au large des côtes japonaises.

Les prédateurs des baleines

Le chercheur américain P. Tyack s'est plus particulièrement intéressé aux relations entre les baleines à bosse qui sont les proies des orques, et ceux ci. Les deux espèces peuvent faire bon ménage. Tyack a souvent vu des groupes de baleines à bosse accompagnées de jeunes rejoindre des groupes d'orques qui s'attaquaient à des otaries ou à des phoques ; les baleines n'ont apparemment aucun intérêt à s'associer ainsi et leur motivation reste pour l'instant inconnue. Il a également observé des groupes d'orques se déplaçant à moins d'un kilomètre d'un groupe de baleines à bosse sans les attaquer. Il arrive au contraire que des orques repèrent les baleines à plusieurs kilomètres de distance, accélèrent et attaquent. Et, si l'on fait entendre un enregistrement de chant d'orques à des baleines grises, elles fuient. La relation baleine/orque peut être comparée aux relations lion/buffle, ou lion/zèbre : la majeure partie du temps, ils se tolèrent mutuellement, mais, de temps en temps, le prédateur attaque.

Des coquillages agrippés à la montagne de chair

Toutes les baleines abritent de petits organismes fixés sur leur peau ou leurs fanons. Les plus fréquents et les plus visibles chez les baleines à bosse sont les balanes, dont la coque calcaire blanche se repère facilement sur la peau noire. D'un diamètre de 6 cm, ils se fixent surtout au niveau du menton, de la tête et des nageoires pectorales. Ce ne sont pas des parasites, car ils ne causent aucun dommage à leur hôte, sauf peut-être une légère irritation, et ne se nourrissent ni de leur chair ni de leur sang. Ce sont des organismes commensaux. Ils se nourrissent eux aussi de plancton qu'ils filtrent. Étant aux premières loges lorsque la baleine ouvre la bouche sur un banc de plancton, les balanes profitent de ce qu'elle ne mange pas.

2. Zoom sur... la baleine à bosse

2.1. Baleine à bosse (Megaptera novaeangliae)

La baleine à bosse est aussi appelée mégaptère, mot composé de méga, qui signifie « grand », et de ptère, « aile », ou encore rorqual à bosse. Elle est présente dans tous les océans et se rassemble dans les eaux côtières, ce qui a permis d'élucider facilement à la fois son anatomie et son comportement.

La baleine à bosse est parfaitement adaptée au milieu marin. Aucun appendice externe ne freine sa progression. Le pénis est situé dans un repli de peau et les testicules dans la cavité abdominale. La baleine ne possède pas de pavillon auriculaire. Seules ses nageoires, fortement aplaties, font saillie et sont particulièrement développées, ce qui expliquerait sa vitesse maximale peu élevée de 12 km/h. Bonne plongeuse, la baleine à bosse peut demeurer plus de 20 min sous l'eau, sans toutefois dépasser 250 m de profondeur. Elle est loin des records du cachalot, qui peut rester plus d'une heure en plongée.

Leurs longues migrations conduisent les baleines à bosse dans des eaux froides (de 2 à 4 °C) puis dans des eaux de plus de 20 °C. Or, leur température corporelle interne reste proche de 37 °C. La baleine dispose de deux systèmes de régulation thermique. Pour conserver la chaleur obtenue par la combustion des aliments, elle fabrique un tissu adipeux sous-cutané, qui atteint jusqu'à 20 cm d'épaisseur et lui sert d'isolant. Une femelle en gestation peut ainsi emmagasiner 7 tonnes de graisse. Cette isolation devient mortelle sur terre : une baleine échouée meurt rapidement d'hyperthermie et de déshydratation.

Le second mécanisme de régulation de sa température est respiratoire. La baleine respire plus souvent en milieu chaud ; en milieu froid, elle se contente de respirer toutes les 5 ou 10 min, afin de conserver l'air chaud présent dans ses poumons.

