téléologie

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du grec telos, « achèvement », « fin », « but », et logia, « théorie », de logos, « discours ».

Philosophie Générale, Philosophie Antique

Science des causes finales.

La physique aristotélicienne analyse chaque être naturel à l'aide de quatres causes(1). La dernière est la cause finale, qui s'adosse au mécanisme présent dans les trois premières : matérielle, formelle et efficiente. Quoique pensée dans le cadre d'une physique au sens large, qui inclut tout autant le mouvement naturel des astres que celui des corps lourds (possédant donc un désir d'atteindre leur lieu – c'est-à-dire leur place dans l'ordre du monde), cette physique ne peut être réellement dite téléologique (le terme est attesté très tardivement en français et son équivalent grec manque) car il lui manque l'affirmation d'un dessein général de la nature vers un but final. Il lui manque, si l'on veut, l'assignation précise d'une Providence à satisfaire dans un système complet de la nature. C'est bien Aristote, cependant, qui sera nommé lorsqu'une source des téléologies classiques devra être exhibée par ses tenants ou par ses adversaires.

Fabien Chareix

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Aristote, Métaphysique A, Trad. Tricot, Vrin, Paris, 1970.

→ aristotélisme, être, finalisme

Métaphysique, Théologie, Morale, Biologie

Étude de la finalité en général, examen des causes finales et par extension doctrine philosophique qui admet les causes finales. Depuis Kant, on distingue la téléologie physique, comme étude de la finalité dans la nature, et la téléologie morale, comme étude des fins humaines. Mais c'est surtout relativement à l'interprétation de la nature et particulièrement aux sciences du vivant que le terme est employé.

De façon significative, une des premières fois où le terme est attesté en français, dans l'Encyclopédie (1765), coïncide avec sa réfutation comme science des causes finales. C'est que la science moderne, telle qu'elle s'est mise en œuvre depuis le xviie s., suppose la mise à l'écart de la considération de la finalité. Il faut demander comment la nature opère, et non pourquoi. La téléologie est discréditée, comme toute la science aristotélicienne, pour son anthropomorphisme, et laissée aux théologiens qui déchiffrent dans la nature la manifestation des desseins divins (c'est la physico-théologie).

Kant, dans la Critique de la faculté de juger(1), justifie la mise à l'écart de la téléologie des sciences de la nature. Elle ne peut fournir aucune connaissance : elle ne ressort pas de la faculté de juger déterminante, mais de la faculté de juger réfléchissante. Cependant, en tant que telle, elle peut être réhabilitée comme guide pour l'entendement humain ou principe d'intelligibilité. Le principe téléologique en particulier est nécessaire pour concevoir la possibilité des êtres organisés et tout ce qui semble témoigner d'une finalité interne.

En réalité, il apparaît que la science du vivant n'a jamais pu se passer entièrement de considérations téléologiques, dans la mesure même où, comme C. Bernard le souligne en 1865, « les phénomènes physiologiques complexes sont constitués par une série de phénomènes plus simples qui se déterminent les uns les autres en s'associant ou se combinant pour un but final commun(2) ». Or c'est la compréhension de ces phénomènes simples et de leurs combinaisons qui fait l'objet d'étude du biologiste. De même, l'étude des mécanismes de reproduction suppose la considération de l'être vivant comme tout agencé pour cette fin.

La biologie du xxe s. a forgé des outils qui, tenant compte de la spécificité du vivant, permettent de surmonter la contradiction impossible de la téléologie et du mécanisme. J. Monod(3) pour dire ces phénomènes liés à la téléologie (auto-organisation du vivant, invariance dans la reproduction) dont la description n'emprunte plus à la métaphysique ancienne, forge le terme de téléonomie. F. Jacob, pour sa part, mettant en valeur la notion de programme génétique, préfère parler d'un nouvel âge du mécanisme : « Longtemps le biologiste s'est trouvé devant la téléologie comme auprès d'une femme dont il ne peut se passer, mais en compagnie de qui il ne veut pas être vu en public. À cette liaison cachée, le concept de programme donne maintenant un statut légal.(4) »

Colas Duflo

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Kant, I., Critique de la faculté de juger, 2e partie, « Critique de la faculté de juger téléologique ».
  • 2 ↑ Bernard, C., Introduction à la médecine expérimentale, Flammarion, Paris, 1984, p. 136.
  • 3 ↑ Monod, J., Le Hasard et la nécessité, Paris, 1970.
  • 4 ↑ Jacob, F., La Logique du vivant, une histoire de l'hérédité, Gallimard, Paris, 1970, p. 17.
  • Voir aussi : Canguilhem, G., La Connaissance de la vie, Vrin, Paris, 1965 ; Le Normal et le pathologique, PUF, Paris, 1966.

→ cause, finalité, finalisme, jugement, jugement réfléchissant, organisme, vie