María Kalogheropoúlos, dite la Callas
Cantatrice grecque (New York 1923-Paris 1977).
Diva d’exception, excellant dans les rôles pour soprano colorature, la Callas fut aussi une tragédienne-née, qui imposa son charisme sur les plus grandes scènes du monde et remit à l’honneur des opéras parfois tombés dans l’oubli.
L'entrée en scène
Fille d’un pharmacien qui a émigré aux États-Unis, où il a pris le nom de Callas, Maria (dite aussi Ánna María) a une sœur aînée, Cynthia, qui offre comme elle-même des dispositions pour le chant. C’est cependant la cadette que sa mère Evangelia va favoriser. Revenue à Athènes en 1937, Maria y fait ses premières classes de conservatoire et ses premiers pas sur scène – dans le cadre de son conservatoire. Profitant des leçons de la cantatrice espagnole Elvira De Hidalgo (1892-1980), elle se voue tout entière à la musique. En pleine guerre, l’Opéra d’Athènes continue de fonctionner ; en août 1942, on y donne Tosca (Puccini), dont le rôle lui est confié.
Préférant les États-Unis à l’Italie, où Elvira De Hidalgo lui a cependant conseillé d’aller, Maria Callas y tente vainement sa chance. C’est pourtant en Italie qu’elle devra se rendre, en 1947, pour interpréter à Vérone La Gioconda (Amilcare Ponchielli [1876]), à la demande du chef d’orchestre Tullio Serafin. Elle fait alors la connaissance de l’industriel Giovanni Battista Meneghini, qu’elle épousera en 1949 et qui l’aidera beaucoup dans sa carrière. Dès 1948, la cantatrice est à l’affiche de quatre opéras en Italie : Turandot (Puccini), Tristan et Isolde (Wagner), la Force du destin (Verdi) et Aïda (id.). Devenu son mentor, Serafin l’intronise au Teatro Comunale (Opéra) de Florence pour être la Norma de Bellini, puis à la Fenice de Venise pour être Brunhild dans la Walkyrie (Wagner) et Elvira dans les Puritains (Bellini) ; en 1949, il lui fait faire ses débuts à Buenos Aires. L’histoire d’amour qui commence avec l’Amérique latine connaîtra, au fil des années, d’autres temps forts à Mexico et à São Paulo.
La voix du siècle
Celle qui est devenue « la » Callas enregistre ses premiers disques en 1950. Non seulement elle triomphe dans les grands opéras du répertoire, que montent tour à tour les principales scènes d’Italie, mais elle acquiert un nouvel instinct : celui de la réhabilitation d’opéras méconnus – tel l’Orphée et Eurydice de Haydn, qui a attendu 160 ans avant d’être joué. Enfin engagée par la Scala de Milan en 1951, la Callas se retrouve l’enjeu d’intrigues, qui s’exacerberont au fur et à mesure que croîtra sa rivalité avec l’autre reine du bel canto, Renata Tebaldi. Elle est toutefois pour le grand chef Toscanini « la femme [qu’il espérait] trouver depuis longtemps », et c’est à la Scala qu’elle accomplira l’essentiel de sa carrière.
Un soir de 1951, le cinéaste Luchino Visconti entend la cantatrice dans les Vêpres siciliennes de Verdi. Dès lors, à l’issue de chaque première, il lui adressera un télégramme de félicitations, lui demandant invariablement : « Quand travaillerons-nous ensemble ? » Ce sera chose faite en 1954, lorsqu’il mettra en scène à la Scala la Vestale, opéra de Spontini. La Callas avait trouvé en Visconti le metteur en scène dont elle rêvait et, pour elle, celui-ci réinventera les canons de l’art lyrique, devenant de plus en plus son Visconti.
En 1952, la Callas a découvert le public londonien de Covent Garden, avec lequel se noueront des liens privilégiés. Puis elle fait successivement la conquête des publics de Chicago, en 1954, et de New York, en 1956. C’est aussi en 1956 qu’elle est l’invitée du Staatsoper de Vienne. La Carmen de Bizet « a probablement décidé de toute ma vie », avoue-t-elle. Les rôles de sa vie sont cependant ceux des héroïnes de Norma et de Tosca – dont elle est pour beaucoup l’incarnation même –, de la Traviata (Verdi), de Médée (Cherubini) et de Lucia di Lammermoor (Donizetti) – ce dernier opéra étant à l’origine de sa collaboration avec Herbert von Karajan.
Dans tous ses emplois, la Callas met sa virtuosité – sinon toujours sa pureté – vocale au service de la partition musicale afin d’en magnifier la puissance d’évocation. Sa voix, dira le critique musical du New York Times présent à la première au Metropolitan Opera, « donne la sensation d’être forgée à coup de volonté plutôt que d’être un don de la nature ». La rigueur sans faille dont témoigne son travail va de pair avec l’indépendance qu’elle affiche à l’égard des conventions qui règnent dans l’art lyrique.
Les adieux au public
Le 2 janvier 1958, interprétant Norma à Rome, la Callas doit quitter la scène à la fin du premier acte. Elle a été victime d’un refroidissement, mais la vérité est plus cruelle : elle est en train de perdre sa voix. « Sans ma voix, qui suis-je ? », se demande-t-elle avec effroi. Elle qui a connu la gloire à la Scala va en être privée au terme de sa septième saison. Également privée du Metropolitan Opera, elle fait tardivement ses débuts à l’Opéra de Paris, en décembre 1958. C’est à Paris que va prendre forme sa liaison avec l’armateur grec Aristote Onassis, qui la conduira au divorce.
La Callas renoue, pour quelques représentations, avec le public de la Scala dans les années 1960-1962. Elle se rend encore à Londres, à Paris, à New York, puis de nouveau à Londres, avant que sa carrière sur la scène des théâtres lyriques ne s’achève, le 5 juillet 1965. Elle a alors 41 ans. À partir de 1970, elle se résout plus qu’elle ne se consacre à l’enseignement du chant dans le cadre des master classes qu’elle dirige à la Juilliard School de New York. C’est au terme d’une série de brillants récitals à travers le monde, en 1973-1974, qu’elle fait ses adieux définitifs au public.
Après une vie jalonnée de drames personnels – dont la perte de l’enfant qu’elle aurait dû avoir avec Onassis – et d’éclats largement médiatisés, la Callas choisit de se retirer à Paris. Elle qui avait été la prima donna la plus adulée de son temps – la « Divina » disaient alors les Italiens – ne remplit sa solitude désormais implacable qu’en repassant inlassablement ses enregistrements. Elle meurt le 16 septembre 1977.« Elle s’est battue au nom de cette autre femme qui était enfermée en elle, celle avec laquelle maintenant nous la confondons, la Callas. », avait dit d'elle Marguerite Duras (le Figaro littéraire, 1965).