Grandes voyageuses, les baleines à bosse ont besoin de beaucoup d'énergie pour assurer leur survie pendant qu'elles migrent, période durant laquelle elles ne se nourrissent pas. Elles tirent cette énergie de minuscules organismes planctoniques comme les euphausiacés. À l'occasion, elles complètent leur alimentation avec de petits poissons comme les harengs ou les sardines.

Autrefois très abondantes et facilement visibles près des côtes, y compris des côtes françaises, les baleines à bosse se sont raréfiées à la suite de l'exploitation intensive dont elles ont été l'objet depuis le xe siècle. La législation actuelle les protège totalement et il est intéressant de noter que, de ce fait, leurs effectifs (environ 60 000)  remontent légèrement. L'espèce a été classée dans la catégorie « vulnérable » par l'U.I.C.N. (Union internationale pour la conservation de la nature) en 1996, mais l’un des critères de classification dans cette dernière a été modifié depuis et, en 2008, en raison de l’augmentation régulière des effectifs au cours des dix dernières années, observable dans davantage de zones que dans les années 1990, l’espèce a été déclassée dans la catégorie « préoccupation mineure ».

          

BALEINE À BOSSE OU MÉGAPTÈRE

Nom (genre, espèce) :

Megaptera novaeangliae

Famille :

Balénoptéridés

Ordre :

Cétacés mysticètes

Classe :

Mammifères

Identification :

Corps noir ; menton, gorge, nageoires pectorales et queue avec taches blanches ; très longues nageoires pectorales ; fanons sur la mâchoire supérieure

Taille :

19 m

Poids :

48 t

Habitat et répartition :

Tous les océans jusqu'à la limite de la banquise ; migration dans les eaux polaires en été et dans les eaux tropicales côtières en hiver

Régime alimentaire :

Krill et petits poissons ; l'alimentation a lieu surtout en été en eau froide

Structure sociale :

Solitaire ou par petits groupes temporaires de 2 à 10 animaux

Maturité sexuelle :

Entre 4 et 5 ans

Saison de reproduction :

Principalement l'hiver

Durée de gestation :

De 11 à 12 mois

Nombre de jeunes par portée :

1

Poids à la naissance :

De 900 à 1 200 kg

Allaitement :

De 10 à 11 mois, avec sevrage progressif à partir de 6 mois

Espérance de vie :

30 ans

Effectifs, tendances :

Atlantique Nord occidental : 11 600 (1992/93) ; Pacifique Nord : au moins 10 000 (2007) ; hémisphère Sud : 42 000 (1997/98) ; légère augmentation des effectifs ; vulnérable

Statut, protection :

Chasse totalement interdite ; réserves émises par Saint-Vincent-
et-les-Grenadines en 1989 et par l'Islande en 2000

 

2.2. Signes particuliers

Fanons

Les fanons permettent aux baleines mysticètes de se nourrir par filtration de l'eau de mer. Faits d'une matière proche de celle de nos ongles, ils sont formés d'une base (ou rangée), située sur la mâchoire supérieure, et de multiples franges. La baleine à bosse possède en moyenne 660 rangées de fanons, d'un diamètre de 0,7 mm. Ils atteignent 70 cm de longueur chez les baleines à bosse de l'hémisphère Sud, qui se nourrissent de krill, et 50 cm chez celles de l'hémisphère Nord qui se nourrissent de proies plus grosses. Plus les proies sont petites et difficiles à capturer, plus les fanons sont longs. Une fois engloutie, la masse d'eau salée est tamisée, bouche fermée : les aliments sont alors bloqués sur la frange interne des fanons avant d'être avalés. Des tonnes de nourriture sont ingurgitées.

Évent double

La baleine possède un système qui lui permet à la fois de respirer l'air atmosphérique et de ne pas respirer dans l'eau : c'est l'évent, situé au sommet de la tête, qui fonctionne comme une narine hermétiquement fermée par une double cloison lors des plongées. Les deux côtés de l'évent s'ouvrent simultanément sous l'action d'un muscle qui ne réagit qu'à l'air. À l'expiration, l'eau contenue dans le sac vestibulaire se transforme en vapeur, expulsée sous forme de jet. Le jet de la baleine à bosse atteint 3 m, celui de la baleine bleue 6 m.

Queue

La queue de la baleine à bosse mesure de 2 à 3 m de large. Elle se compose de deux nageoires horizontales, dépourvues de support osseux. C'est l'enchevêtrement des tendons et des fibres qui donne à la queue force et souplesse.

3. Les autres espèces de baleines

Les baleines à fanons, ou mysticètes, regroupent deux familles principales : les balénoptéridés (la baleine à bosse et 5 espèces de rorquals), caractérisés par un corps allongé, une nageoire dorsale bien nette et des sillons sur le ventre, et les balénidés (ou baleines franches), qui ont le ventre lisse et des fanons particulièrement longs et garnis de franges soyeuses. Les premières à être exploitées commercialement, elles étaient “bonnes à chasser”, en anglais “right whales”, grâce à la quantité impressionnante de graisse qui recouvre leur corps. Enfin, ce groupe comprend aussi deux espèces constituant deux familles légèrement différentes : la baleine pygmée (Caperea marginata) et la baleine grise (Eschrichtius robustus).

3.1. Les balénoptéridés

Baleine bleue ou grand rorqual (Balaenoptera musculus)

De 26 à 30 m, de 100 à 160 t, corps long et fin, bleu-gris.

Hémisphère Sud (1 population) et hémisphère Nord (2 populations).

Effectifs : 5 000 au total (selon le WWF), 1 000 dans l'Atlantique Nord, de 1 500 à 2 000 dans le Pacifique Nord ; population en fort déclin dans l'Antarctique. Espèce « en danger ».

Rorqual commun (Balaenoptera physalus)

De 24 à 27 m, de 40 à 60 t, nageoire falciforme, dos brun-noir, ventre blanc.

Tête triangulaire caractéristique.

La plus rapide des baleines.

Tous les océans.

Effectifs : 30 000 dans l'Atlantique Nord,. Espèce « en danger ».

Rorqual de Bryde (Balaenoptera edeni)

De 14 à 15 m, 20 t, coloration grise plus claire sur le ventre, se nourrit pendant toute l'année.

Eaux tropicales et subtropicales.

Effectifs : 60 000 dans l'hémisphère Nord, 30 000 dans l'hémisphère Sud. Mal connu.

Rorqual de Rudolphi (Balaenoptera borealis)

De 18 à 21 m, de 40 à 50 t, dos gris taché de blanc, ventre et gorge blancs.

Tous les océans.

Effectifs : 17 000 dans l'hémisphère Nord, 37 000 dans l'hémisphère Sud. Espèce « en danger ».

Petit rorqual (Balaenoptera acutorostrata)

De 10 à 11 m, de 9 à 10 t, dos noir, flancs gris, ventre blanc, bande blanche sur les nageoires pectorales, tête longue.

Eaux littorales tempérées de préférence froides.

Effectifs : 210 000 dans l'hémisphère Nord.

  Balaenoptera bonaerensis (Rorqual de l'Antarctique), considérée comme une sous-espèce, est séparée par la Commission baleinière internationale depuis 2000 pour faire l'objet d'une évaluation de ses effectifs (761 000 dans les années 1980).

3.2. Les balénidés

Baleine franche boréale ou baleine basque (Eubalaena glacialis)

De 16 à 18 m, 100 t, corps gris fonçant avec l'âge, tête garnie de nombreuses callosités.

Eaux littorales de l'hémisphère Nord.

Effectifs :  300. Cette espèce est considérée aujourd'hui comme en danger.

Baleine franche australe (Eubalaena australis)

Caractéristiques identiques à celles de la baleine franche boréale : corps gris plus ou moins foncé.

Eaux circumpolaires de l'hémisphère Sud.

Effectifs : 7 500. Menacée de disparition, elle a bénéficié de mesures de conservation qui ont porté leurs fruits et la tendance de sa population est à la hausse.

Baleine du Groenland (Balaena mysticetus)

De 19 à 20 m, de 75 à 100 t, tête énorme égale à un tiers du corps, menton blanc, couleur bleu-gris s'éclaircissant avec l'âge.

Eaux côtières articques.

Effectifs : 7 200-12 000. Reclassée par l’U.I.C.N. dans la catégorie « préoccupation mineure » en 2008 .

3.3. Deux familles à part

Baleine franche pygmée (Caperea marginata)

Unique représentante de la famille des néobalénidés.

De 6 à 7 m, de 4 à 5 t, dos gris foncé, ventre plus clair.

Hémisphère Sud.

Effectifs : inconnus.

Baleine grise (Eschrichtius robustus)

Seule représentante de la famille des eschrichtiidés.

De 13 à 15 m, de 33 à 35 t, couleur grise, taches blanc jaunâtre sur la tête et le dos, de 9 à 13 bosses à la place de la nageoire dorsale.

Pacifique Nord (côtes californiennes, au large de l'île Sakhaline, principal lieu de nourrissage, Mer de Chine).

Effectifs : 26 400 dans le Pacifique Nord.

4. Origine et évolution de la baleine

Il y a 50 millions d'années, Pakicetus fut le premier mammifère à vivre complètement dans l'eau. Environ 10 millions d'années plus tard, à la fin de l'éocène, les mammifères marins, ou cétacés, se séparent. D'un côté les odontocètes – à la mâchoire pourvue de dents, ordre auquel appartiennent dauphins, marsouins et cachalots –, de l'autre les mysticètes, ou baleines à fanons : la baleine à bosse, la baleine grise, les baleines blanches et les rorquals, qui se nourrissent par filtration de l'eau. Les fanons sont des franges souples implantées sur la mâchoire supérieure à l'emplacement des dents. Les baleines à fanons avalent des tonnes d'eau de mer, referment la bouche et rejettent cette eau d'un souffle puissant. Les particules vivantes du plancton, les crevettes du krill sont alors retenues prisonnières dans les fanons, puis envoyées dans l'estomac.

Les baleines à fanons n'ont pas toujours été gigantesques. D'après un fossile vieux de 25 millions d'années, le mammalodon, découvert en Australie, leurs ancêtres mesuraient 5 m de long. Ils pouvaient ouvrir largement la bouche pour emmagasiner à chaque bouchée une grande quantité d'eau et d'aliments en suspension. Depuis, l'évolution des mysticètes a continué dans le sens d'une meilleure adaptation au milieu marin. Le corps s'est allongé, prenant une forme hydrodynamique,... et cela jusqu'aux baleines actuelles, qui ont atteint leur taille gigantesque il y a 5 millions d'années.

La baleine ne fut jamais l'amie de l'homme, contrairement au dauphin. Elle a toujours fait peur. Ne raconte-t-on pas dans la Bible que Jonas fut avalé par une baleine, dans le ventre de laquelle il demeura trois jours avant d'être rejeté à la mer ?

De tout temps, la baleine fut une proie avantageuse, procurant à chaque capture des tonnes de viande et d'huile. De l'ordre 2 millions environ au xviiie siècle, l'effectif des baleines à fanons a probablement diminué depuis de moitié dans les différentes mers du monde.  Si la Commission baleinière internationale (créée en 1946) a décidé un moratoire, en vigueur depuis 1982, en ce qui concerne la chasse commerciale,  la reprise de la chasse par le Japon, la Norvège et l'Islande « à des fins scientifiques » est vivement contestée par d'autres États (dont la France) et par les organisations de défense de la nature tandis que de nouvelles menaces liées au réchauffement climatique pèsent désormais sur les espèces.

5. La baleine et l'homme

Dans les récits anciens, les baleines sont toujours décrites comme des monstres agressifs qui font chavirer les embarcations. Contrairement aux dauphins, elles n'ont jamais eu droit à l'estime et au respect. Les hommes n'ont manifesté un réel intérêt pour ces géants des mers qu'après les avoir presque tous anéantis.

5.1. Une vedette du tourisme

De nombreux tour-operators proposent des « sorties baleines », l'une des industries les plus florissantes actuellement en matière de tourisme « écologique ». L'espèce qui s'y prête le mieux est la baleine à bosse, dont les cabrioles fascinent le public. Le phénomène a pris une telle ampleur que des lois préservent maintenant la tranquillité des animaux. Sachez que, si vous désirez observer les baleines depuis votre bateau, il est interdit de s'en approcher à plus de 100 m en Australie et 200 m à Hawaii. En avion, vous devez respecter une altitude minimale de 300 m. Et, si vous choisissez la fascinante rencontre à la nage, vous devez vous maintenir à 30 m d'elles. La loi ne s'adressant pas aux baleines, elles sont libres de vous approcher. Se trouver nez à « rostrum » avec un géant de 40 tonnes est un moment inoubliable... et sans danger, car les mégaptères ne s'intéressent pas aux proies de plus de 30 cm.

Plusieurs pays se sont reconvertis dans le « whale watching » (observation rapprochée des baleines). L'archipel hawaiien est peut-être le plus beau et le plus accessible parmi tous les endroits. Les baleines s'y reproduisent de novembre à mars. En février, elles sont plus d'un millier à chahuter à moins de 100 m du rivage. Si le nombre de baleines continue à augmenter, il sera bientôt possible de voir ces géants évoluer au large de Waikiki, tout en savourant l'un de ces dîners-croisières proposés à bord des voiliers locaux.

5.2. De la chasse à l'extermination

Depuis toujours, les échouages de baleines étaient assez fréquents et les habitants des rivages tiraient profit de chaque carcasse. Ils utilisaient l'huile pour se chauffer et s'éclairer, mangeaient la viande, sculptaient les os et tressaient des liens robustes avec les intestins séchés.

Dès que les hommes surent fabriquer des outils, il y a plus de 5 000 ans, ils se mirent à chasser. Les peuples insulaires s'attaquèrent d'abord aux dauphins et aux marsouins, proies de petite taille qu'ils hissaient sans difficulté dans leurs canoës. Lorsqu'ils furent suffisamment habiles, ils s'en prirent aux grands cétacés.

On connaît peu de choses sur les débuts de la chasse à la baleine, si ce n'est que les Japonais la pratiquaient déjà à l'âge de pierre ! Les Phéniciens chassaient les cétacés de la Méditerranée ; au ixe siècle, les Vikings chassaient les baleines à bosse dans l'Atlantique Nord. Les Basques commencèrent au xie siècle, ne s'arrêtant que lorsqu'ils eurent exterminé les populations de baleines à bosse à leur portée.

Toutes les espèces ont été chassées à tour de rôle. Les premières furent sans doute les baleines franches et les baleines à bosse, qui se reproduisent près des rivages. Les chasseurs blessaient les jeunes en premier, sûrs d'empêcher ainsi la fuite des femelles qui n'abandonnent jamais leur petit en cas de danger. Autrefois, les harponneurs prenaient rarement le risque de s'attaquer à des mâles adultes, capables, lorsqu'ils étaient blessés, de mettre en pièces les embarcations.

C'est au cours du xviiie siècle que la pêche à la baleine s'est intensifiée, avec l'apparition des baleinières, des bateaux rapides spécialisés dans la chasse à la baleine, puis avec le développement des usines de dépeçage flottantes. Vers 1870, l'Antarctique et l'Australie étaient devenus des lieux de chasse privilégiés. Les Britanniques et les Norvégiens se situèrent en tête de l'industrie baleinière jusqu'en 1930, devant les Pays-Bas et les États-Unis. Après la Seconde Guerre mondiale, le Japon, l'U.R.S.S. et la Norvège étaient les principaux pays chasseurs. En l'espace de 200 ans, 90 % des baleines à bosse et des baleines bleues furent exterminées dans le monde.

5.3. Le travail acharné des chercheurs

Pour sauver les baleines, il faut impérativement aujourd'hui gérer les différentes populations qui restent dans les océans. Il devient indispensable de connaître les taux de reproduction, de croissance et de mortalité, l'âge de maturité physique et sexuelle et la longévité de ces animaux. Bon nombre de ces paramètres peuvent être dégagés sans leur causer de tort, grâce aux patrouilles aériennes, à l'utilisation du sonar ou des satellites. C'est ce que s'efforcent de découvrir les chercheurs de différents pays.

L'identification individuelle des baleines se fait par examen des nageoires ou du dessous de la queue, dont la coloration tachetée varie d'un individu à l'autre. Déterminer le sexe des baleines est plus délicat, puisque les organes génitaux sont abrités par un repli de peau. L'examen de la forme et du nombre des fentes ne peut se faire que sous l'eau, et il est irréalisable avec les espèces rapides comme la baleine bleue ou le rorqual commun. C'est pourquoi les chercheurs canadiens M. Brown et D. Gaskin ont développé une méthode d'analyse génétique, à partir de petits morceaux de peau prélevés sur 46 baleines franches. Il suffit de quelques millimètres de tissu, recueillis à l'aide d'une fléchette, qui ne cause aucun tort à l'animal. L'opération s'effectue à distance, à bord d'un bateau, par exemple.

La détermination de l'âge des baleines est encore plus difficile. Chez la plupart des espèces de mammifères, les chercheurs tentent d'évaluer l'âge d'un individu à ses dents. Or, les baleines à fanons étant dépourvues de dents, seule l'étude de l'os de l'oreille interne permet d'établir leur âge. Cette analyse ne pouvant malheureusement se pratiquer sur des baleines vivantes, on a donc cherché un autre moyen qui permettrait de déterminer approximativement leur âge.

Les biologistes australiens Peter Corkeron et Michael Bryden ont utilisé avec succès le marquage par échancrure.

Ils entaillaient légèrement la nageoire dorsale des jeunes baleines à bosse. L'opération est indolore pour l'animal. Cette échancrure est en forme de poinçon, de triangle ou encore de lignes parallèles, et elle diffère selon chaque individu. Les chercheurs la photographiaient avant de relâcher le jeune animal.

Quelques années plus tard, les baleineaux ont grandi et les échancrures aussi. Elles sont facilement repérables.

5.4. Les mesures de protection

Les menaces d'extinction, notamment des baleines franches, alarmèrent la communauté internationale qui, en 1937, déjà, interdit la capture en Antarctique de baleines à bosse d'une longueur inférieure à 11,5 m. En 1939, elles étaient totalement interdites de chasse dans l'hémisphère Sud. En 1946, quinze États décidèrent de créer la Commission baleinière internationale (C.B.I.) chargée de réguler la chasse qui fut rouverte en 1949, mais soumise à des quotas. La protection totale des baleines à bosse de l'Atlantique Nord fut décrétée en 1956, celle des baleines de l'hémisphère Sud et du Pacifique Nord en 1963 et en 1966. En 1982, la C.B.I. décida un  moratoire sur la chasse commerciale à partir de 1986. Toutefois, demeuraient autorisées la chasse à des fins scientifiques ainsi que celle des populations aborigènes en vue de leur subsistance, pratiquée au Danemark (Groenland), en Russie (Sibérie), à Saint-Vincent-et-les-Grenadines, et aux États-Unis (Alaska), selon des quotas précis. Ce moratoire a été accompagné de la mise en place d'un Schéma de Gestion Révisée (Revised Management Scheme – RMS) afin d'évaluer notamment l'impact des mesures de conservation sur l'état des stocks et de prévoir les conditions d'un retour éventuel à la chasse commerciale. Par ailleurs, la Commission créait deux sanctuaires de baleines, dans l'Océan indien (en 1979) et dans l'Océan austral (1994). Toutefois, utilisant des échappatoires, plusieurs pays continuent de chasser la baleine à des fins commerciales au mépris du moratoire et dépassant parfois les quotas imposés et les normes de protection des espèces en danger : après avoir cessé toute chasse en 1989, l'Islande l'a reprise en 2006, avant de l'interrompre en 2007 faute d'une demande suffisante du marché, tandis que la Norvège a toujours estimé ne pas être liée au moratoire après avoir déposé une clause de réserve lors de la négociation du texte. Quant au Japon, il a lancé deux programmes de recherche dans l'Antarctique (JARPA I et II) suspectés de couvrir une chasse commerciale, ce dont il se défend.  Aujourd'hui, deux camps s'affrontent au sein de la C.B.I. : celui des pays, Japon et Norvège en tête, qui considèrent que la reconstitution des stocks autorise la reprise de la chasse et celui des pays « protecteurs », dont les États-Unis, la France, l'Afrique du Sud, le Royaume-Uni ou la Nouvelle-Zélande, favorables au maintien du moratoire en l'état actuel d'incertitude sur l'estimation des populations. La réunion annuelle de la C.B.I. tenue à Anchorage (Alaska) en mai 2007 a décidé que celui-ci restait en vigueur et a invité le Japon à suspendre pendant une période indéterminée ses activités de chasse (dans le cadre de son programme de recherche JARPA II) qu'il pratique dans le sanctuaire baleinier de l'Océan austral. Toutefois, une proposition d'amendement, présentée notamment par le Brésil, l'Argentine et l'Afrique du Sud, en vue de créer un nouveau sanctuaire baleinier dans l'Atlantique Sud, n'a pas obtenu l'appui de la majorité requise des trois-quarts pour pouvoir être adoptée. La situation au sein de l'organisation reste ainsi hautement conflictuelle, comme l’a encore confirmé la réunion de la commission à Santiago (Chili) en juin 2008 qui s’est soldée par le maintien du statu quo et par la création d’une commission chargée d’étudier les points de litige. Par ailleurs, d'autres menaces sont désormais prises en compte par la Commission, en particulier la pollution et le réchauffement climatique. C'est ainsi que le programme de recherche « Pollution 2000+ » sur les effets de la pollution sur les cétacés a été lancé, tandis que le Southern Ocean Collaboration Working Group est désormais chargé d'étudier les conséquences du changement climatique sur la survie des espèces.

          

EFFECTIFS DE QUELQUES ESPÈCES DE BALEINES
selon la Commission baleinière internationale

Espèces et zones

Année

Estimation Moyenne

Intervalle de confiance

Petit rorqual

 

 

 

Hémisphère Sud

1982/83-1988/89

761 000

510 000-1 140 000

Atlantique Nord

1996-2001

174 000

125 000 – 245 000

Groenland occidental

2005

10 800

3 600-32 400

Pacifique Nord-ouest et mer d'Okhotsk

1989/90

25 000

12 800 – 48 600

Baleine bleue

 

 

 

Hémisphère Sud

1997/98

2 300

1 150 – 4 500

Rorqual commun

 

 

 

Atlantique Nord

1996-2001

30 000

23 000 – 39 000

Groenland occidental

2005

3 200

1 400 – 7 200

Baleine grise

 

 

 

Pacifique Nord-Est

1997/98

26 300

21 900 – 32 400

Pacifique Nord-Ouest

2007

121

112 – 130

Baleine du Groenland

 

 

 

Mers de Béring, Chukchi, Beaufort

2001

10 500

8 200 – 13 500

Groenland occidental

2006

1 230

490 – 2 940

Baleine à bosse

 

 

 

Atlantique Nord-Ouest

1992/93

11 600

10 100 – 13 200

Hémisphère Sud

1997/98

42 000

34 000 – 52 000

Pacifique Nord

2007

Au moins 10 000

 

Baleine franche

 

 

 

Atlantique Nord-Ouest

2001

Environ 300

 

Hémisphère Sud

1997

Environ 7 500